La chanteuse de jazz américaine Robin McKelle effectue une tournée européenne automnale après les nombreuses dates estivales. Revenons avec elle sur ces deux derniers albums où les chanteuses qu’elle admire sont au premier plan.
“Alterations” paru en 2020 est un disque militant, féministe, qui met en valeur des femmes, des compositrices, des chanteuses.
C’est important de parler des femmes en ce moment, de mettre en valeur leur talent. Et j’ai monté ce projet pour montrer les femmes de tous les styles qui m’ont inspirée.
Et il y a un beau panel de Billie à Lana Del Rey ou Adèle, Dolly Parton, Sade, Janice, Carol King, Joni Mitchell. Et vous avez choisi de les interpréter à votre manière?
C’était l’idée. J’ai pris chaque morceau et j’ai fait des arrangements pour ma voix et mes idées. Ce n’était pas intéressant de refaire à leur façon. Chanter comme Janis ou comme Ella, ce n’était pas possible. Dans une reprise, il faut garder son individualité.
Votre nouvel album “Impressions of Ella”, (Doxie Records-2023) est un peu un retour aux sources. Il y avait déjà du Ella dans votre premier disque “Introducing Robin McKelle” (2006) un peu comme si vous passiez de la période de l’orchestre de Chick Webb de ses débuts au quartet avec Oscar Peterson.
Exactement. Je n’ai pas voulu faire simplement un hommage à Ella. C’est pour ça que le titre est “Impressions of Ella”, au pluriel. La façon dont elle chante, le rythme, le scat, cela reste dans ma tête. J’ai gardé le style, l’esprit, l’histoire de cette période tout en restant moi-même. J’ai choisi des morceaux un peu moins connus. Il y a déjà beaucoup de tributes à Ella. J’ai essayé de faire quelque chose d’un peu différent, comme de reprendre « My One And Only », c’était cool car on ne l’entend pas souvent.
Bien sûr je ne peux pas m’empêcher de demander comment Kenny Barron est arrivé dans ce projet?
Je me le demande aussi. En fait, je l’ai appelé pour lui demander s’il serait intéressé et il a dit oui, avec plaisir! Dans ma tête j’ai crié wouaaaah, cool, génial! Et ensuite on a trouvé les deux autres, Peter Washington et Kenny Washington avec qui il avait déjà joué. En plus, il y a un lien entre Kenny Barron et Ella, il a été le pianiste dans son dernier enregistrement en studio. Quel honneur pour moi qu’il ait accepté ce projet.
C’était vraiment une belle expérience. Tout s’est bien passé en studio. Tranquille. Il a été très sympa.
Kenny Barron était donc musicien à l’époque d’Ella avec tout le background que cela implique.
C’était très important pour moi. Kenny, Kenny et Peter ont apporté le son de l’époque. Ils font partie des pionniers de ce jazz. Des maîtres du jazz. Et on l’entend dans le disque. La façon dont ils jouent, le feeling. Ils ont la compréhension et le knowledge, la connaissance.
Vous avez enregistré onze morceaux, est-ce que vous en avez d’autres en plus que vous réservez à la scène?
Oui, en fait on en a enregistré plus et on les garde pour le public. On a enregistré très vite, en un jour et demi. Et à la fin, ils m’ont demandé « tu veux en faire un autre? » Et donc on a fait « Embraceable You » qui n’était pas prévu en une seule prise. Et c’est mon préféré.
On a l’impression que les disques dont on vient de parler sont faits surtout pour être joués sur scène et que c’est la scène qui vous motive qui vous donne envie de continuer.
Oui, les disques cela me plait, mais pas assez. La scène c’est ma maison. Je suis à l’aise. Les enregistrements, c’est un peu stressant. En live, c’est dans le moment, c’est direct, on est en face du public. On partage vraiment la musique, entre musiciens et avec le public. J’ai grandi sur scène donc c’est chez moi.
Un nouveau projet?
Je vais rester dans le jazz mais j’ai aussi envie de retrouver les Flytones (son groupe de 2012 à 2015) pour un disque peut-être mais surtout pour une tournée. C’était une bonne équipe, nous sommes des amis, on a passé de bons moments ensemble alors si on se retrouve cela va être fun. La musique sera au top, « We have nothing to lose now ».
Jacques Lerognon
Photo : Frank Bullitt