J’ai connu Charley Bob il y a une vingtaine d’années peu après qu’il ait fondé Jah Legacy avec Manu son chanteur, qui lui reste toujours aux commandes du groupe. Je l’ai d’abord vu comme un jeune guitariste bosseur, inspiré, perfectionniste et créatif puis comme un adulte intelligent, drôle et toujours partant pour sourire. Il y a peu l’envie de créer sa propre musique le taraude au point de sauter les pas avec cet EP “Visage pâle”. Il y explore avec talent et ironie le mal être qui nous touche aujourd’hui, nous, enfants occidentaux gâtés de la terre, goinfrés d’opportunités encombrantes qu’un monde sans limite nous offre. Pourtant oubliant souvent de nous en réjouir, nous courrons toujours à la recherche de ce qui pourrait combler ce vide né de l’embarras d’un trop plein de volontés contradictoires.
Serpentant entre le chic désabusé d’un Louis Chedid raggamufinisé et le sens de la formule d’un Taïro jouissant à chaque instant du monde qui l’entoure, Charley Bob nous livre un EP chargé d’intelligence et d’à-propos. Ses 5 titres sont portés par un chant feutré et justement posé rythmiquement et par des arrangements élégants et percutants à la fois. Cet EP possède une personnalité musicale et c’est une ensemble très réussi et cohérent autour de l’univers mental de Charley et son goût pour l’autodérision, la seule forme d’humour avec laquelle on est sûr de ne vexer personne,
Il y met en scène le monde tel qu’un jeune quarantenaire occidental peut le voir. Dans une société de consommation qui a réussi à atteindre son but ultime, à savoir un paroxysme du manque, morbide ou jubilatoire selon les jours, je dis souvent que la pertinence des mots employés pour décrire le problème est la première étape pour trouver la solution sans se tromper de combat. Charley y parvient à merveille, armé de la concision de l’artiste et de son sourire faussement désabusé, à nous ensuite de concocter le remède.
Emmanuel Truchet