Entre souvenirs de carrière et projets à venir, Stephan Eicher retrace son parcours musical avec humour et sincérité. Préparant de nouvelles chansons pour son spectacle, il laisse entrevoir une possible prochaine étape créative.
Stephan Eicher bonjour, je suis vraiment heureux et honoré de pouvoir faire cette interview car vous êtes celui qui m’a donné envie de faire de la musique il y a un peu plus de 20 ans.
Bonjour, peut-être est-ce le plus beau compliment que l’on puisse me faire. Oui c’est le plus beau compliment, si quelqu’un a pris une guitare après m’avoir écouté. Au début c’était ça moi aussi. J’écoutais Patti Smith, Louis Reed, les Ramones et je me disais « je veux faire ça aussi ». Merci pour ça, vraiment.
Quel lien avez-vous avec notre région du Sud-Est ?
J’ai vécu 12 ans dans le sud, pas à Nice, mais près de la Méditerranée. Je connais la lumière, je connais les odeurs, j’habitais en Camargue ce qui me donne ce lien. J’ai une tendresse pour cette région et je ne suis pas le seul (rires). J’ajoute que je n’aime pas les avions, ni les aéroports, par contre j’aime beaucoup celui de Nice. Je ne sais pas pourquoi, il n’est pas si grand, ça sent toujours bon quand on sort de l’avion. J’aime bien quand l’avion arrive, avec la vue sur la mer. Si vous êtes de Berne, avec les montagnes, cela a un goût de liberté et de grands voyages.
Il nous faudrait bien plus d’une journée pour parler de tout votre parcours, mais quel regard portez vous sur votre carrière aujourd’hui ?
Avec cette pièce que je vais amener, j’ai appris qu’entre les concerts où je joue mes chansons, je chante mon répertoire mais je raconte aussi des histoires, comment tout ce Schmilblick est arrivé. Je m’occupe de mes débuts actuellement. Les années 80 où j’étais tout seul avec des boîtes à rythmes, des synthétiseurs. Il y a douze minutes du spectacle qui sont autour de ça, et c’est assez jouissif de retourner dans ces sonorités de mes débuts. Je trouve que c’était un peu naïf mais qu’il y a un charme aussi. Mon français ne s’est pas beaucoup amélioré, mais à mes débuts ça avait un côté charmant, avec toutes mes fautes. En revisitant cette période pour préparer le spectacle, nous nous sommes beaucoup amusés. Le côté rock avec Engelberg et Carcassonne, et les dernières périodes plus folk…
Cela a t il un côté nostalgique de retracer toute votre carrière sur scène ?
Non, j’ai horreur de la nostalgie. La nostalgie qu’on porte, celle où l’on veut rester jeune, que le vie ne nous ait pas marqué … Moi je suis marqué de la vie et j’aime cette vie. Si vous venez aujourd’hui à mes spectacles, ce n’est plus du tout le jeune homme que j’étais. Et je ne suis pas triste que ce jeune homme n’existe plus, mais je trouve intéressant de retracer d’où vient cet homme qui a un certain âge aujourd’hui. Comme si vous aviez un grand arbre dans votre jardin et que vous vous souvenez des étapes de sa croissance. Ce n’est pas de la nostalgie, en plus je me moque un peu de ma carrière pendant le spectacle. Je prends tout cela de façon plutôt humoristique, le temps qui passe, etc. C’est un grand thème de la pièce, je n’appelle même plus cela un concert, car c’est vraiment fait pour le théâtre. J’ai travaillé avec des gens du théâtre. Le décor, la lumière, la mise en scène, il n’y a personne du monde de la musique qui m’entoure.
Le dernier album s’appelle « Ode » et je trouve qu’il y a une similitude avec « Homeless Songs », dans la complexité dans laquelle ils sont sortis. Le premier à failli ne pas voir le jour et le dernier a été fait dans des conditions sanitaires et personnelles complexes.
