CYRIL BENHAMOU

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Trublion des soirées improvisées et musicales les plus rassembleuses du centre de Marseille, Cyril Benhamou est un fin compositeur et pianiste. Il trace un sillon jazz, groove et hip-hop remarqué, dont il définit de nouveaux contours plus intimistes dans son premier album en tant que tel “H.O.T”.

Vous sortez l’album “H.O.T – Heart of town”, né de votre rencontre artistique avec le bassiste Pascal Blanc et le batteur Jérôme Mouriez. Quelles caractéristiques a la formule trio ?  

C’était pour moi le format le plus logique pour mettre en valeur ces compositions et ma musique. J’ai concrétisé ce projet avec ces deux musiciens, mais je joue avec eux depuis de nombreuses années. Ce projet est né d’une carte blanche donnée l’an dernier au Jazz des Cinq Continents, lors duquel j’ai amené un nouveau répertoire, de nouvelles musiques. Ça faisait un moment que nous nous croisions dans d’autres projets, et nous avons senti que c’était le bon moment. Je souhaitais revenir à la formule trio, plutôt intimiste, alors que les dernières années, je faisais des formats live plus ouverts. 

Cet opus est très hybride, et entremêle les rythmiques et les inspirations. Comment a-t-il été construit, pensé ? 

Il y a plein de manières de faire, mais c’est à la fois de l’ancienne matière retravaillée ensemble et avec notre formidable ingé son George Martin, et également un travail de composition de A à Z autour de mes idées. 

Dans certains morceaux, comme “Song for Avi” le piano, votre instrument, est tellement mélodieux qu’on croirait entendre une ligne de chant. Est-ce la façon dont vous l’appréhendez ?

Belle analyse ! Ce morceau, c’est typiquement une mélodie. Ça aurait même pu être un chant, mais j’ai fait le choix de ne pas en mettre. J’adore écrire des mélodies qui rappellent plein de choses, qu’on a presque l’impression d’avoir déjà entendu. Une chanson, ça a une forme. En trio jazz, l’enjeu c’est de faire tenir une mélodie sur une structure longue, la développer. Sur d’autres morceaux, je peux partir d’une ligne de basse ou d’un groove, et tricoter dessus. Parfois même d’une idée, d’une image, c’est une question d’inspiration.

Et alors, pourquoi un album uniquement instrumental, alors que vous connaissez plein de chanteuses et chanteurs ? 

Je voulais vraiment me retrouver dans un cocon. Jusqu’à maintenant, je n’ai fait qu’ouvrir mes portes et mes plateaux, mais cette fois, j’avais envie de composer en petite formation, d’épurer. Il n’y a d’ailleurs qu’un artiste invité sur l’album. Ce que j’adore dans l’instrumental, c’est que chacun peut se faire sa mélodie, développer son imaginaire. Après, nous ne sommes ni à l’abri de quelques remixes, ni d’invitations sur scène ! (Rires). 

Le titre “Hip-hop des Kids” semble tirer sa rythmique des racines du mouvement dans les années 90, on y entend clairement une instru, des breaks, des basses. Quelle relation entretenez-vous avec le hip-hop ?  

Je me demande si je n’ai pas découvert le hip-hop à l’époque des compil Jazzmatazz, Guru, MC Solaar… Je n’étais pas un traditionaliste mais j’ai adoré le mélange type De La Soul, Branford Marsalis, toutes ces influences. Je ne vais peut-être pas me faire que des amis mais j’ai plus écouté NTM que IAM, par exemple ! (Rires). Ils samplaient des choses que j’adore ! J’aime les mélanges, et amener des cultures urbaines dans le jazz, ça a été vu des milliers de fois aujourd’hui, mais à l’époque c’était très original. Il y a quelques années, j’ai été influencé par un voyage à New-York : là où tu vas peiner à Marseille à trouver des MCs – bien que la scène ait évolué – là bas il y a 20 MCs par scène ouverte. Tu prends tout ça dans tes bagages et tu fais ta tambouille. Ce titre, je l’ai joué sur scène dans plein de configurations, avec MC, DJs, éléctro… C’était amusant ici de s’astreindre à l’instrumental. 

L’album se clôture sur un “Opening”, titre de ce morceau onirique. Une ouverture vers… ? 

J’adore l’idée de finir sur quelque chose qui ne se termine pas. Ça aurait même pu être un morceau divisé entre la fin de cet album et un prochain, j’adore l’image. C’est une posture de vie et artistique d’essayer de rester ouvert au dialogue, à la musique, à l’avenir. 

L’album s’appelle “Heart of Town”. Vous êtes vous même très lié à la ville de Marseille, dans laquelle vous développez vie et art depuis des années. Quelle est votre vision de cette ville, les liens que vous y avez construits ? 

À la base, j’ai appelé cet album ainsi, pour parler de la vie dans la cité, du cœur de la ville, en général. Marseille, j’y ai construit ma vie, j’y ai vécu, l‘ai quittée, y suis revenu. Cette ville, il y fait bon vivre mais elle t’aspire un peu, ça n’a de secret pour personne. Elle est compliquée, tyrannique, énergivore mais tout autant lumineuse, solaire et inspirante. On ne peut pas trancher, j’espère de rester mesuré, c’est ce qui prévaut aujourd’hui. Plein d’artistes y restent et continuent de développer leurs projets artistiques. Ce serait un peu trop cliché de dire que c’est Marseille qui m’a inspiré, ce serait trop cliché, mais l’énergie de cette ville, bien sûr, fait partie de ma vie, nourrit mes rencontres. 

Depuis des années, vous développez les formats jam et cartes blanches dans les clubs et petites salles phocéennes. Est-ce ce melting-pot de rencontres et d’improvisations qui rend cet album si riche en évocations stylistiques ? 

Je crois que ça a toujours fait partie de moi. Je me suis toujours intéressé aux cultures populaires, aux musiques de partout. C’est plutôt ça qui a perduré sur mes soirées carte blanche, ce mélange, afin qu’elles me ressemblent. Le problème, c’est d’être connu pour ça, et on se demande parfois ce que je fais, mais voilà : je suis pianiste et compositeur, ces rencontres sont une richesse mais je veux aussi montrer ce que je fais. 

Vous qui développez un projet indépendant, quels obstacles rencontrez-vous ? 

J’ai déjà de la chance d’être indépendant et d’avoir une prod, une attachée presse… Je démarre à peine dans ce format, mais je connais la problématique. La manière de consommer la musique a tellement changé ; nous ne pouvons nous permettre de nous retirer de Spotify que si nous sommes un mastodonte ! Tous les choix nous appartiennent, en indé. Nous nous parlons, nous avançons ensemble, nous collaborons. L’enjeu principal, c’est l’expression scénique. Il faut que ça, ça tienne, que nous continuions à tourner !

Comment se profilent les prochains mois, avec la sortie de cet album? 

Je veux faire les choses dans l’ordre : je sors les singles, puis je fête la sortie de l’album. Ensuite, on défendra la projet, j’ai eu la chance de réussir à m’exporter jusqu’à maintenant, et j’ai envie de le faire avec cet album.

Lucie Ponthieux Bertram

Le 06/12/2025 au Théâtre de l’Oeuvre – Marseille (13).

cyrilb.fr

📸 Cyril Benhamou par Laurent Bareille.

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