GOGO PENGUIN

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Déjà un 4ème album en 6 ans de carrière et une tournée internationale de plus pour le trio de Manchester qui défraie la chronique dans le milieu du jazz grâce à son accessibilité crossover redoutable ! Interview groupée de deux rencontres cette année avec principalement Nick Blacka, le bassiste, mais aussi Chris Illingworth, le pianiste.

Il semblerait que vous ayez atteint une forme de consécration en signant avec le label culte Blue Note Records. On vous décrit aussi comme le renouveau du jazz. Qu’en pensez-vous ?

On nous a dit que nous étions une sorte de passerelle vers le jazz pour les jeunes. Je n’avais jamais pensé à ça. C’est intéressant parce qu’on en revient à cette question de savoir si nous jouons du jazz ou pas et de définir ce qu’est notre musique. Mais si c’est le cas, avec les jeunes, c’est un beau rôle.

C’est peut-être un beau rôle à jouer auprès des jeunes mais qu’en est-il des personnes plus aguerries qui ont des attentes qui correspondent plus à un certain type de jazz d’un label comme Blue Note ? C’est aussi une porte ouverte aux critiques.

Je pense que nous avons déjà ouvert beaucoup de portes aux critiques avec ces histoires de jazz, pas jazz, électro, pas électro ? On a l’habitude de ça. Il y a surement des gens qui pensent que notre musique est un outrage au catalogue Blue Note. J’ai lu une interview de Don Was qui dirige le label au sujet de la direction que prend le label. Il disait qu’il y a beaucoup de choses qui étaient fantastiques il y a 60 ans mais il n’y a aucun intérêt pour nous, originaires de Manchester, de reproduire la même chose en 2018. Nous n’avons pas les mêmes expériences. Blue Note nous a signés et nous en sommes honorés, ils savent où ils vont. Ce qui est super, c’est que nous avons beaucoup de soutien de leur part et on a la chance de pouvoir faire la musique que l’on veut.

On vous sait influencés par Esbjörn Svensson Trio ou Squarepusher, qu’avez-vous découvert depuis qui a pu influencer votre approche ?

On cherche de nouvelles choses tout le temps. On se recommande mutuellement des artistes à écouter, et très souvent, c’est de l’electronica. Nous aimons trouver nos idées à travers la musique électronique car il y a tellement de possibilités avec cette musique. Quand on y pense, il y a une telle diversité de sons rien qu’avec un synthétiseur ! C’est une vraie source d’inspiration. On ne commence pas toujours avec un ordinateur, quelques fois on part du piano ou de la basse mais ça reste un bon moyen de rassembler les idées et de les montrer. Ça dépend vraiment des morceaux et de ce que l’on cherche à créer. C’est un moyen d’expression infini. Ce n’est plus très nouveau mais nous sommes de grands fans de Jon Hopkins, Nathan Fake, James Holden, mais aussi des trios de piano comme Tigran Hamasyan.

Je vous ai vus ouvrir pour lui, d’ailleurs, au Jazz à Juan en 2015.

Oui ! C’est justement là qu’on l’a découvert. On ne le connaissait pas. On a joué avec beaucoup d’autres groupes à des festivals mais quand Tigran passait, on se disait « wow, ça, c’est vraiment bien ! ». On voit encore le batteur assez souvent. Il joue avec Erik Truffaz aussi… donc oui, on guette toujours de nouvelles choses.

Vous avez cité des influences électroniques mais en concert, vous n’avez aucun instrument électronique. Vous comptez en inclure à l’avenir ou est-ce un choix délibéré de ne jamais en inclure ?

En ce moment oui. Il y a tellement de choses que l’on peut faire avec juste 3 instruments, comme rajouter des pédales d’effets sur le piano comme Chris fait sur le dernier album où il essaie d’en atténuer les cordes pour qu’elles sonnent comme un synthé. J’en utilise aussi pour ma basse, ce qui me permet de geler les accords pour que je puisse jouer par-dessus, ce genre de truc. Mais on essaie d’utiliser ça au minimum. À moins d’avoir une bonne raison d’utiliser un effet, en général, on ne le fait pas. Mais ce n’est pas dit qu’à l’avenir on n’essaiera pas de rajouter des synthés et tout ça. Mais on a déjà tellement de possibilités avec notre univers sonore qu’on reste là-dessus pour le moment. La formation en trio (piano, contrebasse et batterie) a été testée pendant longtemps. Chaque instrument apporte sa part et ça marche très bien, il y a une vraie symbiose. Il y a une forme de liberté mais aussi de challenge. Nous aurions pu avoir une guitare basse, un synthétiseur, ça aurait été peut-être plus facile. Mais il existe tellement de possibilités de sons à créer avec ces instruments. Dans le dernier album on pourrait croire qu’il y a de l’électronique, l’effet a été bien travaillé notamment en production. Le fait que les auditeurs soient désorientés est une réussite pour nous. Le but, c’est de s’amuser. Lorsqu’on entend de l’électro en se disant que c’est impossible à retranscrire et d’y arriver, c’est vraiment plaisant, c’est une bonne sensation.

Y a-t-il des sons que vous ne pouvez pas reproduire ?

