Chargé d’une histoire toujours liée à la solidarité, le Théâtre de l’Œuvre vit un nouveau souffle musical tourné vers tous les publics. Mue par un désir de renouveau, l’équipe est en attente de financements pour faire du lieu culturel un havre de solidarité, de création et de diffusion.
Le théâtre est porté par l’Association La Paix, créée en 1831 par un réfugié italien qui fuyait le fascisme. Dès les prémices, des représentations théâtrales, opérettes et opéras y étaient donnés et les entrées reversées à la solidarité et à l’éducation populaire, fer de lance de l’association – dont le slogan “Art & Charité” apparaît toujours au-dessus de la scène. Le lieu a eu une longue vie : l’association a caché des résistants dans les locaux, des juifs pendants la guerre ; la dimension militante y est assez forte. À la fin des années 90, l’activité avait périclité, et le théâtre a connu une fermeture d’un grosse décennie au début des années 2000. La réouverture fut possible grâce à la découverte d’une œuvre d’Augustin Lesage, célèbre artiste de l’art brut, qui avait laissé en héritage cette toile dans le bâtiment aux fondateurs de l’association. La remise aux normes partielle fut facilitée par cette trouvaille.
À partir de 2022, une nouvelle équipe de huit personnes s’est créée, dont Dro Kilndjian est en charge. L’artistique se concentre sur un projet autour des musiques actuelles, à 70% environ, mais le théâtre n’est pas en reste. Conférences, lectures et cartes blanches sont également organisées. Souhaitant garder l’ADN de la genèse du projet, le tiers lieu culturel et artistique travaille toujours sur le champ du social et de la solidarité. La politique tarifaire est engagée et soutenue par des acteurs tels que Culture du Coeur ou La Cloche, incitant des publics en précarité à visiter les lieux de culture (certaines opérations sont même gratuites). L’équipe actuelle veille à la mixité des publics à travers une médiation générale.
Depuis trois saisons, la partie sociale et solidaire est toujours assez importante : le Secours Populaire, MSF ou l’association À Voix Haute proposent des interventions hebdomadaires, tandis que d’autres actions sont portées directement par le théâtre, afin de créer des passerelles entre culture et solidarité. Le bâtiment fait plus de mille mètres carrés, dont seulement cinq ou six cent sont utilisés aujourd’hui. Le potentiel est grand, et des travaux sont envisagés – si financements accordés – afin de réhabiliter l’ensemble du lieu : rénover la salle de concert, dédier le premier étage à des espaces de médiation et de social, et le second à des logements d’artistes et de résidence. Cela permettrait une activité globale aux artistes, de la création à la diffusion. Cet outil a d’ailleurs vocation à être mutualisé avec les partenaires de la Responsabilité des Rêves (Espace Julien, Makeda et Mesón).
La programmation musicale est bien heureuse de partager celle de cette Responsabilité des Rêves, permettant au lieu d’accueillir des artistes tels que la chanteuse folk américaine Jessica Pratt, le 18/11. Une aubaine, selon Dro. D’autres artistes, comme l’américain Joseph Arthur (le 25/09), ont été programmés directement par le théâtre, désormais ancré dans la filière musicale. L’intimité imposée par cette petite salle aux 180 places (strictement) assises a bien évidemment une incidence sur les choix de programmation. L’équipe a une affinité particulière avec les musiques d’Afrique et du Maghreb, répondant aux demandes de publics issus de ces communautés ou non : musique arabo-andalouse, châabi, raï… Elle s’intéresse également aux musiques actuelles en écoute assise, bien que quelques groupes plus “énergiques” soient à l’affiche ce trimestre, comme Kill the Thrill (le 14/12). De manière générale, les musiques d’écoute sont à l’honneur.
Plus que jamais, le Théâtre de l’Œuvre est tourné vers l’avenir, et se projette après cette réhabilitation, qui donnera une dynamique nouvelle au lieu, indispensable à sa survie.
Lucie Ponthieux Bertram