MIOSSEC

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Il y a vingt-deux ans, Christophe Miossec chantait « Boire », un premier essai rock dont la brutalité verbale est immensément poétique. Avec son dixième album « Mammifères », Miossec nous revient entouré d’un trio virtuose et nomade. S’il s’est quelque peu assagi dans ses vers depuis « La Fidélité », Miossec n’a rien perdu de l’honnêteté ni de la poésie de ses trente ans.

 

Bonjour Christophe, vous avez sorti votre premier album « Boire » en 1995. Ça fait quoi de se dire que cela fait 22 ans ?

C’est horrible (rires) ! C’est assez atroce de voir à quel point le temps passe vite.

 

Qu’est-ce-que vous faisiez avant le succès de votre premier album ?

J’avais un groupe de rock « Printemps Noir » que j’avais monté quand j’avais treize ans, puis j’ai fait des études et des petits boulots pour payer mes études. Jusqu’à mes vingt-huit balais je faisais un tas de boulots. Les journalistes me parlent toujours de mon activité journalistique, mais j’ai aussi enlevé de l’amiante, j’ai été peintre en bâtiment, j’ai travaillé chez Gallimard… Mais c’est l’instabilité qui m’a amené à la musique, puis je me suis rendu compte que la vie est dure ! (rires)

 

Comment s’est déroulée la transition entre cette vie-là et votre carrière de musicien ?

C’était une période explosive qui a duré quelques années. Je n’avais pas de piston, je n’avais rien du tout. C’est finalement grâce à Jean Daniel Beauvallet, journaliste aux Inrocks à qui j’avais envoyé une cassette par la Poste. Quand elle s’est retrouvée chroniquée dans le magazine je n’en revenais pas !

 

Votre dernier album « Mammifères » présente une formule très acoustique : guitare, violon, accordéon. On aurait pu s’attendre à quelque chose d’électronique. Qu’est-ce-qui vous a amené à faire ce choix ?

J’avais l’envie de faire un disque artisanal. Mettre de l’électronique, ça viendra un de ces quatre mais j’ai vu trop de chanteurs se servir de l’électronique comme d’un vernis et je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Ce qui est marrant c’est qu’en faisant « Mammifères » je n’ai pas réfléchi une seconde, c’était de l’enthousiasme ! Alors que proposer de l’accordéon en 2016, pour moi c’était presque de la provocation ! Mais Johann Riche qui joue l’accordéon sur « Mammifères », s’il avait joué du musette ou une musique alterno un peu chiante on ne serait pas parti là-dedans.

 

Quand vous étiez gamin, vous disiez détester la chanson française. Pourtant vous vous retrouvez à avoir écrit dix albums en français. Qu’est-ce-qui vous a fait changer d’avis ?

Quand j’étais gamin la chanson française s’apparentait à la variété. Ça n’a jamais été quelque chose que j’ai vraiment écouté, j’étais plutôt musique anglo-saxonne. Mais il y a des artistes comme Gainsbourg ou Jacques Brel qui m’ont vraiment donné envie d’écrire en français et puis j’ai eu la chance de travailler avec Gérard Jouannest le mari de Juliette Gréco, qui était le pianiste de Jacques Brel pendant toute sa carrière. C’est quand même monumental !

 

Vous avez déjà essayé d’écrire en anglais ?

J’ai eu la chance quand j’étais gamin d’avoir un copain anglais à qui je faisais écouter plein de choses et je le voyais souvent mort de rire sous la moquette, donc ça m’a vacciné dès l’adolescence et je me suis dit non, on peut chanter en anglais parce que ça sonne mieux mais faut au moins qu’on raconte quelque chose ! Mais je crois que les nouvelles générations contournent un peu le problème en écrivant des paroles plus second degré, pleines de pathos et presque en recul derrière les mots. Moi j’aime autant qu’il y ait du fond, que les paroles ne soient pas gratuites.

 

Vous n’avez pas été satisfait par vos premiers albums ?

Oh mais je n’ai été satisfait de rien à vrai dire ! Il y a toujours cette aspiration, cette croyance que l’on va faire mieux.

 

Vous semblez vous attacher beaucoup à la vie. Qu’est-ce-qui vous donne cette force ?