Oui, quelquefois surtout les trucs que Rob [Turner – le batteur] ramène. Par exemple, un sample vocal super compressé avec des réverbérations. De temps en temps, ça ne marche pas. C’est assez marrant d’écouter certaines ébauches mais on va toujours chercher les moyens d’y arriver. Nous n’avons pas toujours besoin de reproduire exactement le même son. C’est surtout l’effet et l’émotion que le son produit que l’on veut recréer. Jusqu’à présent, on y arrive, on relève des défis de plus en plus ambitieux, on veut que ça reste toujours stimulant.

Votre dernier album s’appelle « A Humdrum Star », à quoi ce titre fait-il référence ?

C’est une référence à la citation de l’astrologue Carl Sagan. Il avait un programme télé au début des années 80 qui s’appelait « Cosmos ». « A Humdrum Star » est en référence au soleil alors que nous ne sommes qu’une petite planète dans l’univers. On aime avoir un concept vers lequel on travaille pour unifier ce que l’on compose. L’idée était de regarder vers l’extérieur mais aussi vers l’intérieur en deux perspectives, ce qui est vraiment magnifié avec cette image de Carl Sagan.

De votre point de vue, quel est la différence principale de cet album par rapport aux précédents ?

« Man-Made Object » et « 2.0 » étaient dans des univers similaires. Je pense que celui-ci montre l’amorce vers autre chose. Certains des arrangements sont parfois un peu plus expérimentaux, un peu plus longs, on a un peu plus d’espace pour faire des choses… Pour moi, c’est celui dont je suis le plus heureux mais il reste à voir ce que le public va en penser…

Sur votre EP live « Abbey Road », il y a un morceau qui n’appartient à aucun album qui s’appelle « Ocean In A Drop ». Avez-vous beaucoup d’autres morceaux inédits en stock ?

Oui. Quand on commence à travailler sur un album, on a tout un ensemble d’idées, on se dit que tel morceau va représenter une passage important de l’album. Puis, pour une raison x ou y, tous les autres morceaux prennent une plus grande place, on est coincé, on ne sait plus trop où aller. Puis tout d’un coup, ce morceau ne se retrouve pas inclus ! Mais il reste une idée que l’on a et qui flotte. Occasionnellement, on la repasse en revue, et d’autre fois on la laisse tomber. Donc, pour « Ocean In a Drop », à l’époque de l' »Abbey Road EP », on venait tout juste de finir d’écrire une partition pour le film Koyaanisqatsi, que l’on a joué en ciné-concert, en même temps que le film, et ce morceau en était juste une des parties. Et quand on a été invités pour jouer à Abbey Road, on s’est dit qu’on aller jouer un truc nouveau et c’est un morceau qu’on avait mais on ne l’a jamais vraiment vu comme un morceau terminé. C’est juste un air sympa qu’on a fait mais je pense qu’on le remaniera comme il faut à un moment ou un autre.

Avez-vous l’intention de sortir l’enregistrement de votre partition pour Koyaanisqatsi, ou encore mieux une réédition du film qui inclurait votre musique ?

Ce serait bien ! On nous le demande beaucoup mais c’est très difficile parce que c’était une commande pour un projet exclusif. On l’a joué à 2 soirées à Manchester, puis on s’est dit que ce serait bien de l’emmener sur la route, donc on l’a joué à New York, Barcelone, Londres, différents endroits… et on a eu de très bon retours mais on a composé cette musique exclusivement pour le film et elle n’aurait probablement pas autant d’intérêt toute seule. Donc peut-être qu’on fera un EP ou quelque chose comme ça, je ne sais pas encore.

En même temps, les gens pourraient toujours la synchroniser au film chez eux.

Oui, c’est vrai, mais j’espère surtout qu’on aura l’autorisation de la sortir à cause de son implication directe avec le film…

Vous avez reçu des retours de Philip Glass (le compositeur original du film) ou Godfrey Reggio (le réalisateur) ?

Non. (Rires) Ils savent qu’on l’a fait mais je ne sais pas s’ils l’ont vu ou entendu. Quand on l’a joué à Brooklyn, quelqu’un qui connaissait Godfrey Reggio était là et était impressionné donc c’est un point positif.

Vous repartez en tournée dès Octobre en commençant par le Japon. Que peut-on attendre de cette nouvelle tournée ?

C’est plutôt une grosse tournée pour nous, surtout la partie anglaise. On travaille avec l’ingénieur éclairagiste pour en faire un peu plus un show. On va peut-être ressortir des titres plus anciens de nos débuts ou qu’on n’a pas l’habitude de jouer, on est encore en répétitions pour le moment.

Le nom du groupe, Gogo Penguin, est délibérément ni sérieux ni académique, est-ce que c’est un choix délibéré de votre part de vous éloigner de quelque chose qui serait pris trop sérieusement ?

Nous voulions être très clairs que c’est un groupe sans leader, donc opter pour un nom de groupe était important. Mais c’est aussi peut-être parce que nous avons grandi habitués aux noms de groupes indépendants. Ceci dit, c’était vraiment une décision de dernière minute car pour jouer notre premier concert, le gars avait besoin d’un nom à mettre sur l’affiche et voilà où on en est maintenant. (rires)

Christopher Mathieu  et Evelyne Acker

www.gogopenguin.co.uk

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