Artiste trans de 24 ans, Charlie Pâle représente parfaitement l’évolution de la société actuelle. Pour lui, la musique est le moyen de se raconter et conter son parcours atypique. A travers elle, il explique ainsi son quotidien d’un jeune homme trans en 2022. Nous l’avons rencontré il y a quelque temps pour en discuter.
Ton clip “Je Vais Où” a été déjà vu plus de 90 000 fois, et le 7 avril est sorti ton premier EP. Par rapport à ton parcours artistique récent, ça te fait quoi un départ rapide comme celui-ci ?
Oui, c’est énorme. Je ne m’attendais pas à autant de vue, car c’est le premier clip sur ce projet. Ce qui est rassurant pour l’EP et j’en suis très satisfait.
Penses-tu qu’un jour, il n’y aura plus de codes à casser ?
Je pense qu’on est dans un combat perpétuel. Il faut se battre en permanence, car nos droits ne sont jamais acquis. Ils peuvent nous être enlevés d’un revers de la main. Nous devons être aux aguets et se battre pour ne pas les perdre et faire valoir qui on est. Il y a du mieux, c’est sûr, mais la route est encore longue.
C’est grâce aux générations comme la tienne, qui prennent conscience de plein de choses et qui s’investissent de plus en plus, que tout avancera correctement ?
Oui, nous sommes dans une génération de réseaux sociaux. Cela nous permet d’avoir une visibilité plus large et de parler de sujets importants. C’est plus facile, grâce à cette communication, de s’exprimer et de toucher de plus en plus de gens, notamment les jeunes.
La difficulté à se trouver quand on est un enfant/adolescent, penses-tu que ce soit dû justement à tous les codes préalablement établis, ou y a-t-il d’autres raisons ?
De par mon vécu, je peux dire que dès notre plus jeune âge, on nous met la pression. Dès 14 ans, on te demande déjà ce que tu veux faire plus tard et on t’explique en t’installant des barrières, qu’il te faut telle moyenne pour exercer le métier que tu souhaites. On se retrouve vite jugé, c’est très compliqué. C’est ainsi que ma scolarité s’est très mal passée sur plein d’aspects différents. Niveau études, j’étais un élève moyen, et mes professeurs me disaient que je ne pourrais pas faire tel ou tel métier et que je n’étais bon à rien. Ce sont des choses qui restent et qui te marquent, même des années plus tard. Il y a des mots qui ont été dits par mes professeurs qui sont toujours présents en moi, ça laisse des traces. C’est difficile pour une construction sereine à l’adolescence. Nous sommes fragiles à cet âge et certains mots/maux entendus et reçus font partie de notre construction. Du coup, on peut très vite perdre confiance en nous et cela impacte notre futur. Sans parler de la pression sociale, en tant qu’homme ou femme.
Tu nous as parlé de ta scolarité avec tes professeurs, mais sinon avec tes amis et les autres élèves, c’était comment ?
Ce côté-là allait, c’était vraiment le côté scolaire qui était compliqué. Parce que je ne rentrais pas dans le cadre qu’on a actuellement.
À quoi, t’es-tu accroché pendant ce temps-là ?
À 16 ans, j’ai commencé à apprendre la guitare et à écrire mes propres chansons. C’est là que j’ai commencé à extérioriser tout ça. Et là je me suis rendu compte que je n’étais pas nul et que je n’étais pas un bon à rien. Dans la musique, j’ai trouvé ce qui me correspondait. À cet âge, je suis tombé malade et j’ai été hospitalisé, ça m’a permis aussi de me retrouver face à moi-même.
Ton clip a été tourné dans ton ancien lycée. Je suppose que l’accueil a été plutôt bon?
Alors, c’est un de mes anciens lycées, puisque j’ai fait ma 3e professionnelle là-bas. Ce n’est pas dans ce lycée que j’ai les moins bons souvenirs. L’ancien CPE est venu me voir pour me faire un coucou, car il me suit depuis des années. Il a vu toute mon évolution. Je suis une personne qui aime les symboles, et c’était important pour moi d’y retourner et de montrer qu’un élève avait réussi à développer son projet et à suivre son chemin non conventionnel.
