ELYSIAN FIELDS

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Depuis 1995, les new-yorkais d’Elysian Fields nous offrent un style de pop/rock indé unique, sensuel et éthéré. S’ils se font accompagner par des musiciens différents à travers les années, le noyau dur du groupe reste depuis le début le guitariste Oren Bloedow et la chanteuse Jennifer Charles. Rencontre avec eux à l’occasion de la tournée de leur dernier album: « Once Beautiful, Twice Removed ».

Depuis vos débuts en 1995 jusqu’à aujourd’hui, vous avez réussi à maintenir une qualité constante dans tout votre travail. Comment avez-vous réussi à faire opérer la magie pendant maintenant 28 ans ?

Jennifer : Merci.

Oren : Merci de dire cela. Je pense que nous avons réussi à maintenir notre enthousiasme et notre curiosité pour cette collaboration. Il y a déjà au moins ça.

Vous avez des astuces pour cela ?

Jennifer : Eh bien, je ne sais pas si j’ai vraiment des astuces, mais je pense que tant qu’on est motivé à créer… et pour ma part, je suis toujours en train de faire des choses et il y a toujours plus de choses que je veux faire et créer. C’est difficile de répondre à cette question. La musique m’excite et c’est ce que j’adore faire, alors ça m’apporte… Tu sais, c’est ma passion, donc, probablement, le meilleur moyen est de suivre sa passion. Si l’on reste fidèle à ça, on fera toujours quelque chose de vrai, et je pense que c’est ce à quoi les gens réagissent, je suppose.

Comment partagez-vous généralement les tâches d’écriture de chansons entre vous deux ? Y en a-t-il un qui écrit plus de paroles que l’autre ?

Jennifer : Oui, mais c’est juste que nous savons comment partager. Et nous le faisons depuis si longtemps que nous avons développé une relation très symbiotique.

Au milieu des années 90, vous avez démarré sur des labels américains, puis de 2005 à 2014, vous étiez sur des labels français. Depuis, vous êtes revenus sur un label américain. Pourquoi ces enchaînements entre les Etats-Unis et la France ?

Jennifer : C’est juste comme ça que ça s’est passé ! (rires) Je pense que la tendance que nous avons vue dans tout cela, si on regarde simplement un graphique ou une trajectoire, c’est que l’industrie de la musique a énormément changé. Maintenant, tout cela étant devenu un marché mondial, ça a finalement touché la France également. Je pense que nous vivons à l’échelle mondiale dans une culture numérique jetable, ce qui se reflète dans la façon dont les affaires sont menées. Donc, c’est dans des moments comme ça qu’on retourne à son port d’attache.

Pour un groupe comme le vôtre ou des groupes similaires, quelle est la clé de la survie de nos jours en 2023 ? C’est encore plus de tournées, plus de streaming, … ?

Jennifer : C’est simplement de ne pas mourir. (rires)

Votre dernier album, « Once Beautiful, Twice Removed », comment le considérez-vous par rapport aux précédents ?

Oren : On a écrit un papier là-dessus qu’on peut voir sur notre site web où l’on a passé quelques heures à concocter exactement ce que nous voulions dire. Mais bon, de tête: quand on était en train de faire ce disque, nous sortions de la pandémie. Nous avons écrit un certain nombre de chansons pendant la pandémie, et puis certaines alors que nous en sortions… mais la pandémie ne se termine jamais, n’est-ce pas ?

Jennifer : Mais c’est un disque fait pour la route, en gros…

Oren : Oui, c’était pas mal sur le fait d’abandonner l’environnement dans lequel on se trouve et se mettre à bouger. Et pour nous, ça voulait dire les États-Unis. Et artistiquement, d’un point de vue narratif et d’un point de vue d’univers sonore, on n’avait jamais eu tendance à s’intéresser aussi profondément aux ambiances musicales américaines, alors on s’y est mis un peu plus. C’est un peu notre album roots parce que si on prend la route et qu’on conduit aux USA, la bande-son pour  faire cela est peut-être un peu plus roots. Tu vois ce que je veux dire ? C’est plus JJ Cale, plus [Bob] Dylan, plus Randy Newman, plus country dans la pensée que ce que nous faisons habituellement, mais j’étais vraiment enthousiaste de relier ça à des romanciers comme Carson McCullers, ou Flannery O’Connor ou William Inge – enfin, lui, c’est un dramaturge – mais juste une autre facette de nous. Nous venons d’Amérique, tu vois, donc c’était une vue panoramique américaine, si on veut, et une grande partie de ce disque en comporte.

Étonnamment, vous ne jouez en live aucune des chansons pour lesquelles vous êtes vraiment populaire depuis le début de votre carrière. De toute évidence, c’est voulu…

Jennifer : Bon, présentons ça différemment: nous avons 13 albums parmi lesquels choisir. [Ce soir, à Mouans-Sartoux,] nous avons joué quelques chansons plus anciennes et nous avons également joué une nouvelle chanson qui n’est sur aucun disque, donc nous nous développons toujours et nous gardons toujours de la fraîcheur pour nous, mais nous ne nous plions pas à ce qui est populaire. Bien sûr, on veut faire certaines choses pour donner aux gens quelque chose de familier, et c’est une conversation que lui [Oren] et moi avons souvent: je pousse généralement à faire quelques chansons que les gens connaissent, alors ils pourront revenir et connaîtront les nouvelles, et on peut continuer ainsi. Toutefois, Oren est d’un avis très différent et il ne veut jamais jouer d’anciennes chansons. C’est toujours un désaccord, mais je pense que quand on joue en live, on donne aussi quelque chose au public.

Oren : Je veux toujours jouer les nouvelles chansons car c’est ça qui est excitant pour moi.

Avez-vous des albums ou des projets à venir ?

Oren : Nous avons écrit la moitié du prochain album.

Jennifer : Comme je l’ai dit, une des chansons que nous avons jouées ce soir est toute nouvelle, elle n’a pas été enregistrée, et c’est excitant et intéressant quand on est sur la route à jouer avec le groupe de commencer à ressentir à quoi pourraient ressembler ces chansons dans un environnement live avant de les enregistrer. Alors, on apprend des choses.

Nous sommes au lendemain du décès de Jean-Louis Murat. Avez-vous quelque chose à partager à ce sujet ? [Jennifer avait collaboré avec lui sur deux de ses albums en 1999 et 2004 et Oren en 1999 et 2014 – ndlr.]

Jennifer : Eh bien, pour ma part, je suis absolument dévastée de perdre Jean-Louis et c’est encore très frais, je ne l’ai pas encore complètement assimilé, en fait. Au début de cette tournée, la toute première date que nous avons faite était à Tulle. C’était une double affiche avec Jean-Louis, donc c’était beau de partager la soirée ensemble, et puis c’était beau de se retrouver et rire avec notre vieil ami, prendre des nouvelles, avoir une belle connexion, se prendre dans les bras et parler, de lui dire « je t’aime tellement » – ce que je lui ai dit, et je suis très heureuse d’avoir pu le faire. Ensuite, le perdre, tu sais, à peine quelques jours après, ce fut un choc complet. Il est si important pour la France et il se souciait vraiment d’elle, de garder la culture française vivante, intéressante et vitale, et il avait tellement de respect pour cette longue tradition, il était aussi toujours avide et sans complexe d’essayer de nouvelles choses qui faisaient de lui un artiste merveilleux. J’en ai vraiment le cœur brisé.

Christopher Mathieu

facebook.com/elysianfieldsnyc

Photo : Keith Sirchio

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