Rares sont les artistes qui peuvent se targuer d’avoir une carrière aussi fascinante que celle de Melody Gardot. Sa trajectoire personnelle, dont la musique est l’élément salvateur, est en quelque sorte la preuve irréfutable d’une résilience exemplaire.
La musique comme thérapie
Depuis son enfance, toute sa vie est dédiée à la musique et la peinture mais cette voie qui lui est destinée est momentanément contrainte par un accident de la route. S’ensuit une longue période de rééducation. Malgré les douleurs, elle enregistre «Some Lessons» un premier EP auto-produit, avant d’être repérée et signée sur le label Verve avec le très prometteur «worrisome heart», l’aventure musicale est enclenchée.
Une ascension fulgurante
Depuis « My One and Only Thrill » qui l’a révélé au public en 2009, Melody Gardot a déjà en elle l’embryon d’un merveilleux miracle musical. Cet album est le résultat d’une persévérance inébranlable, d’influences héritées du jazz vocal, de la soul, du fado et des musiques latines. Ses compositions et sa voix séraphique finiront par lui conférer un statut unique dès ses premières apparitions scéniques.
« Who Will Comfort Me » concentre en l’espace de cinq minutes le corpus de ce que sera l’œuvre de l’icône Américaine, confirmant un potentiel d’une incroyable multiplicité. Cet état de magie pérenne prend tout son sens avec l’album suivant «The absence» où son écriture s’épanouit et se nourrit de ses voyages à travers l’Europe, son amour pour la ville de Lisbonne est retranscrit tout au long de l’album.
Une diva glamour
En 2015, Dans l’album « Currency of man », Melody Gardot plonge sa voix dans les racines de la musique soul. Ses compositions sont constellées d’un amalgame qu’elle affectionne particulièrement : jazz, funk et blues. Entouré de musiciens chevronnés, le disque est produit par Larry Klein avec qui elle collabore régulièrement.
Mais c’est sur scène que Melody exprime son univers musical, elle y dévoile sa sensibilité à fleur de peau, et crée cette intimité avec son public comme une confession à cœur ouvert, et puis ce grain vocal dont elle seule a le secret, qui rebondit au gré des variations tonales, des instruments.
Le double-album « Live In Europe » publié en 2018, restitue les prestations captées entre 2012 et 2016, pas moins de 300 concerts, chaque titre ayant été soigneusement sélectionné afin d’obtenir une homogénéité sonore, une carte postale de ses tournées, sobre et proche d’un enregistrement de cabaret. Quatre années de concerts avec ses musiciens Charles Staab à la batterie, Irwin Hall au sax et la bassiste Sami Minaie.
Son dernier disque « Sunset in The Blue » enregistré durant la pandémie, est un retour aux premiers amours de la bossa nova, bouquets de balades enrobés de cordes luxuriantes, des tempos dynamiques de samba, on songe aux ambiances du label Blue Note, à une musique de film où la diva s’approche du micro et vient murmurer à nos oreilles, dans un souffle feutré, le texte vertigineux de « moon river » écrit par Henry Mancini.
Melody Gardot chante avec son âme et son cœur, son œuvre constitue une échappatoire au quotidien, elle est ce microcosme protégé de la folie de ce monde, une musique émotive et onirique. Ce feeling est d’ailleurs la marque de fabrique de sa musique, proche du stylisme dont elle revendique la proximité avec ses compositions, entre velours et satin, esthétisme tout en sobriété en écho à sa vision du monde.
Enregistré à distance, avec une pléiade de musiciens, le résultat en est même bluffant. Le duo avec Sting « Little Something » témoigne que malgré la distance, Melody ne se laisse pas décourager par les obstacles. « Sunset in the blue» a de quoi surprendre les plus sceptiques et étonner les oreilles d’un public peu habitué à ce genre musical.
Installée en France, elle compose en parallèle de son disque, une chanson « From Paris With Love » avec un orchestre virtuel au profit du personnel soignant. La longévité musicale de Melody Gardot est la preuve que l’art amoindrit les souffrances, cette lente reconstruction du corps, en parallèle avec sa conception de l’art, est un véritable miracle, l’incarnation d’une palingénésie, d’une renaissance.
Franck Irle
Le 06/07/2021, dans le cadre des Nuits d’Istres, au Pavillon Grignan – Istres (13) et le 10/07/2021, dans le cadre de Jazz à Juan, à la Pinède Gould – Antibes Juan les Pins (06).