2021 est une année prolifique pour le compositeur et songwriter suédois, Peter Von Poehl. Il nous livre tout d’abord un somptueux album de reprises, avec sa compagne, Marie Modiano (« Songs from the other side »), puis il enchaîne avec la sortie de son 5e album solo « Memories from Saint Forget ». Sa pop, qui est toujours aussi élégante et raffinée, se fait le témoin du quotidien d’un confiné.
Quelle est la genèse de votre nouvel album ?
A la base, je n’avais pas prévu de faire un album à ce moment-là, ça a été pour moi une manière d’attraper, de maîtriser le temps et de donner un sens à tout ce qui se passait. Vu le contexte, ça a été une évidence de me dire que j’allais recommencer à travailler comme je l’avais fait sur mon premier album. J’avais besoin de me retrouver moi-même et de retrouver la musique, tout simplement. D’où ce besoin d’être tout seul avec une guitare, à composer, après des mois de tournée avec des formations de plusieurs musiciens.
Pourquoi l’avoir intitulé “Memories from Saint Forget” ?
Saint Forget est une toute petite commune où nous nous sommes retrouvés un peu par hasard. Début 2020, nous avons commencé à nous inquiéter de la situation sanitaire et nous avons cherché, très tôt, des moyens pour partir de Paris, avec ma femme et nos enfants. Nous nous sommes installés là-bas pendant 5 mois. La maison que nous avons louée est à côté d’un château qui se visite, en temps normal. Là, tout était vide, c’était irréel. J’ai fait venir par camion tout mon matériel musical et je me suis fait un studio dans une cabane dans le jardin. Le studio m’a donné un cadre car c’est quelque chose que je connais, que je contrôle, qui est rassurant. J’y allais le matin, à l’aube avant que ma famille ne se réveille. Si on écoute bien, on trouvera dans le disque, le bruit des oiseaux qui chantent, car mon studio n’était pas bien insonorisé !
L’album a t’il été réalisé là-bas, aussi ?
Oui, tout à fait. Comme je ne pouvais pas voyager et, qu’en Suède, ils n’étaient pas confinés, j’ai travaillé à distance, pour enregistrer. J’ai fait moi même les cordes, les cuivres, les bois, les clavecins, les guitares, etc. Tout ça a été piloté de Stockholm, par un de mes vieux copains, avec qui je travaille depuis presque 20 ans. C’est ainsi que nous l’avons enregistré.
Que raconte la pochette ?
Ce sont comme des souvenirs de ces moments-là, épinglés au frigo. C’est Estelle Hanania, une amie photographe, qui a pris ces clichés, dans le jardin de la maison de Saint Forget. Lorsqu’elle les a développés, elle m’a fait une sélection des tirages et m’en a envoyé un petit snapchat. Les photos argentiques étaient en train de sécher, épinglées. Lorsque j’ai vu ça , j’ai su tout de suite que cette photographie des clichés serait la pochette de l’album.
Où puisez-vous vos inspirations ?
Ça vient assez naturellement. Pour les textes, ce sont les choses de la vie en général, des sensations, des souvenirs, les fantômes du passé, des moments qui, lorsqu’on les vit, semblent sans intérêt et qui a posteriori prennent de l’importance. La chanson « Monkeys Wedding » raconte, par exemple, une expérience que j’ai vécue en Australie lorsque j’y étais, pour un live, en 2018. Pour la musique, cette fois-ci, ma manière de travailler a été assez différente, plus proche de mon premier album que des autres. Ça a été du bricolage musical. Niveau création, je n’ai pas de méthode, de processus unique, je commence souvent une chanson et sans même que je comprenne comment, elle est terminée ! J’accepte cette part de mystère, de hasard et d’irrationnel et c’est bien comme ça !
Comme vous y faites référence, de quelle manière est né votre premier album « Going where the tea trees are » ?
Avant d’enregistrer mon premier disque, j’avais déjà travaillé avec pas mal d’artistes, en tant que side man, j’écrivais leurs chansons, je réalisais leurs disques et donc je pensais que faire un album solo, ça allait être simple. J’ai même enregistré tout un disque que j’ai jeté à la poubelle ! Je pense que je me posais la question : qu’est ce que je veux raconter avec ça ? Pourquoi je veux faire un disque ? En travaillant pour les autres j’avais l’impression d’être un touriste dans l’univers musical, j’étais dans la vision des artistes avec qui je travaillais. Quand on se retrouve à faire son propre disque, c’est comme se retrouver au volant soi-même. En 2005 j’ai un ami qui m’a conseillé de continuer, d’avancer sur ma voie, il m’a rassuré sur le fait qu’au final ça n’allait pas être plus compliqué que ça, que je n’avais qu’à prendre ma guitare et jouer ! Ça a été le meilleur conseil que l’on m’ait donné !
Comment êtes-vous devenu artiste ?
J’ai toujours été sensible à l’art. Ma sœur Charlotte est artiste plasticienne et nous avons plus baigné dans un univers d’arts plastiques et de cinéma, que de musique, finalement. La musique, je l’ai découverte à l’école. En Suède la musique est un sport national, comme le hockey sur glace ! A douze ans j’avais déjà mon propre groupe de rock et vers 16 ans, ça a été assez évident pour moi que c’était ce que je voulais faire dans la vie. Ça a mis du temps à se concrétiser.
Pourquoi avez-vous choisi de vivre en France ?
Je suis venu à Paris en 1998, car j’avais une bourse d’études pour faire un stage dans un studio d’enregistrement parisien. Je devais rester quelques mois et au final je suis resté 3 ans ! Je suis ensuite parti vivre à Berlin et c’est là-bas que j’ai rencontré Marie, ma femme, qui est une musicienne française. Nous sommes revenus vivre à Paris en 2008. Récemment nous avons fait une résidence ensemble, au Centre Pompidou, ce qui devait être à la base un simple spectacle, s’est transformé en album.
Dans la chanson « La plage », le chanteur Aldebert, dit : « les temps sont durs pour les rêveurs », qu’en pensez-vous ?
Je dirais que, c’est parce que les temps sont durs, que nous avons besoin des rêveurs ! A vrai dire, les temps sont durs pour tout le monde en ce moment, c’est ce que je ressens. L’art nous fait rêver, nous avons besoin d’aller en concert, d’aller au musée, au cinéma. C’est essentiel, pour moi, en tout cas.
Cecilia Poggio
Le 27/11/2021 à l’Espace Léonard de Vinci – Mandelieu-la Napoule (06).