Formé il y a trois petites années, le groupe varois Higher s’est depuis fait une place de choix sur la scène régionale émergente. Avec un reggae chaud et coloré, bariolé de multiples influences, de la chanson aux musiques afro-cubaines en passant par le blues ou le spoken word, la formation appelle au voyage vers « l’Higher ». Rencontre avec le chanteur, Miguel Charlotiaux.
Comment le projet Higher est-il né ?
Higher, c’est d’abord une histoire de famille. Les deux chanteuses choristes Sarah et Lisa sont sœurs. Damien (guitare) et Flo (basse) sont frères. Et Thomas (batterie) et moi-même le sommes également. A cela s’ajoute deux Julien aux claviers. Nous nous sommes tous rencontrés au lycée et on s’est mis à jouer de la musique ensemble. A ce moment-là, nous débutions tous avec nos instruments. En 2013, nous avons entendu parler d’un tremplin lycéen au lycée Raynouard de Brignoles : « Rock in Brignoles ». On s’est dit : « Allez, on tente l’aventure ! ». On y a joué 5/6 morceaux que l’on avait composés, des trucs super complexes. On s’est retrouvé à faire des compos très alambiquées, avec des ponts, des passerelles, des cassures, des morceaux de 9 mn, des refrains et des pré-refrains, des intros d’une minute trente. Quand on est montés sur scène, c’était fou, complètement dingue. C’était une belle scène, il y avait près de 300 personnes. On a pris énormément de plaisir et on s’est dit : « Il faut que l’on continue ». On s’y est alors vraiment mis, avec plus de rigueur. Et puis il y avait vraiment un engouement autour de nous. Tous nos potes nous poussaient. Chez Higher, il n’y a pas de leader à proprement parler. Chacun amène sa pierre à l’édifice. Il y a une entente incroyable. Ça fait quatre ans maintenant que l’on compose à huit, et ça se passe merveilleusement bien. Nous avons tous des influences différentes, mais notre groupe fétiche, ce sont les Californiens de Groundation. En 2014, on a participé au concours Groundation European Cover Contest. On a envoyé une démo et on a gagné parmi plus de 1300 votes ! Cela nous a permis d’assurer la première partie du groupe au Melweg à Amsterdam. C’était fou !
Pourquoi avoir choisi le doux nom « Higher » ?
Nous avons longuement réfléchi au nom que l’on souhaitait prendre. A l’époque, on composait uniquement en anglais. Donc nous sommes partis sur un terme anglophone. Mais on voulait aussi une consonance en français, quelque chose qui fasse voyager. « Higher » s’est imposé assez vite. « Higher » pour sa signification dans la langue de Shakspeare (plus haut) mais aussi pour le côté un peu spirituel : « Est-ce que la musique peut te permettre de t’élever ? ». Et « Higher » comme « ailleurs », un autre endroit, comme quelque chose qui transporte, qui peut arracher de la routine et du quotidien.
Votre musique a pour base le reggae et la chanson, mais pas que ?
Nous essayons d’explorer plusieurs styles. Le reggae est vraiment notre ciment. C’est un style qui est vraiment normé. Tu fais un one drop à la batterie, un chunk à la guitare, et tu as du reggae. C’est difficile d’en jouer sans ça, sans cette basse bien ronde, sans certaines paroles. Finalement, c’est une musique assez cloisonnée. Arriver à prendre cette musique et à la faire voyager en ajoutant des éléments, d’autres styles, faire du reggae ouvert en somme, eh bien c’est génial ! C’est vraiment ça qui nous branche.
Comment qualifier l’état d’esprit d’Higher ? Qu’est-ce que vous essayez d’insuffler au travers de votre musique ?
