Cela faisait près de 8 ans que nous n’avions pas entendu (ni vu) le groupe pop aixois Aline. Il y a un an, il sortait la compilation d’inédits “La lune sera bleue”. Rencontre avec Romain Guerret, figure de proue et créateur du projet.
Aline avait disparu des radars depuis 2015. Pourquoi une si longue pause ?
Plein de choses. Déjà, nos vies personnelles, bien sûr. Puis, à la restructuration du label Pias, celui qui nous avait signé a été évincé, puis notre tourneur nous a successivement lâché. Nous avons essayé de composer un troisième album sans s’entendre sur ce qu’on voulait faire, et je suis monté à Paris… ça a été multifactoriel, donc. Nous n’avons pas arrêté de repousser et puis finalement nous ne l’avons pas fait, ce troisième album.
L’idée de cette compilation d’inédits, c’était de refaire de la scène et de retrouver votre public ?
En fait, nous avions plein de matériel que nous n’avions jamais diffusé. Notamment, nous avions gagné en 2009 un concours des Inrocks qui s’appelait CQFD, avec à la clé un enregistrement de titres à New-York. Nous y avions enregistré 7 ou 8 titres, dont un seul était paru sur le premier album, “Elle et moi”. Il y a un an, en retombant dans mes archives, je me suis dit que c’était con de ne rien en faire. Nous nous sommes donc dit qu’on pourrait en faire un tirage vinyle à 3 ou 400 exemplaires pour les fans. Nous avons fait une campagne Ulule, et en quelques jours on avait plus que demandé ! À la base, nous ne voulions faire qu’un concert, pour retrouver notre public, et finalement nous avons joué à Lyon, Marseille, Paris, Bordeaux… C’était plein à chaque fois, les retours étaient bons, nous ne nous y attendions pas. Nous avons encore 5 / 6 dates à venir en 2025, et on a un bon tourneur, 3C, à Bordeaux. Tout ça nous a fait chaud au cœur et nous a donné envie de rempiler un petit peu.
Rempiler au point de réenregistrer et sortir un album… ?
L’idée, c’est quand même d’arriver à faire un vrai troisième album à un moment, oui. Ou commencer par un EP, nous voulions que ce soit prêt pour janvier mais ça ne sera pas possible. J’espère courant 2025 !
Vous avez joué au Makeda, à Marseille, l’ancien Poste à Galène, début 2024. Qu’est ce que ça fait de retrouver cette salle ?
Nous y avons beaucoup joué à l’époque, que ce soit avec Aline, Young Michelin son ancêtre, ou bien Dondolo, mon projet solo. La salle n’a pas beaucoup changé, et côté public, nous avons retrouvé nos fans, un peu plus vieux; j’ai retrouvé certaines personnes que je connaissais à l’époque, certains avec leur enfants ! C’était super.
L’industrie musicale vit une période de grandes évolutions, à coups de diffusion facilitée par internet. Quel regard portes-tu sur ces nouveaux usages ?
Quand nous avons commencé Aline, en 2013, c’était une période de transition. Là, tout passe par les plateformes et les réseaux sociaux, il faut être H24 dessus. Au début, j’adorais le principe de mettre sa musique en ligne et la faire entendre au monde entier, c’était révolutionnaire de pouvoir s’émanciper petit à petit des structures et des labels pour se faire connaître. Aujourd’hui, ça me fatigue, j’ai autre chose à faire que passer mes journées sur Tiktok à faire marcher les “algo”. Nous, nous avons la chance d’avoir des gens qui nous suivent, alors que tout est devenu éphémère. Les gens se déplacent encore pour nous voir, alors que ce n’est pas passé à fond par les réseaux. Par contre, je ne voulais plus entendre parler de maison de disques ou de labels mais m’occuper moi même de la promotion et de ce genre de choses, ça me gonfle. Alors si les gens peuvent s’en charger à ma place, c’est pas plus mal.
À quoi aspirez-vous niveau composition, pour la suite ?
Au début, avec Young Michelin, nous étions plus low-fi. Moi, j’étais à fond sur la scène qu’on appelait “C86”, la scène anglaise de la fin des années 80, avec des groupes comme The Pastels ou The Wake. Toute la scène de Glasgow, aussi : des guitares abrasives, un côté punk mais sensible et mélodique. Sur le deuxième album, nous avons fait un truc plus produit, moins punk, plus posé. Moi, j’aime bien la musique qui se danse, et nous nous sommes orientés vers un truc un peu plus sexy, plus funky. Maintenant, nous aimerions nous diriger vers autre chose, nous avons fait le tour. Le challenge est là : garder notre identité en allant voir d’autres influences. Un truc plus ricain, moins propret. Peut-être, aller plus vers le soleil. Nous y réfléchissons. Il faut que nous nous amusions. Si c’est pour refaire des “Elle m’oubliera” ou “Je bois et puis je danse”, nous pouvons le faire. Nous pouvons sortir un album par semaine, comme ça, ce n’est pas le problème. Est-ce que ça m’amuse de le faire, pas sûr. Je pense que c’est bien de faire des choses que nous ne savons pas faire, de se coltiner des genres où nous ne sommes pas des cadors.
À quoi doit s’attendre le public en concert ?
Ce sera un mélange des deux albums et des inédits, et nous va sûrement étoffer de quelques morceaux qu’on a en réserve. Sur scène, nous sommes super détendus, car nous n’avons plus de pression. Quand nous avons commencé à rejouer, nous n’avions pas répété depuis 8 ans, et c’est revenu en 20 minutes. À la fin du deuxième album, nous étions assez aguerris à la scène, et nous jouions quasiment mieux qu’à l’époque en répétant très peu, et ça c’est chouette. Nous avons pris des cheveux blancs et du ventre, mais c’est toujours aussi pêchu.
Lucie Ponthieux Bertram
Le 01/02/2025 au 6Mic – Aix-en-Provence (13).
Photo : Jessica Calvo.