Le 17/08/2023 au Parc Haussmann – Draguignan (83).
Le Festenau du Dragon est un festival qui se propose de (re)faire de Draguignan un centre de diffusion de musique live. Organisée par Stéphane, un restaurateur dracénois passionné de musique, cette édition en était donc la première ! La soirée à laquelle j’ai assisté était consacrée au Reggae avec un grand événement, la seule date française du fabuleux groupe anglais Steel Pulse.
Dès mon arrivée je suis surpris par l’étendue du site, le professionnalisme de l’organisation, ce qui pour une première édition m’a vraiment étonné. Beau dispositif scénique et technique, loges et restauration impeccables pour les artistes, bénévoles serviables et souriants et, c’est l’avantage d’être reçu par un restaurateur, de délicieux repas servis aux artistes, un détail qui n’en est pas un, car en tournée la nourriture quotidienne et la qualité de la restauration prend toute son importance pour soutenir psychologiquement les artistes loin de chez eux pendant de longues semaines. Je pense que la communication et notamment l’affichage dans Draguignan et dans les villes environnantes aurait pu être amélioré tout comme la patience et la disponibilité des agents de sécurité envers les artistes mais à part cela c’est un quasi-sans-faute et cela est si rare qu’il faut ici féliciter Stéphane Anton et Ludovic, son fidèle compère.
Les indestructibles voisins varois de De La Colline vont ouvrir la soirée. Dire que ce collectif a de la suite dans les idées n’est pas qu’une formule, depuis près de 25 ans ils combinent sens de la fête et activisme musical dans un style qui leur est propre et que pour ma part, je les suis depuis leurs débuts. Leur ska reggae provençal est loin d’être totalement abouti musicalement mais j’aime leur esprit détaché et leur constance dans l’amusement productif, de plus avec une telle abnégation, ils ont encore au moins 30 ou 40 ans pour perfectionner leur formule qui cependant a bien fonctionné sur scène et chauffé le public pour l’arrivée des Gang Jah Mind.
Gang Jah Mind c’est le livre d’histoire toujours en cours d’écriture du reggae marseillais, un groupe qui porte sa propre identité métissée, son authenticité portée par le parcours de vie de chaque membre du groupe dont les familles venues d’ailleurs ont décidé un jour de faire de Marseille leur ville. Fils et filles d’exilés, le groupe s’est pourtant consolidé sur place en faisant face aux aléas de la musique et des vies personnelles depuis 1993, date de leur premier concert (j’y étais !). Ce jeudi 17 août le groupe a fait ce qu’il savait faire, détonner par son originalité, son intégrité et une énergie musicale nouvelle poussée par les dates grandes dates réalisées cet été comme le No Logo en Bretagne. Les voix féminines maghrébines ont comme toujours magnifié la posture rebelle et multiculturelle de leur musique, également stimulés par la présence de Steel Pulse ils ont donné le maximum et le public ne s’y est pas trompé. Pour illustrer leur ferveur pour le reggae engagé et politique de Steel Pulse, je ne peux taire ici la pochette de l’album Handsworth Revolution de Steel Pulse accroché au mur dans le couloir de la colocation étudiante de Fouziha et Sophia à la toute fin des années 80 !
Steel Pulse c’est plus de 40 ans d’histoire, une formule musicale unique qui a cristallisé l’identité artistique du reggae anglais qui, depuis, est toujours reconnaissable avec son groove particulier toujours empreint d’un fond de raggamuffin qui le rend doux et dansant à la fois, on peut aussi évoquer la voix, sans pareille, chaude, douce et groovy de David Hinds, un chanteur qu’on reconnaît dès la première syllabe. Sur scène, le groupe n’a pas déçu. Une équipe composée de membres historiques du groupe, secondés par des nouveaux venus énergiques et motivés pour partager la scène avec ces véritables légendes, a enflammé le public. Il faut dire que le groupe a composé tant de belles chansons qu’on a tant écoutées, années après années, que le plaisir de les retrouver sans nostalgie aucune a fait briller d’émotions fortes l’instant présent. Le clou du concert c’est sans doute quand le facétieux bassiste du groupe, après avoir chauffé le public tout le concert a demandé à Fouziha, chanteuse lead de Gang Jah Mind de monter sur scène pour le dernier morceau. D’abord abasourdie par une telle demande, c’est ensuite l’inquiétude et le stress qui a pris le dessus avec tant de mystère. Sur les escaliers en bord de scène, le dernier morceau venu, le technicien plateau du groupe, lui met une guitare basse dans les mains et la propulse sur scène. Le bassiste continuant de jouer backstage, Fouziha se met à singer une bassiste pro, dansant en rythme sur scène en se plaçant à côté du batteur pour échanger avec lui des regards complices. Le public exulte, ébahi par les capacités de cette chanteuse qui se permet de prendre la basse au pied levé pour accompagner Steel Pulse et d’en jouer comme une déesse ! De notre côté c’était plutôt des barres de rire tant elle a joué le jeu à fond et sans retenue … Elle se rappellera toute sa vie de cet instant de grâce, où elle a “accompagné” ses idoles et modèles sur scène. Je veux aussi noter la parfaite gentillesse, l’humour et l’accessibilité des membres de Steel Pulse avec les musiciens et les bénévoles présents sur place, l’ouverture au dialogue de David Hinds, qui né en 1956, fête quand même ses 67 ans cette année. Il rayonne toujours sur scène et en dehors en promenant sa nonchalance souriante et colorée au plus grand plaisir de ceux qui comme moi ont eu la chance de le croiser et d’échanger quelques mots avec lui !
Pour moi la soirée a été vraiment intense d’amitié, de partage et de bonheur musical, en espérant que les 3 autres soirées du festival aient été aussi qualitatives, je tiens à remercier Stéphane et Ludovic pour leur travail et leur accueil … à l’année prochaine ?
Emmanuel Truchet