Il fait partie des plus belles figures du reggae français et international. Depuis son premier album” Deep Rocker, Back a Yard” en 2013, Naâman n’a cessé d’évoluer en utilisant des sons raggamuffin, soul, hip-hop. Il nous fait l’honneur de répondre à nos questions. Un instant magique rempli de lumière.
“Temple Road”, ton 4e album respire de bonnes ondes, sans doute le plus abouti. Ce qui peut paraître d’ailleurs logique grâce à l’expérience acquise depuis 10 ans, et ce talent inscrit en toi. Comment le nourris-tu ?
Je pense qu’il y a une volonté de se parfaire au fur et à mesure du temps. Je suis assez attentif à ce que j’ai fait avant, avec le temps qui passe, je vois là où je peux aller plus loin. Je me laisse de plus en plus de temps pour faire les choses. J’essaie de les faire avec moins de pression, comme j’ai pu le faire pendant quelques années. C’est-à-dire revenir le plus souvent possible à ce qui est intuitif.
Tu parles de lâcher prise ?
Exactement. Quand nous lâchons prise, c’est là que se cache la maturité de la personne que nous sommes en vrai. Ça s’ouvre et tout devient plus facile.
Concernant l’album, la pochette est classieuse et sobre, ornée d’un symbole doré, on dirait un demi-soleil diffusant ses rayons sur la planète. Que représente il et quelle est son histoire de création ?
Je cherchais un logo pour ce nouveau projet qui représentait beaucoup pour moi, puisqu’il se passait pas mal de choses dans ma vie, des challenges. Le fait de vivre en Inde, d’y avoir été bloqué pendant le Covid et d’y avoir composé l’album, m’a permis de m’imprégner de cet environnement. Nous avons eu beaucoup de temps pour le faire. Pour revenir au logo, au début, je pensais appeler l’album : ” Sunrise Of India”. Je pense que c’est là qu’est venue l’idée d’un soleil. J’ai dessiné ce logo avec les 4 côtés, c’est un losange avec les 4 éléments de cette dimension où nous sommes, où nous cherchons tous la lumière qui se cache derrière le masque. Ça représente le chemin de chacun vers la source.
Il va devenir ton logo !
Dans le mille ! Je l’ai adopté
Tu as fait beaucoup de très bon feat avec pas mal d’artistes : Clay & Friends, Riot, Alborosie, Marcus Gad, Dub Inc, et même nos amis les Ryon pour “Nous Sommes Le Pouvoir”, un hymne pour la communauté des People (Fans des Ryon). Quelle autre collaboration aimerais tu faire ?
J’y pense seulement quand j’ai un morceau qui pourrait convenir à ces personnes. Déjà un titre qui pourrait correspondre à une collaboration et ensuite l’artiste qui vraiment y amènerait quelque chose. Je ne peux donc pas me projeter au moment où tu me poses cette question. Il faut que le morceau invite quelqu’un. Je peux être fan d’une personne qui a des morceaux incroyables, mais ce n’est pas parce que nous allons faire un featuring, que, ce que nous allons faire ensemble sera aussi sera aussi bien que ce qu’elle fait toute seule.
Dans “Temple Road”, si je dois choisir un titre afin de développer dessus ensemble c’est : “Sunrise Of India”. Une chanson avec une mélodie qui te met en joie et de bonne humeur dès le matin si tu l’écoutes au réveil. Elle nous remplit de belles choses. Tu nous en parle ?
Ça me fait plaisir la façon dont tu le décris. Ce titre représente vraiment le matin parfait, la belle journée qui démarre. Je l’ai écrit de façon extrêmement spontanée, en 5 minutes c’ était fini. Ça exprime le lâcher-prise et le détachement. On entend aussi ma femme Karishma, c’est un moment de vie au plus simple qui s’est passé chez moi. Je lui ai fait écouter pour la fois le morceau dans le casque et je lui ai dit : vas-y écoute ta voix, chante un truc et je l’ai gardé tel quel. Ça parle de simplicité.
Tu vis entre Goa en Inde et la Normandie, ça ne doit pas être évident de se réadapter à chaque fois, car il y a un énorme contraste de culture et de style de vie ? Cependant, cela doit être intéressant à la fois ?
Oui c’est intéressant et j’adore les contrastes. L’atterrissage est toujours un peu compliqué dans les deux sens. Je suis rentré avant hier d’Inde ou j’ai passé 5/6 mois. Ce n’est pas évident d’être perdu dans un retour à une vie un peu citadine, chacun dans son appartement. En Inde, je suis beaucoup dehors avec une vie un peu “communauté”.
Est ce que nous pourrions dire qu’en France nous sommes un peu tristes ?
