#NVmagZoom
Après de nombreuses années à jouer comme batteur dans des groupes, Laurent Tamagno se lance en tant que Bébé Tambour en 2019. Les quatre titres parus sur son EP “Fallin’ In” en février annonçaient déjà la couleur : son premier album solo, “Dust of Now”, est un mélange de sonorités explosives entre électro, rock et new wave, véritable voyage musical dont on retiendra l’originalité. Rencontre.
Comment s’est faite votre entrée en musique ? À quel moment avez-vous ressenti l’envie d’en faire ?
J’ai commencé la batterie quand j’étais ado. Un copain faisait des reprises des Cure à la guitare, il y avait une paire de baguette et je l’accompagnais en tapant sur des bouts de plastique, sur des casseroles ou des tupperwares. J’ai commencé à apprendre le rythme de cette manière et j’ai touché une batterie beaucoup plus tard. On a commencé à monter un groupe et ça a fait effet boule de neige, on a fait d’autres projets.
Vous avez donc appris la batterie en autodidacte.
Oui, j’ai appris en autodidacte puis j’ai fait une école de batterie où j’ai approfondi un peu plus la pratique de la batterie. Ensuite est venue l’envie de composer de mon côté avec les ordinateurs.
On entend beaucoup l’influence des percussions et de la batterie sur certains morceaux comme “Everybody Lies”. Est-ce que vous partez justement de la rythmique pour composer ?
En fait, je pars plutôt d’un riff, d’un morceau de synthé, d’un arpégiateur que je vais transformer, et la batterie vient après. J’ai besoin que la mélodie porte un peu le morceau à la base même si c’est toujours très rythmique en effet. Mais ça peut aussi venir d’un gimmick de batterie. En fait, je cherche beaucoup. Quand je bosse sur les machines, je fais beaucoup de loops, je change les paramètres et à un moment donné, au hasard de ces changements, quelque chose va me plaire et je vais partir de cette petite révélation pour approfondir le morceau.
C’est de cette manière que vous avez composé les titres de “Dust of Now” ?
Oui, c’est un peu ça. Je partais de la composition sur l’ordinateur et je rajoutais des voix à certains moments. Soit c’était moi qui chantais, soit des copains. Si je sentais qu’il fallait rajouter un peu de guitare ou de basse, je le faisais. J’enregistrais des ajouts comme ça, sur mon ordi. Il y a quelques boucles de batterie que j’ai enregistré puis transformé. C’est vraiment un mélange entre de la musique électronique, des instruments acoustiques et des voix.
Vous avez joué avec des groupes comme Hannah ou M83. Quand peut-on dire que Bébé Tambour est réellement né ?
J’ai toujours un peu composé des morceaux entre mes collaborations avec les différents groupes. À la fin de la tournée avec Martin Mey, j’avais pas mal de morceaux en chantier et c’est à ce moment-là que je me suis dit que j’allais emmener l’album au bout et me consacrer à Bébé Tambour et à ce projet.
C’était la première fois que vous vous mettiez à produire un album en solo.
Exactement. Avec Hannah, certaines chansons avaient été écrites par Emmanuel Alarco, mais on arrangeait ensemble des parties de voix ou de musique, c’était déjà un peu de la composition. À part M83 où la musique était très écrite et où il y avait une direction, dans les autres groupes comme Hannah et Martin Mey, on arrangeait un peu ensemble pour le live et pour certaines parties en studio. Mais pour Bébé Tambour, c’était la première fois que j’avais envie de raconter des choses et que j’avais une idée esthétique en tête. Cette envie a toujours été là et cet album est un peu la mise en forme de tout ce que j’avais imaginé. Je voulais aller au bout de ces morceaux. C’est quand j’ai commencé à m’y mettre que j’ai vraiment trouvé un son qui me correspondait. J’ai pu travailler de façon plus concentrée et creuser dans cette direction.
Est-ce que l’énergie qui peut se développer au sein d’un groupe vous manque ?
J’avoue que ça me manque. Pour le moment, Bébé Tambour est un projet solo mais peut-être qu’’un jour ce sera un groupe, je ne sais pas. En tous cas, j’ai envie de faire de nouveaux morceaux, de monter un live solo avec des machines. Je vois ça en solo pour le moment, mais pourquoi pas travailler avec d’autres musiciens un jour.
