Avec Radio Londres, son huitième album studio en quarante ans de carrière, Axel Bauer rend ici hommage à un esprit de résistance historique, le transposant dans notre monde actuel avec conviction et humilité. Taillé dans le roc(k), cet album d’une sensibilité à fleur de peau, est une extension de son auteur et interprète. Entretien en toute simplicité et complicité avec ce grand Monsieur !
« Ici Londres » est le premier extrait de votre nouvel album éponyme. C’est aussi un hommage à votre père, pouvez-vous nous en expliquer l’origine ?
C’est effectivement un hommage à mon papa, mais aussi aux speakers de Radio Londres, qui était la radio de la résistance pendant la deuxième guerre mondiale. C’était une radio qui émettait à partir de la ville de Londres, et qui donnait des instructions à la résistance française. Elle faisait le lien entre les forces de la France libre et la résistance en France. D’où les messages de Radio Londres, qui sont des messages humoristiques et décalés, de Pierre Dac. Ces messages étaient diffusés dans l’émission « Les français parlent aux français ». Il y avait plusieurs intervenants qui faisaient des discours, des caricatures ou des choses amusantes entrecoupées de morceaux de jazz.
Pourquoi donc avoir voulu faire ce morceau ?
J’ai voulu faire cette chanson, en réenregistrant la voix de mon père dans mon home studio, pour avoir les fameux messages d’introduction. Mon père a dû faire 517 prises de la phrase « les français parlent aux français ». Nous avons donc nous aussi apportés dans la chanson de l’humour sous forme de message : « les gorilles bananes archevêque, le Vatican doit faire avec », sont donc des nouveaux messages codés de Radio Londres, pour une résistance qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui, car nous ne sommes pas envahis réellement. La phrase « En d’autres temps, on était plus résistant », est un appel à se questionner nous-même, à quoi résistons-nous aujourd’hui ?
Et bien je vous pose alors cette question Axel ?
Le mot est déjà très vaste… On peut résister à sa gourmandise par exemple, comme on peut résister à un envahisseur. Il y a différents seuils de gravité. Comme il n’y a pas d’envahisseur physique aujourd’hui, je dirai que nos résistances sont intérieures, nous résistons contre nous-même. C’est ce nous-même qu’il faut repenser. C’est donc soi-même qu’il faut combattre, pour définir à quoi je dois résister. La résistance permet d’arriver à soi ! C’est parce que l’on résiste à nos mauvais penchants que l’on devient meilleurs.
Cette même question posée dans la chanson, prend une lumière un peu différente, du fait de l’actualité brûlante avec la guerre en Ukraine… Tout d’un coup ces messages que mon père à ré enregistré comme « 550ème jour de la lutte du peuple français, pour sa libération » fait écho au peuple ukrainien. Cette chanson « Ici Londres », je l’entend comme un chant d’unité !
Comment s’est passé la composition et l’ensemble de l’enregistrement du disque ?
Bien évidemment le Covid nous a obligés à nous adapter, suite aux différents confinements, qui remettaient à demain l’organisation des plannings de travail. Le Covid a retardé les enregistrements, pour ma part, nous avons perdu un an. J’aurai pu sortir le disque un an plus tôt. Le travail de composition est pour moi dans la continuité, donc j’écris tout le temps. Je jette des idées soit sur un dictaphone ou sur mon portable, ensuite je fais le tri. Les confinements m’ont poussé à être davantage présent sur les réseaux sociaux, pour faire des lives. Nous avons enregistré cette version de « Kashmir » de Led Zeppelin avec 29 musiciens, j’ai également fait cette reprise des « Mots bleus », quand mon ami Christophe est parti.
Cette période un peu particulière vous a donc finalement contraint à produire du contenu beaucoup plus rapidement ?
Complètement ! Ça a été un véritable enseignement et c’était très intéressant. Le challenge était de faire des mini concerts chez soi. J’essayais de créer un environnement avec des lumières et des effets visuels, pour revenir à ce que nous vivons dans les concerts, et créer une ambiance de spectacle.
En 40 ans de carrière, quelle est aujourd’hui votre vision de l’industrie musicale à l’ère du numérique ?
L’industrie musicale se sert des réseaux sociaux comme outil numérique de propagande du travail des artistes. L’industrie musicale a changé dans le sens où l’on demande plus aux artistes aujourd’hui qu’au début de ma carrière. Pour les artistes émergents, on leur demande d’augmenter leur « fan base », de travailler sur leurs réseaux, d’avoir des vues sur leurs clips vidéos etc… Les artistes d’aujourd’hui, ont conscience qu’ils doivent être multi tâches et doivent maîtriser tous les processus de la chaîne de création. Ce qui est extrêmement intéressant ! Avant, les artistes étaient accompagnés par leur maison de disques dans chaque étape, que ce soit les clips, les albums, les tournées.
Céline Dehédin