La notion de voyage est vraiment importante pour nous. Dans notre rapport avec le public, puisqu’on essaie de faire en sorte que les gens s’évadent au travers de notre musique, de nos paroles et de nos histoires. Et puis notre souhait le plus cher est de pouvoir arriver à vivre de notre musique pour voyager. On ne rêve pas de gagner des milles et des cent. Ce que l’on veut, c’est aller à la rencontre des gens aux quatre coins du monde grâce à notre musique.
Qu’est-ce que la musique vous apporte ?
C’est difficile de mettre des mots là-dessus. De l’espoir peut-être. Une échappatoire. On en revient au voyage… Un sentiment de liberté.
Dans la chanson « Marque Page », le refrain dit : « Laisse le temps tourner les pages et écrire ». Que signifie cette formule ?
Cette chanson est en rapport avec le temps qui passe et la mémoire qui s’efface. Si la vie était un livre, le marque page représenterait la photographie d’un instant. Il faut arriver à en poser le plus possible, à se souvenir d’un maximum de chose face à l’érosion du temps. Elle m’a été inspirée d’un voyage en Serbie où j’ai rencontré deux SDF dans un train. C’était fascinant. Ils étaient magnifiquement beaux. Il y en avait un, un peu fort, avec de grosses moustaches et d’énormes mains. Et un plus fin, avec une toute petite moustache et une chemise fermée jusqu’au dernier bouton. Ils parlaient entre eux. Ils ont vu que je ne parlais pas serbe. Ils sont sortis du train et revenus avec des bières et ils ont commencé à chanter, à parler avec des gestes de la guerre et d’autres choses. C’était une rencontre incroyable qui m’a marqué. J’avais envie de les prendre en photo, mais je me suis dit : « Non, je dois pouvoir réussir à les immortaliser ». J’ai passé beaucoup de temps à les observer pour ne pas perdre le moindre détail, un peu comme un dessinateur pourrait faire. Cette chanson vient de cette rencontre. Et puis elle est en elle-même un marque page.
Dans « La chanson de l’optimiste », tu chantes : « Toi et moi, nous pouvons changer le monde, si tu y crois ». Tu y crois vraiment ?
J’y crois vraiment oui. C’est un optimisme engagé. Dans la première phrase, je dis « n’allez pas me croire candide ». Je ne voulais pas faire quelque chose à l’eau de rose. Mais j’y crois clairement. Quand j’ai écrit cette chanson, je lisais beaucoup de livres de Pierre Rabhi qui sont assez optimistes. On peut tous faire des choses à notre échelle. Mais il faut se relever les manches. S’investir, ça nécessite un engagement.
Peut-on dire que l’optimisme, c’est un peu une philosophie de vie chez Higher ?
Oui, je pense qu’on peut dire ça. J’ai des textes un peu plus sombres, notamment dans le prochain album. Mais c’est important d’être optimiste pour pouvoir avancer. Je repense à notre dernier road-trip en Espagne. Nous nous sommes retrouvés dans un endroit en dessous de Barcelone. On s’était fait voler notre argent, nous avions dormi deux heures dans la nuit, nous étions sur la paille. Puis on s’est rassemblé et nous avons tous mis le forcer et l’optimisme que l’on avait en nous. Nous nous sommes mis à jouer toujours plus de musique, et à partir de là nous avons une chance incroyable. Nous avons fait de belles rencontres, nous avons été hébergés par des gens croisés dans la rue. C’est facile de tomber dans la sinistrose, de subir. Je connais des gens qui sont comme ça. C’est plus intéressant de se remettre en question, de sourire, et d’avancer.
La musique en général, qu’est-ce qu’elle représente pour toi ?