Ce n’est pas de la force c’est plutôt du constat et quand on arrive à plus de cinquante balais et qu’on a eu pas mal d’amis qui ont disparu on voit peut-être un peu mieux l’importance de la chose.

 

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Ah l’inspiration c’est un drôle de processus. C’est cette impression d’essayer de creuser, d’aller chercher des chansons là où elles existent et puis c’est toujours marrant de faire naître quelque chose. Mais c’est vraiment le plaisir de l’écriture avant tout. Je sais que ça me plait et il y a des jours où ça fuse et là c’est vraiment chouette.

 

Vous écrivez pour d’autres artistes et notamment Johnny Hallyday. Comment appréhendez-vous cette part du travail ?

C’est assez le pied d’écrire pour les autres ! Il faut faire naître quelque chose à partir de mots en anglais ou de yaourt, c’est plutôt drôle. Et puis voir Johnny Hallyday chanter ces mots-là en concert c’est vraiment marrant.

 

Avez-vous rencontré Johnny avant d’écrire pour lui ?

Non, on s’est rencontré plus tard. Mais ce qui est sûr avec Johnny, c’est que pour pouvoir en parler il faut l’avoir vu en concert. Et puis c’est un mec vraiment chouette, très attentionné avec ses musiciens. C’est assez étonnant de voir comment il est resté « roots », c’est incroyable.

 

Vous tournez toujours à guichet fermé, mais vous fréquentez davantage les salles intimistes que les stades. Qu’est-ce-qui détermine cela ?

C’est une question de portée en fait. Quand j’ai fait le premier disque, c’était pour des clubs de cinquante, soixante personnes. De voir du monde à mes concerts à l’autre bout de la France ça m’étonne toujours ! Et puis médiatiquement aussi, je ne fais pas une musique qui peut intéresser le mainstream donc ça me laisse tranquille finalement. J’ai déjà joué dans de grands festivals avec plein de monde, c’est assez marrant, mais autrement j’ai la chance de ne pas passer sur les radios commerciales.

 

Vous avez joué dans « Fleur de Tonnerre » à l’affiche depuis le 17 janvier. Comment s’est présentée cette opportunité ?

C’est parce que Gustave Kervern avait réalisé le clip de « La Chanson Des Vieux Amis » qu’on a tourné à Ouessant et il m’a demandé si je voulais participer au film de sa femme pour donner un coup de main. J’ai déjà joué dans des films et je sais que ce n’est pas une bonne expérience de me voir à l’écran. L’endroit où j’aime être réellement c’est en concert. C’est le seul moment vrai de la musique, le seul moment qui vaille. Le reste, les disques, l’enregistrement, ça fait partie du boulot mais le vrai boulot pour moi c’est la scène. Ce sont des moments où on n’est plus vraiment sur Terre. Mais ça devient vraiment une drogue, et avec l’âge c’est de pire en pire ! (rires)

 

Vous avez déjà tourné à l’étranger ?

Assez peu, mais on revient tout juste d’une tournée au Mexique où on a été étonnamment bien accueilli. On a tourné dans plusieurs villes mais du fait qu’on soit tous les quatre avec nos chaises et nos amplis, je pensais que ce serait des petites salles de rien du tout mais il y’avait vraiment du peuple. C’était délirant !

 

Vous avez toujours vécu en Bretagne ?

En fait je viens du Finistère nord, c’est complètement différent du reste de la Bretagne. Mais j’ai l’impression d’avoir habité à peu près partout en France car je déménage beaucoup. L’endroit le plus bizarre où j’ai habité c’était la Réunion. Il faut y aller, c’est fabuleux. J’ai aussi habité à Eze pendant un temps, je me souviens des pizzas de l’African Queen sur le port de Beaulieu. C’est une région à crever de beauté !

 

Vous avez un prochain album en préparation ?

Oui j’écris toujours, c’est ça qui est bien avec ce boulot, tant qu’on peut le faire on le fait. L’idée ce serait de faire tout le contraire de « Mammifères » mais comment ? (rires)

 

Guillaume Adamo

Le 09/03/17 au Théâtre du Merlan – Marseille (13) et le 10/03/17 au Domaine d’O – Montpellier (34).

 

www.christophemiossec.com

 

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