Il aura fallu attendre dix ans pour découvrir le dernier effort en solo de Corrina Repp, l’une des plus belles curiosités de ce début de siècle. Repérée par Mark Kozelek, leader mythique de Red House Painters et de Sun Kil Moon, Elle avait sorti son album « The Absent and the Distant »sur son label Caldo Verde. Nouvelle Vague revient sur les débuts de l’artiste et bien évidemment sur tous les moments importants de sa carrière.
Vous avez attiré l’attention de Mark Kozelek. Afin de vous présenter un peu plus à nos lecteurs, pouvez-vous nous parler de cette incroyable aventure ?
J’ai fait la première partie de Mark Kozelek à Portland chez moi, et aussi à Seattle, vers 2005/2006. Comme il ne conduit pas, le deal était de le raccompagner à Seattle après notre concert à Portland. Donc mes musiciens, Mark Kozelek et moi avons fait le trajet jusqu’à Seattle tous ensemble en voiture ! Il a toujours été adorable avec nous. Nous parlions beaucoup de musique et de l’industrie musicale en général. Il savait que j’allais sortir un disque. Nous sommes restés en contact, il a écouté mon album et il a voulu le sortir. A ce moment là, j’étais la seule artiste de son label qui était extérieure à sa musique, puisqu’il avait fondé Caldo Verde pour ses propres projets seulement. C’était un geste très humble de sa part.
Vous n’avez pas sorti d’album solo en dix ans, même si vous avez eu plusieurs projets durant cette période (notamment Tu Fawning ). Est-ce que travailler seule à nouveau a été une expérience positive ? Est-ce vraiment différent au final ?
C’était vraiment génial de travailler seule à nouveau. Être dans un groupe est une grande source d’inspiration. Nous apprenons des autres, nous arrivons à des résultats que l’on atteindrait difficilement soi-même. C’était mon cas avec Joe Haege, qui m’a poussée à donner le meilleur de moi-même en tant que musicienne. Notre collaboration était parfaite. Mais toutes ces tournées et ces enregistrements avec Tu Fawning m’ont emmenée à un moment de ma vie où j’ai eu envie de recommencer quelque chose en solo. Ça m’a donné l’impression d’être une nouvelle personne. D’avoir tellement grandi car dix ans, mine de rien, ça représente beaucoup. C’était comme une renaissance. Ce procédéétait plus simple, et aussi plus calme. Je suis restée une semaine dans une cabane dans les bois àécrire seule. C’était l’endroit parfait pour le faire. Cela se ressent musicalement et aussi au niveau de l’écriture. Même si certaines paroles semblent sombres et déchirantes, il y a beaucoup d’espoir qui s’en dégage. Donc oui, cette expérience était vraiment positive.
Comment analyseriez-vous l’évolution entre “A Boat Called Hope” (1999) et “The Pattern of Electricity”?
Quand j’ai sorti “A Boat Called Hope”, j’avais peut-être 23 ou 24 ans. J’étais très jeune. Je n’avais pas confiance en moi, surtout en ce qui concerne ma créativité. Je pense que c’est quelque chose que j’ai gagné avec le temps ; il est possible de faire un album à l’âge de 15 ans et d’en être au même stade 20 ans plus tard. En ce qui me concerne, le processus d’apprentissage et de création a été plutôt lent. J’ai une tendance à prendre les choses à cœur, àêtre très sensible et émotive. J’ai eu des blocages qui ont mis du temps à disparaître. Mais je suis véritablement libérée en tant qu’artiste désormais.
Votre carrière possède plusieurs aspects, notamment avec votre musique et la série « Portlandia ». Voulez-vous continuer la comédie à l’avenir ? Avez-vous d’autres ambitions artistiques ?
J’aimerais continuer la comédie c’est certain. Jouer dans « Portlandia » est amusant mais très porté sur l’improvisation la majeure partie du temps. J’ai hâte de saisir une opportunité qui me permettra de jouer un rôle plus complet. Peut-être dans un film ou dans un court-métrage où je pourrais passer plus de temps avec mon personnage. Avec « Portlandia », j’arrive sur le plateau, je reste deux heures à improviser et puis c’est terminé. J’aimerais jouer plus, j’adore ça ! Et ça me terrifie aussi un peu. Je pense d’ailleurs que c’est pour ça que je souhaite continuer.
Votre univers musical et visuel est très particulier. Parlez-nous de vos influences.
Je ne sais pas si j’ai des influences spécifiques. Je me sens simplement enclin à créer. A faire des choses qui me semblent intéressantes et travailler avec des artistes que je connais et que j’adore. Surtout à Portland, il y a tellement de gens talentueux ici. Certains avec qui j’ai pu passer du temps pour mon dernier album. Que ce soit pour le visuel, les clips, ou tout simplement l’enregistrement. C’est l’une des joies de faire ce que je fais: pouvoir travailler avec des gens que j’admire. Tourner le clip de « Woods » a été une expérience incroyable. Les deux jeunes femmes que vous voyez dans cette vidéo sont deux de mes meilleures amies. J’aime faire des choses intéressantes, qui font ressentir quelque chose aux gens, qu’ils aiment ou qu’ils détestent. Au moins ils s’en souviennent. Plutôt que de faire un truc qui leur passe au dessus et qu’ils oublient aussitôt. C’est mon défi artistique personnel. Et heureusement pour moi, mes proches ont les mêmes ambitions.
Y a-t-il des artistes récents qui ont attiré votre attention ?
Mon ami Zefrey Throwell qui vient de New York. Il a fait une couverture d’album pour moi en 2004. Sa photographie, son art, m’ont toujours inspirée. Côté musique, il y a Steve Gunn, que j’ai beaucoup écouté cette année. Très “folky”… Il y a Sylvan Esso aussi, dont je suis une grande fan. Pour ce qui est du cinéma, je dirais Paul Thomas Anderson. Je l’adore tellement. Je suis absorbée par ses films. Je sais qu’il va bientôt sortir un documentaire sur Johnny Greenwood. Sur ses voyages, sa musique etc… J’ai vraiment hâte de voir ça. J’ai beaucoup bougé cette année, beaucoup voyagé, donc je n’ai pas pu recueillir beaucoup d’informations. J’ai surtout été inspirée par mes aventures et tous ces environnements différents. C’est vraiment ce qui m’a motivée ces derniers temps.