Oui il y a une vraie continuité je crois. Vous l’avez très bien ressenti. Je pense que tous les styles musicaux sont représentés quelque soit la musique que vous aimez. Si vous voulez écouter du punk, vous avez The Clash, de la musique électronique vous avez Kraftwerk, pour le rock vous pouvez écouter Chuck Berry ou les Beatles … Je crois qu’il y a assez de passé dans la musique pour exprimer le sentiment que l’on veut exprimer dans la sienne. Si vous êtes créatif, vous continuez à chercher le Graal. Et chaque matin je me réveille et me dis « aujourd hui je tente d’écrire ma meilleure chanson ». Et nous ratons bien entendu, mais la meilleure chanson il faut toujours la rater sinon notre travail est terminé et ce n’est pas ce que je désire. Je veux continuer de me lever et me dire aujourd’hui c’est la meilleure. Puis tout à coup il y a une famille de chansons et je me dis ca pourrait être vraiment chouette de revisiter mon public et lui présenter ces nouvelles pièces entourées des anciennes qu’ils connaissent déjà, de retailler des choses, d’en planter d’autres. C’est ça mon métier.
Dans « Ode » le titre « Le plus léger au monde », est une sorte de renaissance et c’est un titre très important pour vous. Que vous a t il apporté ? Dans une interview il a été comparé à « Déjeuner en paix » dans la force qu’il a eu dans votre carrière.
Non, « Déjeuner en paix » est vraiment un OVNI à part je crois. C’est un titre qui ne m’appartient plus, il est au public. Pour « Le plus léger au monde », avec ce virus qui a touché toute la terre, qui nous a je trouve transformé, nous ne nous sommes même pas rendu compte à quel point, entre les pro et anti vax, même politiquement la gauche et la droite, en Amérique nous avons été proche d’une guerre civile. Et je crois que c’est vraiment une tendance qui a été soulignée par ce virus et cet enfermement. Alors quand j’ai pu rejouer sur scène, j’ai fait une tournée ou j’ai créé un radeau, avec lequel nous pouvions jouer en extérieur. J’ai eu envie d’une chanson qui montre qu’après tout ça nous pouvons prendre plaisir à nous relever et faire des grands pas dans la nature, rencontrer des gens. Je voulais souligner ce recommencement.
Le clip de cette chanson est un vrai bijou, matérialise le fait de retrouver une certaine innocence, et pointe du doigt cette renaissance.
Oui c’est très enfantin, mais vous voyez mon personnage est vraiment marqué. Il retourne un peu dans son enfance. J’ai fabriqué cette marionnette, je tournais un film pendant la pandémie mais comme nous ne pouvions pas tourner avec des acteurs. Je me suis dit pourquoi ne pas faire ce film avec des marionnettes qui n’auront pas peur de recevoir le virus (rires). Puis j’ai trouvé ce personnage du petit renard qui est beaucoup plus courageux que moi.
Comme quoi il y a toujours des solutions.
Et voilà ! C’est pourquoi on est créatif.
Un nouvel album est-il en préparation ?
J’ai des nouvelles pièces que je chante pour ce spectacle que j’ai composé exprès, et qui donnent une tendance vers laquelle je veux aller dans mes nouvelles chansons. C’est toujours avec Philippe Djian, nous travaillons dur, beaucoup et cette pièce la nous a peut être déclenchée la prochaine étape. Je ne peux pas en dire plus mais si vous venez au spectacle il y a des nouvelles pièces que j’adore chanter. C’est toujours un bon signe. Depuis « Prisonnière », il y a une nouvelle façon de s’approcher des textes de Philippe Djian qui m’amuse beaucoup, que je trouve jouissif. Et je me dis que si j’écris un peu plus il peut y avoir une famille de chansons qui pourraient faire un disque. Toutefois, ce ne sera pas dans l’immédiat car je commence vraiment ce voyage seul en scène.
Franck Inizan
Le 17/01/2025 à L’Usine – Istres (13).