C’est un compagnon de route. Ça m’apporte beaucoup de choses. Elle va complétement me « driver » suivant mon état d’esprit. J’ai des périodes où je réécoute beaucoup tel artiste ou tel autre avant de passer à autre chose et de revenir dessus : Nougaro, Renaud, Groundation, Bob Marley… Ce sont des trucs qui m’accompagnent. J’en ai besoin. Je pense que mon caractère optimiste n’aurait pas été le même sans ça. Quand j’ai des problèmes, j’écris. C’est aussi une manière de me purger. J’écoute de la musique cinq heures par jour depuis tout petit. Je la considère comme une espèce d’entité. Ce serait difficile de s’en passer, mais je ne me contente pas de la consommer comme si c’était un truc à manger ou à boire. C’est aussi quelque chose que je construis. Depuis que j’ai une conscience de la musique, depuis 13-14 ans, je fais de la musique, j’en suis acteur. Au collège, j’écrivais du rap. Des trucs très très mal écrits… (rires). Je réglais mes comptes avec mes parents. Mes parents ne sont pas musiciens, donc je n’ai pas eu ce réflexe de m’y mettre jeune. Mais ça c’est fait, c’est inné. Personne ne m’a mis dans la musique et pourtant elle est là. Omniprésente. Elle m’apporte de l’espoir, elle me conforte dans des émotions, elle me change d’état d’esprit. Elle m’apporte de la tristesse, de la colère, de l’espoir, du désespoir, de la nostalgie aussi. Parfois, j’écoute un morceau qui me fait penser à une tranche de vie, un « marque-page ». C’est presque pavlovien.
Quels sont vos projets à venir ?
Nous avons déjà sorti deux EP ‑ qui ressemblent plus à des compilations ‑ et un album « Higher ». Il n’y a que six titres, mais on considère que c’est un album à part entière parce que c’est une œuvre complète, avec une histoire, un vrai cheminement, une teinte présente de la première à la dernière note. Il y a une démarche artistique cohérente. On a pu faire ce disque grâce à un financement participatif que l’on a bouclé en 24 heures grâce au soutien de plein de gens et de l’association brignolaise Asian Prod. Il est sorti au début de l’année. Nous sommes allés démarcher la Fnac de Toulon. Ils nous ont fait faire un show case. Ça leur a plu et ils l’ont mis dans leur bac. Tout le stock a été écoulé depuis.
Nous allons sortir un EP dub 100% « fait maison » intitulé « Dub Lake ». Il est en cours de finalisation. Il sortira fin décembre en autoproduction, uniquement en digital, en téléchargement gratuit. Nous avons voulu faire quelque chose avec un vrai cheminement et une vraie histoire : ça parle d’un avion qui se crashe dans le désert. Et les survivants partent un peu à l’aventure… guidés par une tribu… (rires). Il y aura quelques featuring, avec Manu de Jah Legacy notamment. Mais aussi Riwan du groupe lyonnais Wailing Trees. Et Art-x au mélodica qui reprend un peu le flambeau du Jamaïcain Augustus Pablo. En fait, nous souhaitons réaliser des albums à proprement parler et des EP thématiques en parallèle. Dans nos albums, on fait des sons funk, cubains… On part dans tous les sens. Pour créer la cohérence que l’on insuffle dans chacun d’entre eux, nous sommes obligés d’éluder des styles différents. Ça nous permet de vraiment nous plonger dans un style et de se l’approprier. L’idée, c’est vraiment d’avoir des albums avec une base reggae/chanson et des passerelles vers différents styles. A l’avenir, on fera probablement un EP blues, un autre reggae, puis un drum’n’bass, etc. Tout ce qu’on a envie de faire en fait.
Ensuite, nous sortirons un nouvel album prévu pour le printemps 2017, avec des sons cubains, de la chanson française, du reggae blues, etc. Et là encore, plusieurs featurings et pas des moindres : on s’apprête à travailler avec Mourad de la Rue Kétanou et Lionel de Raspigaous. Nous lancerons un financement participatif courant mars pour le réaliser.
Nouvel EP « Dub Lake » à paraître fin décembre.
Matthieu Bescond
Exergue : « Je crois vraiment qu’on peut changer le monde. On peut tous faire quelque chose à notre échelle. Mais il faut se relever les manches. S’investir, ça nécessite un engagement. »
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