Amoureux des mots, slameur, chanteur, compositeur, interprète mais aussi réalisateur, Grand Corps Malade a plus d’une corde à son arc. Il aime nous raconter des histoires et partager toutes sortes d’émotions.
Ton album « Reflets 2 », sorti l’année dernière, a été réédité cette année, peux-tu nous en dire plus ?
L’album a eu du succès alors nous en avons profité pour rajouter des titres et faire sa réédition avec 6 chansons complémentaires. Il y a bien sûr un enjeu commercial mais artistiquement retourner en studio est agréable. Cela a été un réel plaisir.
Parmi les ajouts, la chanson « Ma bohème » est en lien avec la sortie du film « Mr Aznavour » que tu as co-réalisé avec Mehdi Idir. Comment vous est venue cette idée ?
Le film est né il y a très longtemps. Charles Aznavour avait confié à son gendre, Jean Rachid Kallouche, qu’il avait l’idée de faire un biopic. Celui-ci a tout de suite pensé à nous. Le film « Patients » était sorti et Charles l’avait apprécié. En 2018, à la suite de ces discussions, il avait donc validé le projet. Nous avions failli commencer le film à ce moment-là et puis en octobre Charles est mort. Nous avons donc décidé de laisser passer du temps et de nous y remettre quelques années plus tard.
La dernière chanson de ton album, intitulée « Paroles et musique », m’a rappelé d’anciens débats concernant le slam et la présence ou non de la musique…
A l’origine, le slam se fait à capella et dans les bars. Cette chanson relève tout à fait ce dilemme entre musique et paroles et j’ai choisi de le présenter sous la forme d’une scène de ménage. Je m’amuse à parler à la musique en lui disant que j’écris d’abord mes textes et un dialogue se met en place entre elle et moi.
Justement dans quel sens se fait ton travail : d’abord l’écriture ou la musique ?
Cela se fait dans les deux sens. Parfois j’écris un texte puis je demande aux compositeurs d’écrire la musique, d’autres fois j’apprécie que l’on me propose des prods musicales. Cela me donne un ton, une humeur et donc un angle de départ. Les deux sont donc possibles chez moi !
Tu es actuellement en tournée. Si tu devais définir ton spectacle en 3 mots ?
Je choisirai les mots émotion, partage et festif. L’émotion que j’essaie de donner, allant de la mélancolie à la joie mais celle que je reçois également. J’aime l’image d’un ascenseur émotionnel, que ce soit sur le déroulé d’un album ou d’un concert. Nous passons d’une humeur à une autre et je réfléchis à la construction de cet enchaînement afin de varier les sujets graves et légers. Le mot partage car le public participe en chantant avec moi et que je lui raconte des histoires. Pour finir le mot festif puisque je m’arrange toujours pour finir mes concerts par les morceaux qui font lever et danser le public. Il est important pour moi de le quitter sur cette idée de fête, avec le sourire.
Le nom de ton album est « Reflets ». Est-ce que tu peux te perdre en étant le reflet des autres ?
Non, je ne crois pas. L’idée est de rester soi-même. Si nous avons l’impression que de temps en temps nos vies, nos mots (et maux) se reflètent avec ceux des autres, tant mieux ! Cela veut dire que nous ne sommes pas à part, pas sur un piédestal. Nous sommes tous les mêmes, partagés par des émotions identiques. J’aime cette idée de reflet et cela ne veut pas dire que je veux ressembler à l’un ou l’autre.
Et cela fonctionne ! Tu as toujours des mots très justes pour parler humblement des personnes. Tu réalises d’ailleurs beaucoup de duos. Comment fais-tu pour rencontrer autant de personnes et travailler avec elles ?
La vie offre toujours beaucoup de rencontres si nous le voulons. J’ai toujours considéré que dans mon milieu la possibilité de rencontrer d’autres artistes était un privilège. J’apprécie le duo car c’est un bel exercice, accompagné d’une rencontre humaine et artistique. Nous devons essayer de trouver un terrain d’entente pour choisir un thème, une mélodie, un texte. J’aime transformer mes rencontres en duo, d’autant plus si elles sont inattendues et diverses: avec des rappeurs, des slameurs, des chanteurs lyriques ou de jazz, des grands noms de la chansons ou des jeunes…
Dans quel endroit insolite aimerais-tu donner un concert ?
J’en ai déjà fait pas mal en fait ! Des bars, des gymnases, des prisons, des maisons de retraite, des collèges, des places de village, des parcs… donc des lieux qui n’accueillent pas forcément des concerts.
Tu vas au plus proche des personnes et il me semble que tu apprécies transmettre. Quel serait le message le plus important que tu voudrais faire passer auprès des jeunes ?
Il est difficile d’imaginer un message identique à toute la jeunesse de France. Mes chansons sont remplies de messages. En les écoutant, les jeunes peuvent choisir de les prendre ou non. Cela me fait toujours peur cette notion de ne délivrer qu’un message « aux jeunes ». Chacun est différent et je n’ai pas la prétention de la réponse absolue.
Emeline Martinsse
Le 01/12/2024 au Palais Nikaïa – Nice (06).