CLÉA VINCENT

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Depuis « Retiens mon désir » en 2016, Cléa Vincent a à cœur de faire danser son public sur ses morceaux à la pop colorée et un peu vintage. Un mélange efficace qui s’est répété sur son dernier album, « Nuits sans sommeil », paru en 2019, opus brillant d’énergie et de sons 80’s. Rencontre avec une étoile montante de la pop française.

 

À quand remontent tes premiers contacts avec la musique ?

Le plus vieux souvenir que j’ai, c’est dans ma chambre d’enfant. J’écoutais du jazz sur cassette audio, notamment Dave Brubeck, un pianiste que j’adore, et je marchais en rythme dans ma chambre. C’est comme si je rentrais complètement dans le morceau. J’avais un rapport vraiment corporel à la musique. D’ailleurs, c’est étonnant que je sois devenue musicienne et pas danseuse ! J’ai commencé à cinq ans le piano, et là aussi je me sentais vibrer, j’avais l’impression d’être complètement dans l’instrument. J’ai le souvenir d’une incroyable fusion avec la matière musicale.

On comprend rapport-là aussi quand on te voit danser sur scène.

Pour moi, la grande qualité d’une musique, c’est de pouvoir faire danser. Ça donne de la joie, de la légèreté. Il y a des fois où une bonne fête m’a sauvée d’un blues, ça m’a permis de me reconnecter avec moi. Pouvoir incroyable de la musique sur le corps et l’esprit.

Tu as eu une formation assez classique, tu es passée par le conservatoire, tu as appris le piano. À quel moment t’en es-tu émancipée pour produire un son plus pop ?

C’est une bonne question. Effectivement, je me suis attelée à l’étude du piano-jazz, du classique, et je continuais mais sans trop savoir où ça menait. Un jour, à la fac, j’ai rencontré un musicien qui était totalement autodidacte et composait des trucs. C’est là que je me suis dit qu’on pouvait créer soi-même, inventer des suites d’accord. Il m’a appris à jouer du reggae et j’ai adoré ça. Pour les paroles, c’est venu un peu plus tard. Je suis tombée super amoureuse de quelqu’un, et j’ai eu besoin d’exprimer ce que je ressentais pour cette personne. C’était un amour impossible, et ça m’a fait du bien de lui adresser des chansons. Mes premières chansons étaient des pures chansons de midinette amoureuse. Ensuite, je suis passée de midinette à jeune femme, puis à femme et c’est intéressant de voir comme les chansons évoluent en fonction de soi, de sa maturité.

Justement, tu parles beaucoup d’amour sur ton album. On sent que c’est un thème essentiel dans ta musique.

Ça m’anime énormément. Je trouve que l’amour est le sujet léger par excellence, et pourtant il ébranle complètement. Un chagrin d’amour peut être presque aussi puissant qu’un deuil, et c’est une matière qu’on ne maîtrise pas du tout. On ne choisit pas de tomber amoureux ni de ne plus aimer, et je trouve ça très intéressant de parler de quelque chose qui nous échappe tout le temps. Et la pop s’y prête très bien. Pour moi, c’est une musique relativement romantique. Les chansons pop parlent rarement de politique, de sujets autres que les relations humaines.

Est-ce que des artistes t’inspirent ?

Oui, il y en a plein. Récemment j’ai eu un coup de cœur pour le dernier Cassius, notamment la chanson « Don’t let me be ». Évidemment, la mort récente de Zdar y est pour quelque chose, mais au-delà de ça, le morceau est vraiment excellent. C’est Owlle qui chante dessus et c’est une artiste que je suis depuis longtemps. L’année dernière, j’avais été beaucoup touchée aussi par « Brutalisme » de Flavien Berger. Sinon, mes grands modèles sont des artistes qui durent dans le temps. Je pense à Philippe Katerine, mais aussi Carole King, Petula Clark, Véronique Sanson, des femmes qui continuent à faire des disques.

Ce rythme-là t’inspire ?

Oui, je veux vraiment faire de la musique jusqu’à pas d’âge, c’est un peu mon leitmotiv. Je n’ai pas envie d’être pressée comme un citron, j’ai envie que ça dure le plus longtemps possible.

Est-ce que tu as des rituels pour composer ou est-ce que ça vient un peu comme ça ?

Ça vient souvent un peu comme ça (rires). D’ailleurs, quand je me force à composer, le taux d’efficacité est moins élevé, même si c’est important de se mettre au boulot. Mais souvent, les chansons les plus fortes sont vraiment des messages. Je crois que je suis une grande communicante, j’ai besoin de contact, je suis très sensible. C’est clairement les relations humaines qui me font composer. Je peux aller prendre un café avec une copine, on va se dire plein de choses, je vais rentrer chez moi et avoir envie de synthétiser tout ce qu’on s’est dit et d’en faire une chanson par exemple.

On sentait déjà l’influence des années 80 sur « Retiens mon désir », en 2016, et ce style prend de l’importance sur « Nuits sans sommeil ». Qu’est-ce que tu retiens de cette période-là ?

L’utilisation des synthés. Je crois qu’ils ont un peu remplacé les orchestres symphoniques dans les années 80, et on en a mis partout, ce qui est normal. Et j’adore les synthés. Ça ne me viendrait pas à l’idée de mettre des vraies cordes dans ma musique. La pop avec des cordes, à moins d’être les Beatles, je trouve ça pompeux parce que ça fait ton sur ton. Des petites touches de synthés vont imiter des cordes ou des cuivres mais avec des tons plus pailletés, et ça va plus me parler.

Sur « Sexe d’un garçon », tu abordes un thème très actuel, celui de la place des femmes dans la société, est-ce que c’était important aussi pour toi de t’inscrire dans la lignée « Me too » ?

Oui, je pense que ça m’a influencée. J’ai été très touchée par ce mouvement, j’ai aimé que la parole se libère. Il faut que les femmes parlent. Après, « Sexe d’un garçon » ne parle pas de harcèlement. Je n’avais pas envie d’en parler parce que la pop, selon moi, doit rester un peu légère. C’était plus une chanson pour dire « Je suis une meuf, j’ose monter sur scène et je vous emmerde ». Cette chanson, c’était pour dire aux femmes de ne pas avoir peur de prendre une place.

Est-ce que tu as d’autres projets en tête ?

Oui, j’ai créé une émission sur la pop, Sooo Pop, et je veux continuer avec encore plus de moyens. Je vais être en résidence dans un collège aussi pour faire un Sooo Pop Kids. Je vais aussi tourner pas mal et continuer à écrire. Et continuer à organiser des soirées parce que j’adore ça !

Elisa Fernandez

www.facebook.com/cleavincentmusic

Photo : Kamila K Stanley

« Je veux vraiment faire de la musique jusqu’à pas d’âge, c’est un peu mon leitmotiv. Je n’ai pas envie d’être pressée comme un citron, j’ai envie que ça dure le plus longtemps possible. »

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