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Avec son rock lyrique et puissant, Muse est vite entré dans le cercle très fermé des groupes qui remplissent les stades pour des messes orgiaques sous un déluge de décibels enflammés. En 25 ans de carrière et huit albums studio, le power-trio anglais a imposé son sens de la démesure et des mélodies salvatrices. Actuellement, le groupe parcourt le monde pour propulser son dernier opus “Simulation theory” sorti en 2018 et fera quatre étapes en France dans des stades archi-combles.
L’ascension
Christopher Wolstenholme, Dominic Howard et Matthew Bellamy ont commencé la musique chacun de leur côté dans différentes formations, mais tous étaient à la même université, le Teignmouth Community College, au Royaume-Uni. Matthew et Dominic se rejoignent rapidement dans l’optique de former un groupe. Il ne manque plus que le bassiste. Impressionnés par les talents de Christopher à la…batterie lors d’une audition, ils décident de l’engager en tant que bassiste. En 1994, ils participent au concours de jeune talents « Battle of the Bands » sous le nom des Rocket Baby Dolls, où ils s’adonneront à une prestation qui convaincra le jury (mais dont ils seront eux-mêmes déçus, comme quoi). Il faudra attendre encore plusieurs années pour que Matthew décide de lancer réellement la carrière de Muse. La célébrité arrivera un peu plus tard suite à la sortie de deux EP en 1998 et l’album « Showbiz » en 1999. A cette époque, Muse propose un vrai rock lyrique et mélancolique. Cela leur donne l’occasion de faire notamment la première partie du concert des Red Hot Chili Peppers à Bercy la même année et de prendre leur place quatre ans plus tard. Entre temps, Muse a déjà sorti deux albums qui seront classés dans le top trois des charts au Royaume-Uni et en France. Ce sera le cas pour chacun de leurs albums, jusqu’à “Drones” en 2015, dans treize pays différents. Après deux décennies sous les feux des projecteurs, Muse n’a pas pris une ride. Leurs fans ne se comptent plus. Ils partent en tournée dans le monde entier et un peu partout, sur les réseaux sociaux et les forums, fleurissent des clubs de fans. Malgré un nombre d’écoute en récession depuis la sortie de « The 2ndLaw » en 2012, baisse de hype oblige, Muse peut se vanter d’une fanbase très solide. A ce jour, leur page Facebook affiche plus de seize millions de fans, abreuvés à raison d’un album tous les trois ans depuis 1999. Tout cumulé, Muse peut se vanter d’avoir vendu plus de quarante-deux millions d’exemplaires. En 2016, ils ont requisitionné l’AccorHotel Arena pendant une semaine durant laquelle ils ont donné six concerts. Un véritable festival dédié à Muse qui a attiré au total 121 800 spectateurs. D’immenses moyens ont été mis en place, comme des écrans LCD géants ou une douzaine de drones pour filmer le public.