Avec les réseaux sociaux, comment entretiens-tu le lien avec les personnes qui te suivent ?
Pour l’instant, il y a une petite communauté, et j’essaie d’être relativement proche des personnes qui me suivent. Je poste régulièrement en ce qui concerne ma transition et ma musique, en étant le plus simple possible. Ce qui est chouette, c’est que certaines personnes me suivent depuis des années et de ce fait, on évolue ensemble. Je me rends compte aussi de l’aide que j’apporte. Je reçois des messages de personnes qui me disent qu’elles ont compris qu’elles pouvaient être qui elles sont réellement, et ce grâce à mon exemple.
Quand on écoute ta chanson “Je vais où”, dans le clip, c’est encore une voix féminine.
Oui, j’ai dû enregistrer deux fois mon EP. La première fois, c’était il y a 2 ans avec mon ancienne voix. Je ne pouvais pas le sortir comme ça, on a donc réenregistré l’année dernière en août. Ça faisait trois/quatre mois que j’étais sous testostérone, mais je me dis que ce n’est pas plus mal qu’il soit quand même sorti comme ça, parce que ça fait partie de mon parcours. Je trouve ça chouette d’avoir un EP avec une voix plutôt féminine et un futur album avec ma nouvelle voix. Ça permettra de voir l’avancée.
En même temps, ça sert d’exemple pour les personnes qui ont les mêmes questionnements que toi ?
Exactement ! En revanche, personnellement, je n’en avais pas. Je n’ai trouvé personne à qui m’identifier. Je me suis dit qu’il fallait devenir mon propre exemple et que je devais continuer ma route, même si je ne sais pas où je vais. J’espère vraiment que cela pourra aider d’autres gens, même si à la base je le fais pour moi. Ça fonctionne comme ça de toute façon. Quand on fait pour soi, c’est là que l’on arrive à le partager aussi aux autres.
Quand tu étais petit, à part la musique, c’était quoi ton rêve ?
Je n’en avais pas vraiment. J’ai toujours aimé chanter, mais j’ai essayé de faire des études conventionnelles et de trouver un métier lambda. Cependant, inconsciemment, chanter, c’est ce qui me faisait le plus vibrer.
J’ai vu que des artistes comme Cœur de Pirate, Terrenoire, Fauve, Aloïse Sauvage, mais qui ou quoi d’autres t’inspirent ?
Dans la musique, il y a Justin Bieber aussi (il y met un point d’honneur à le souligner). Sinon, principalement, c’est la vie de tous les jours.
Charlie Pâle, c’est ton nom de scène. Tu l’as choisi comment ?
Charlie, c’est mon prénom. Avant Charlie Pâle, j’avais un autre nom de scène : Visage Pâle. Puis j’ai préféré mettre mon prénom devant Pâle, tout simplement.
Et bien Charlie, pourtant, tu es une personne tout en lumière avec beaucoup de couleurs. Mais bon, ça sonne bien.
Oui, je trouvais ça joli. Ce n’est pas toujours une obligation la symbolique des choses.
Tu sais où tu vas maintenant ?
Pas à 100 %, car en même temps, on ne peut pas en être sûr totalement. Par contre, le fait que je me connaisse un peu plus et que je sois plus à l’aise avec moi-même, me rend plus apaisé. Donc, oui je sais quand même un plus où je vais, mais le chemin est continuel.
Merci beaucoup Charlie pour ce moment très sympathique avec de beaux partages.
Bonne continuation pour la suite, Nouvelle Vague reste attentif à ton évolution et nous attendons ton EP.
Merci également à vous. Je tiens à préciser que j’ai enregistré en studio avec Raphaël D’Hervez. Il a été très important dans mon parcours artistique et humainement parlant aussi. Il m’aide et me donne beaucoup de motivation.
Valérie Loy