Ça dépend, oui et non. Nous pouvons vite nous fermer sans faire exprès, ne pas se calculer en ville ou dans le voisinage. Les habitudes se mettent en place très rapidement. Cependant, le contraste est très intéressant. Ce que j’adore en France, c’est la faculté, la rapidité ou nous pouvons produire des choses. Ça bouillonne ! En Inde, dans ma campagne, c’est dur d’accomplir des choses. Je le vois aussi aux artistes qui me côtoient en Inde, et qui ont du mal à finaliser les projets. En France, ce n’est pas compliqué, car il y a déjà beaucoup d’aides de l’Etat, et les équipes de travail se mettent en place.
Tu as donné beaucoup de concerts dans des endroits différents sur la planète. Dans quel(s) lieu(x) inédit(s) voudrais-tu le faire à présent ?
Il y en a qui se mettent en place dans la tournée qui me font plaisir. Nous n’avons pas encore commencé, mais ça ne devrait pas trop tarder. Nous faisons une tournée en Californie. Je suis heureux d’aller aux Etats-Unis, car dans ma musique, beaucoup de mes influences sont nées là-bas : la soul, qui après est allée en Jamaïque, et qui a donné le reggae. C’est une terre de musique et je suis très content de la découvrir.
On te voit principalement sur des scènes de festivals, est-ce un choix de préférence par rapport à un concert où tu es le seul artiste ?
C’est différent, faire les salles. C’est agréable car le public vient juste pour toi et les gens connaissent tous tes morceaux, c’est plus intimiste dans le rapport et l’échange avec eux. Le choix, est surtout que l’hiver je suis en Inde, soit la moitié de l’année. Si je prends la décision de faire une tournée concert, ça me fait être en Inde moins longtemps. Cette année, j’ai décidé de faire une tournée très courte et la faire dans les festivals c’est juste parfait. Il y a une fraîcheur particulière, beaucoup de rencontres. Il se dégage quelque chose de merveilleux.
Ça permet de vous rencontrer entre artistes aussi ?
Oui c’est un énorme plaisir. Et ce qui est bien aussi et que j’apprécie, c’est que c’est un événement unique dans l’année. Les équipes qui les organisent se donnent cœurs et âmes.
En 2022, tu as été opéré d’une tumeur au cerveau. Tu as partagé des vidéos de toi tout juste opéré, où nous pouvions te voir avec ton bandage sur la tête à la guitare. Nous avons tous été impressionnés par ta force mentale. Une telle épreuve doit forcément remettre beaucoup de choses en question. Est-ce que cela à réveiller des choses en toi ou générer du changement ?
Forcément, ça change beaucoup de choses. Ces moments sont là pour casser notre propre conditionnement et aller plus loin. Je l’ai pris comme ça, nous n’avons pas le choix en général. Cela a un gros effet sur la psychologie et la façon de vivre sa vie. C’est intéressant et ça n’en finit pas. J’y serai jusqu’à la fin de ma vie.
Tu as des douleurs par moment ?
Non, l’avantage c’est qu’il n’y a pas de douleurs.
Vous les artistes, quand vous vous montrez pendant des moments de “faiblesse”, vous véhiculez des messages forts pour les gens qui vous suivent, vous regardent, vous écoutent. Merci de partager aussi des moments très intimes comme ceux-là. Il faut beaucoup de courage pour pouvoir le faire.
De rien avec plaisir, je crois que j’en avais besoin aussi. Ça me semblait évident d’en parler, car cela touche pas mal de gens. Cela m’a aidé et rester dans le silence m’aurait fait bizarre. Puis, ça m’a permis d’en parler avec beaucoup de personnes qui sont touchées par la même maladie, de constater les différentes réactions, et de pouvoir explorer certains sujets.
A part la musique, tu aurais aimé exercer quel métier ?
C’est difficile de répondre, mais forcément dans l’artistique, quelque chose de manuel. Un métier qui me canalise, mais bon c’est la musique qui est passée…
Tu disais tout à l’heure que tu aimais bien prendre ton temps. Un 5e album est-il en préparation ?
C’est toujours en préparation, puisque j’écris tout le temps des chansons. C’est donc difficile de savoir quand nous allons sortir un album pour l’instant. Je sais que ce que j’enregistre finira sur un album.
Question à la con de Valérie : Si tu devais choisir une question, laquelle aimerais tu qu’on te pose par-dessus tout ?
Les questions qui m’inspirent le plus, en tout cas, ce sont les questions qui invitent à parler de la profondeur de la vie. Ça devient un échange, quelque chose de réel qui a vraiment de l’importance. La relation avec l’existence, chacun individuellement, ça nous fait grandir quand on en parle.
Valérie Loy
Photo : Valentin Campagnie.
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