Les capacités, formations et influences de Cathy Heiting – chanteuse bien connue des mélomanes marseillais – s’entremêlent et se fondent dans son nouveau projet en quintet – “Unconditional”. Nourrie à l’amour, l’œuvre est une catharsis poétique née des élévations internes de l’artiste. Focus.
Vous sortez l’EP “Unconditional”. Dans votre vie ou du moins la façon dont vous l’abordez, qu’y a-t-il d’inconditionnel ?
Cela peut paraître désuet, mais je parle ici de l’amour, du lien. Cette année, dans un virage engagé sur le sens de la vie, je me dis que quand quelqu’un part, l’amour, le lien, le sens de l’amour, c’est ce qui demeure pour ceux qui restent. Le postulat part également de la bienveillance, car c’est une époque très anxiogène, et ces chansons sont un biais pour moi qui me positionne plutôt en tant que parent pour dire : “allez-y quand même !”.
De quelle manière cela a-t-il été un moteur de composition ? Comment partir de ce postulat et en faire de la musique ?
Ça semble peut-être mystique, mais moi, quand je fais des morceaux, ça part d’une émotion super forte, c’est comme une urgence : le morceau, parfois, il sort comme ça, d’un coup. Je peux être obligée de m’arrêter en voiture pour m’enregistrer. Après, je retravaille le tout avec mes musiciens, bien sûr, mais ça sort comme ça, comme une catharsis. Ça traduit des émotions fortes qui partent de relations par exemple. De liens.
Dans ces moments, la mélodie et le texte me viennent en même temps.
Vous êtes désormais en quintet, entourée de quatre hommes sur scène et en studio. Comment se sont construits ces liens ?
J’essaye de construire une équipe qui rit à mes blagues (rires), qui s’apprécie, et avec des talents complémentaires. Avec le batteur Samuel Bobin, par exemple, j’ai construit beaucoup de choses, notamment “Le conte du petit bois pourri”, qui montre une autre facette de ma personnalité artistique. Renaud Matchoulian, je travaille avec lui depuis 2019. J’ai par ailleurs un long parcours avec Sylvain Terminiello, nous travaillons ensemble depuis 2017. Dans mes répertoires, il y a toujours un moment de duo voix/contrebasse. Je travaille désormais avec Ugo Lemarchand, qui m’accompagne au sax ténor, et avec qui j’avais envie de travailler depuis longtemps.
Comment avez-vous vécu et vivez-vous aujourd’hui votre place de femme au centre d’un projet musical ?
Ça se construit ! Ce n’était pas gagné… Il a fallu poser des mots clairs, mon trajet m’a demandé beaucoup de réflexion et d’efforts. J’essaye et je suis fière d’êtren en rapport avec des hommes qui n’ont pas besoin de se situer par rapport à leur égo ou leur masculinité, mais qui savent pour autant s’exprimer et être en intéraction avec une femme sans que la différnece de sexe ne soit placée en premier. Je ne ressens pas ça chez les hommes avec qui je travaille et, je l’avoue, c’est un petit peu comme ça aussi que je les sélectionne, car je n’ai pas envie de me battre, je veux mettre mon énergie ailleurs.
Au niveau de votre style musical, vous semblez vous amuser à mélanger références et influences. Vous avez d’ailleurs un panel de compétences vocales assez large ! Quelles sont vos inspirations ?
D’abord, je viens du classique, du lyrique. Je suis passé au jazz après dix ans de classique pur, de musiques sacrées etc. Mes premières amours étaient le jazz, le funk, j’ai fait un projet bien groove/soul, “Moving”, avant le confinement. Après, j’avais vraiment envie de revenir à l’univers jazz, notamment pour l’harmonie, car je trouve cette musique extrêmement riche. Comme j’ai eu la chance de faire beaucoup de chant choral en ensembles vocaux avec mon mari, Jan Heiting, j’ai abordé beaucoup de compositeurs du XXème siècle. Ça a formé mon oreille et j’ai retrouvé cette richesse dans le jazz. J’avais envie d’y revenir.
Quel regard portez-vous sur la scène émergente locale ? Quels sont vos voeux pour les jeunes artistes ?
Avec le temps, il y a de plus en plus de projets et de gens très pros, très doués, à l’image de certains chanteurs et certaines chanteuses que j’ai eus en coaching scénique à l’IMFP ou au 6Mic. J‘ai pris une position bienveillante, c’est ce qui m’avait manqué à mes débuts, qui ont été compliqués. L’insertion dans le monde professionnel demande énormément de ténacité, j’essaye donc d’encourager tous les jeunes artistes que je rencontre. Il y a tellement de jeunes projets qui sont super. Ce métier est difficile psychiquement. La musique, c’est la toute petite part du métier, la part plaisir. Il faut s’accrocher, et on ne peut avoir d’énergie que si elle est liée au désir.
Y a-t-il des collaborations dont vous rêvez ?
J’adore November Ultra. Si je pouvais partager quelque chose avec elle ce serait formidable. En jazz, ce serait Avishai Cohen, le contrebassiste.
Quels sont vos souhaits pour cette nouvelle année ?
La paix. La paix intérieure, la paix dans le monde, même si ça fait Miss France !. Puis, j’ai envie de pouvoir tourner avec cet EP dont les chansons sont profondément sincères, devant le plus de public possible, avec ma belle équipe, avec ma toute jeune compagnie, Emmène moi dans la forêt. Plus largement, j’aimerais que les relations internationales s’améliorent, et que nous puissions trouver dans nos vies des espaces de repos et d’amour inconditionnels.
Lucie Ponthieux Bertram
Le 08/03 au Jazz à Cogolin (83), le 09/03 au Château de Bouc Bel Air (13), le 23/03 au Rouge, le 19/04 au City Center – Marseille (13), le 20/04 à l’Espace Miremont – Plan de Cuques (13), le 26/04 au Hot Brass – Marseille (13), le 07/07, dans le cadre des Estivales de Coudoux , à Coudoux (13), le 11/07 à La Ciotat (13), le 12/07 à Montfort-sur-Argens (83), le 26/07 à Barjols (83), le 03/08, dans le cadre du festival Jazz en Vivarais, à Vernoux-en-Vivarais (07), le 17/08, dans le cadre du festival Parfum de Jazz, à Buis-les-Baronnies (26) et le 31/08/2024 au Domaine de Camaïssette – Eguilles (13) .
Photo : Eric Massua.