Dans “Cœur de Cible”, Lofofora exprime ses colères et espoirs à travers des morceaux mêlant révolte écologique et critique sociale, portés par une énergie punk. Rencontre avec son chanteur et leader emblématique, Reuno.
Dans votre album « Cœur de Cible », le premier extrait “Apocalypse” commence très fort sur fond d’écologie, qu’est-ce qui t’a inspiré ce titre ?
La manière dont nous sommes submergés de mauvaises nouvelles en permanence et cela rend la vision de l’avenir un peu brumeuse et ténébreuse. Nous avons besoin pour survivre d’un peu de lumière parce que le monde ne nous en offre pas beaucoup. C’est une réflexion personnelle, sur ce mantra sinistre, qu’on nous délivre dès qu’on allume la télévision ou la radio.
En combien de temps avez-vous créé ce nouvel album ?
Nous avons pris deux années de pause. Maintenant, il y a beaucoup de temps qui s’écoule entre la fin d’enregistrement d’un disque et sa sortie, car il y a des délais de fabrication, notamment pour les vinyles. La promo ne s’opère plus du tout de la même manière, qu’il y a 10 ou 15 ans en arrière. Maintenant, tu sors des clips avant la sortie de l’album, alors qu’avant tout sortait en même temps et la tournée suivait derrière. Dorénavant, il faut anticiper au maximum, et nous avons travaillé sur ce disque quasiment un an.
Beaucoup de révolte dans cet album, c’est d’ailleurs votre marque de fabrique, mais aussi une lueur d’espoir avec le titre du même nom. Penses-tu que les générations futures peuvent tout changer ?
Tout changer, je ne sais pas, notamment sur un plan écologique, mais il faudrait freiner. Je ne sais pas combien de décennies il faudrait pour rééquilibrer la balance. J’ai tout de même bon espoir que sur pas mal de sujets, les générations à venir soient un peu plus évoluées que nous. Cette génération a une conscience, que nous n’avions pas au même âge. Les enfants sont aujourd’hui confrontés très jeunes à ces problèmes d’écologie.
Vous parlez de temps dans ce disque. Justement comment celui-ci a-t-il fait évoluer votre musique ?
Et bien je crois, que nous sommes toujours aussi fâchés. J’écris toujours sur la musique, que composent mes copains (Daniel à la guitare, Vincent à la batterie, et Phil le bassiste). C’est eux qui m’envoient sur telle ou telle piste et je suis le mouvement. Lofofora est un groupe, où nos paroles sont souvent en réaction à une certaine actualité et au monde qui nous entoure. Nous essayons d’être le plus créatif possible dans nos colères, dans nos frustrations et dans nos révoltes.
“Konstat 2024” est un autre titre, lanceur d’alerte. Est-ce la politique de notre pays ou le contexte géopolitique mondial, qui t’a inspiré ce morceau ?
C’est vraiment la mélodie, car il y a un côté très années 70, très Sex Pistols dans ce titre. Ça m’a ramené à mon adolescence et au début des années 80, quand j’écoutais les Ramones, les Dead Kennedys etc… Ces groupes ont été les pères fondateurs, qui ont fait une partie de ma conscience politique. C’était une musique qui était en réaction à un contexte social à l’époque. Et, aujourd’hui, ce constat est que nous en sommes toujours là. Je pensais que le punk/rock allait révolutionner le monde entier. J’avais cette naïveté, de penser que chacun allait comprendre cette nécessité de changer. Malheureusement, le monde actuel a plutôt empiré. Il y a toujours du second degré et de l’autodérision dans les textes de Lofofora.
La pochette de « Cœur de Cible » est très significative, avec ce cœur transpercé par des barbelés et des armes de part en part, tu peux nous en dire plus ?
C’est moi-même qui crée ce dessin. C’est la première fois que je me colle à cette mission. J’aime bien bricoler du Photoshop à la maison, pour des affiches de concerts pour des potes. Je le fais aussi pour les groupes Madame Robert et Mudweiser. J’ai montré au groupe une ébauche, qui a adhéré tout de suite. Ça m’a pris un peu plus d’un mois. Cela représente mon cœur d’homme sensible à travers la brutalité du dessin et la finesse des traits.
Avez-vous vu une évolution de votre public, ces dernières années ?
Il y a des anciens qui sont encore là, mais notre grand plaisir, c’est de voir qu’il y a des jeunes qui viennent à nos concerts, autour de la vingtaine. Il faut croire que nous représentons quelque chose, une porte d’entrée vers des musiques un peu énervées et nous en sommes flattés. Nous venons à leur rencontre à la fin des concerts et à chaque fois, les retours sont positifs.
Céline Dehédin
Le 05/12/2024 au Stockfish – Nice (06), le 14/02/2025 à l’Espace Julien – Marseille (13) et le 15/02/2025 à La Rotonde – Châteaurenard (13).
Photo : Olivier Ducruix.