Vous avez un univers très particulier, entre musique électronique et inspirations de toutes sortes. Est-ce que cette identité musicale est la même qu’à vos débuts ou est-ce qu’elle a évolué au fil des années ?
Quand j’ai arrêté la tournée de Martin Mey, je me suis vraiment concentré sur ce projet et c’est au fur et à mesure que je suis arrivé à trouver un son. En fait, je me suis replongé dans les musiques que j’écoutais avec mon père quand j’étais gamin, du rock des années 70 où on entend une espèce d’urgence, et en même temps, j’écoutais de la musique électronique. Il y a aussi des moments où je n’écoutais plus rien et je me concentrais vraiment sur les morceaux. Tant que je ne trouvais pas quelque chose qui m’excitait, je cherchais l’esthétique qui pourrait servir le propos du morceau. C’est comme ça, en poussant les morceaux au maximum, que je suis arrivé à ce son un peu hybride, entre l’électronique, le rock, la new wave.
Justement, on entend beaucoup de sonorités différentes, par exemple sur “Folks”, on entendrait presque une cornemuse, ou sur “Sons of Ego”, des sons qui rappellent un peu l’Inde… On dirait que vous puisez votre inspiration dans toutes les cultures.
Oui et non. Je n’écoute pas beaucoup de world music ou de musique traditionnelle, mais j’en ai écouté à une époque où j’écoutais du jazz, qui est un genre dans lequel se mélangent beaucoup de styles musicaux. Je crois que ce qui m’a beaucoup influencé reste la musique des années 70 dans laquelle on trouvait ces mélanges ethniques et en même temps rock, des espèces de transes avec des boucles et des micro-mélodies qui revenaient. J’ai pas mal bricolé les synthés pour arriver à ce son-là. Tu parles de “Folks”, et pour moi ce morceau a un petit côté grunge, un côté 90’s dans lequel je parle un peu de ma vision de la vie, de comment une vie peut évoluer entre ses différentes étapes.
Ça marque votre vision de la vie à un moment donné.
Oui. J’ai fait ce morceau en imaginant comment je voyais la vie, un début, un milieu et une fin, et entre tous ces moments, on passe par différentes phases. Ce serait prétentieux de dire que je vois de quoi est faite la vie mais c’est une espèce d’impression comme ça. Sur “Folks”, je parle des gens, mais je me mets dedans. C’est ma vision de la vie à travers un rêve, un fantasme, une émotion, un ressenti.
Quel est votre rapport avec le public ? Est-ce que vous avez des dates prévues pour jouer en public prochainement ?
Il n’y a rien d’officiel pour le moment donc je ne peux pas trop en parler. Mais l’envie de faire des dates est bien là.
Pour finir, avez-vous une expérience musicale forte à nous raconter ? Un souvenir marquant ?
Il y a en a plein. Par exemple, en 2011, avec Hannah on est allé faire un concert à la prison pour femmes de Versailles. C’est resté un souvenir assez fort parce que c’était un moment très intense. C’était devenu un peu le concert référence du groupe. Mais il y en a plein d’autres, je suis super content de ce que j’ai fait avec les groupes. Là je me lance en solo et on verra bien ce que ça donne. En tous cas, je suis super content de l’album, tous les morceaux me plaisent et ça me donne envie de continuer à en faire. En créant cet album j’ai vécu d’autres choses et j’ai envie de les raconter aussi dans un nouvel album. Pour “Dust of Now”, je voulais un album avec un début et une fin, un cheminement, des morceaux avec des nuances, des moments plus intenses que d’autres. C’est presque égoïste parce que je ne voulais pas m’ennuyer en écoutant mes morceaux.
Justement, on sent que vous avez pris plaisir à faire ces morceaux, que vous ne vous limitez pas en termes de style ou de temps, comme sur “Driver”, qui dure douze minutes.
Oui voilà. J’aime à la fois la pop, le rock psyché, l’électronique et la techno, et sur certains morceaux j’avais envie de raconter des choses sur une longue distance tandis que d’autres n’avaient pas besoin de s’étaler. En composant, selon ce que j’avais envie de raconter, j’ai suivi mon instinct par rapport à ça sans m’imposer de format radio. C’était mon envie, ce n’était pas calculé. Je n’avais pas envie de faire de compromis sur cet album, donc je n’en ai pas fait.
Elisa Fernandez