La force de Muse
Muse est un groupe de rock avec une véritable touche pop-électro. Une orientation toujours plus affirmée et assumée dans chaque album depuis « Origin of Symmetry » en 2001. Ils ont en effet troqué leurs instruments pour des versions…XXL. Matthew s’offre une guitare à sept cordes et Dominic se dote d’une plus grande batterie. Ils se trouvent un tout nouveau style néo-rock. Mais cet album marque également l’affirmation de leur style, de leur ligne directrice. A l’origine, Muse, c’était les rockeurs clichés, les ados rebelles, qui éclataient leurs instruments sur scène si ce n’est pas la scène elle-même, comme au Battle of the Bands. D’ailleurs, Matt Bellamy détient le record du plus grand nombre de guitares cassées sur scène en une tournée, culminant à cent quarante. Avec « Origin of Symmetry », la couleur est annoncée : Muse adopte une forte tendance subversive puis complotiste, et paradoxalement, dans un style musical plus construit et conventionnel qu’auparavant. Dans ce second album, Matthew dédie de nombreux titres à la dénonciation des risques des nouvelles technologies, et l’album entier évoque un mal-être dans le monde actuel, d’où la nécessité d’instaurer un nouvel ordre mondial. Les changements (assumés) dans la construction musicale ont sans doute été de rigueur pour calibrer les titres au public des radios. De plus, Matthew excelle en tant que figure charismatique du groupe. Chanteur, pianiste, guitariste et compositeur du groupe, sa présence sur scène est à l’opposé de la discrétion. C’est indéniable, les lives de Muse transpirent d’une énergie folle, dont la plus grande partie émane de Matthew. Muse gardera cette thématique altermondialiste et complotiste jusqu’à aujourd’hui. Sans crier gare, « The Resistance » sorti 8 ans plus tard avec le morceau « Uprising », devenu l’album phare du groupe, marque également un virage prononcé vers une musique s’éloignant un peu plus du rock qui a marqué leurs débuts. En effet, pour cet album, le groupe a fait appel à un orchestre de plus de quarante personnes. On devine donc que « The Resistance » adopte sans honte une tendance symphonique façon opéra rock, toujours plus aventureuse et exploratrice comme Muse aime faire. Sortant (un peu) de son délire complotiste, les thèmes abordés sont cette-fois ci plus concrets comme la dictature, la guerre, l’origine de la vie. Lors de la première diffusion à la radio d’ « Uprising », Matthew explique s’être inspiré de la dystopie classiques « 1984 » écrite par Georges Orwell. Muse se caractérise donc par une véritable capacité à se réinventer.
Simulation Theory
Avec “Simulation Theory”, on fait un grand saut dans la science-fiction. Très marqués par les films de leur jeunesse, les trois quadragénaires leur ont, par cet album, rendu hommage. La pochette de l’album est on ne peut plus explicite : du néon rose et du néon bleu qui compose la totalité de l’image. Cela rappelle tout de suite la binarité, un premier pas dans l’univers de l’informatique et de la programmation. Une affiche qui conviendrait parfaitement à « Blade Runner » ou « Retour vers le Futur » dont on reconnaît de nombreuses inspirations et clins d’oeil. Cet album contient onze pistes plus dix dans la version Super Deluxe. Le premier titre de l’album, « Algorithm », annonce la couleur et tient la promesse de la pochette. Après une minute trente-cinq d’instrumentale rappelant largement la bande originale de « Tron : L’Héritage » composée par les Daft Punk, Matthew pose enfin sa voix. On sent une évidente volonté de mettre en valeur les synthétiseurs légèrement acidulés, posant l’ambiance futuriste du titre. On est rassuré : Matthew chante toujours de sa voix flottante et ses syllabes à rallonges. Dans la même veine, on placerait « The Void » qui fait cette fois-ci penser à du Kavinsky. Le reste de l’album est très surprenant, on a du mal à trouver des dénominateurs communs à chaque titre. Au fil de l’album, on s’écarte de plus en plus de la thématique annoncée par le titre et la pochette de l’album. Le second titre, « The Dark Side », s’avère être un morceau électro-pop assez terne. « Propaganda » rajoute une touche d’incompréhension : Matthew chante de manière très saccadée sur un instrumental aux claps largement audibles. De la pop pure et dure produite avec l’aide de Timbaland. Autre bizarrerie, qui aura valu tout un article sur le site Rolling Stone, le titre « Something Human ». Une guitare… sèche et une façon de chanter à mi-chemin entre Ed Sheeran et Adam Levine, Matthew, est-ce bien toi ? Un album aux résultats mitigés donc, où d’un côté des fans nostalgiques des premières heures crient au scandale et à l’incompréhension, et de l’autre, un nouveau public, non issu de la scène rock, qui s’y intéresse.
Grégoire Assous
Le 09/07/2019 au Stade Orange Vélodrome – Marseille (13).
“Avec Simulation Theory, on fait un grand saut dans la science-fiction. Très marqués par les films de leur jeunesse, les trois quarantenaires leur ont, par cet album, rendu hommage.”