TERRENOIRE

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Dans son album « Protégé.e », le duo stéphanois Terrenoire explore les tensions sociales à travers des sonorités électroniques et organiques. Collaborant avec Pomme et Bernard Lavilliers, il s’ancre dans une musique engagée et poétique.

Qu’est-ce qui vous a poussé à former ce duo et comment avez-vous défini votre identité musicale ? 

Terrenoire, c’est avant tout le nom d’un quartier de Saint-Étienne dans la Loire, là où nous avons grandi. La musique a toujours été un espace de partage en famille. Notre oncle, artiste, nous a initiés à la scène vers 14 ans, et ce lien musical ne nous a jamais quittés. Quand Raphaël est monté à Paris et a lancé son premier projet musical, il m’a proposé d’enregistrer quelques morceaux pour un concert à Lyon. En une semaine, c’était une évidence : nous devions créer ensemble. La musique, la collaboration et la famille ont toujours été indissociables. 

Quelles ont été vos principales inspirations pour votre dernier projet ? 

Avec “Protégé.e”, nous avons voulu aborder le monde sans prendre de distance. L’album parle du lien entre les individus, du risque de rupture sociale et des tensions de notre époque. Le corps est une métaphore récurrente : le territoire, le corps intime, social, politique. Tout est connecté. Nous avons voulu exprimer nos préoccupations à travers cette image. La montée des extrêmes, la perte de connexion entre les gens, l’individualisme sont des sujets qui nous préoccupent. Parler du monde en restant dans l’intime, c’était essentiel. 

Quelles évolutions musicales et thématiques vouliez-vous explorer à travers cet album ? 

Nous avons voulu aller plus loin dans notre regard sur le monde, sans nous isoler. L’idée était d’explorer l’intime pour parler du collectif. Les thématiques abordent les tensions de notre époque, mais toujours avec poésie. Musicalement, nous avons cherché à repousser les frontières, à mêler textures électroniques et orchestrations plus organiques. L’objectif était de créer un espace où l’on peut ressentir autant qu’analyser. Chaque chanson est un fragment de notre vision, une tentative d’attraper quelque chose de notre époque, avec émotion et lucidité. 

En 2021, vous avez revisité “Ça va aller” avec Pomme. Comment est née cette collaboration et en quoi a-t-elle enrichi votre musique ? 

Nous avions déjà collaboré avec Pomme sur un projet appelé “Les 24 heures du mot”. Une belle connexion s’est créée dès notre rencontre à Lyon. Quand elle a découvert “Ça va aller”, elle a adoré. Nous lui avons proposé d’enregistrer une nouvelle version en studio. En trois heures, c’était bouclé. Elle est d’une précision et d’un professionnalisme incroyables. Cette collaboration nous a permis de sortir de notre bulle, d’ouvrir notre musique à une autre voix. Laisser de la place à quelqu’un d’autre dans notre univers était un moment fort et marquant. 

Vous avez également participé à l’album de Bernard Lavilliers avec “Je tiens d’elle”, un hommage à Saint-Étienne ? 

Avec Bernard Lavilliers, c’était une vraie co-écriture. Raphaël est arrivé avec une première base de texte, et Bernard, en passionné de littérature, avait préparé des références sur Saint-Étienne. Pendant trois ou quatre jours, nous avons travaillé ensemble. Voir comment il façonne une chanson était fascinant. La musique est un artisanat, et il la travaille comme un sculpteur ou un ébéniste. En plus, nos familles ont un lien historique : son père et notre grand-père ont milité ensemble à la manufacture d’armes de Saint-Étienne. Ce morceau a donc une résonance particulière, autant musicale qu’humaine. 

Vous avez toujours cultivé une esthétique et un univers très personnels. Est-ce que cela vous donne envie de plus (court métrage, long métrage …) ? 

Raphaël aurait adoré répondre à cette question, car avant de se lancer dans la musique, il voulait être réalisateur. Il n’a jamais vraiment poursuivi ce rêve, mais aujourd’hui, avec l’importance de l’image sur les réseaux sociaux, nous réalisons déjà de petits formats vidéo. Un vrai court-métrage, ce n’est pas encore d’actualité, mais composer pour le cinéma serait un rêve. Accompagner une narration par la musique, sublimer une image avec un son, c’est une perspective qui nous attire énormément. 

Y a-t-il une scène ou un concert qui vous a particulièrement marqué ces dernières années ? Pourquoi ? 

Notre concert au Studio 104 de la Maison de la Radio en janvier 2025 a été un moment exceptionnel. Nous avons joué avec l’Orchestre du Nouveau Monde, un ensemble de jeunes musiciens engagés sur les questions de justice sociale et climatique. Leur approche nous a bouleversés, et interpréter notre musique avec un orchestre a été une expérience unique. Et puis, évidemment, jouer au Fil à Saint-Étienne reste toujours spécial. Là-bas, c’est la messe, c’est chez nous, et l’énergie du public est indescriptible. Ces moments nous rappellent pourquoi nous faisons ce métier. 

Warren Magnani

Le 29/11/2025 à Paloma – Nîmes (30).

terrenoire.store

Photo : Sonia Barcet 

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