Cela faisait 10 ans que nous attendions le retour du groupe Astonvilla. Après l’album “Joy Machine” sorti en 2014, le groupe fait une pause. Le premier mars 2024 sonne enfin leur retour et de la plus belle des façons ! Leur nouvel album “Superspectives” est une vraie réussite. Interview.
Astonvilla existe depuis 1996, et afin de parler de votre parcours je te propose de passer en revue vos différents albums et que tu me dises quelques mots sur chacun ? On commence avec le premier album “Astonvilla” sorti en 96.
C’est un album où il y a eu beaucoup de moyens, nous étions chez BMG à l’époque et nous avions avec nous Renaud Létang à la réalisation, qui a fait entre autre des albums pour Manu Chao, Philippe Katerine, Jeanne Added pour ne citer qu’eux, et la production de ce premier album est tellement énorme qu’elle sert de référence dans les auditoriums qui vendent du gros matériel Hi Fi, j’ai vraiment beaucoup de fierté sur cet album au niveau de la production.
Il était très rock, plus que les suivants.
Oui, nous étions en pleine période grunge avec des groupes comme Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden. Nous étions très influencés par tous ces groupes.
“Extraversion” sort en 1999.
C’est un changement de label chez Sony, là nous commençons à insérer un peu de texture électronique, c’est toujours la même équipe, toujours le même line up, je trouve que c’est un très bel album avec des titres comme “L’âge d’or” notamment,
Nous arrivons en 2002 avec l’album “Strange”, où vous changez un petit peu d’univers.
Oui, là encore nous avons changé de maison de disque.
Cela a donc été compliqué et pas de tout repos votre parcours avec les labels.
En effet, cela n’a pas été de tout repos mais ça fait parti du jeu, car quand tu ne vend pas assez de disques tu te fais gentiment remercier par les maisons de disques. Et là, nous arrivons chez Naïve, ca va durer une dizaine d’années, puisque juste avant “Strange” nous faisons un live acoustique qui remporte une Victoire de la musique.
Et qui remet en avant votre titre “Raisonne” qui était sur le premier album et qui va devenir votre tube.
Oui complètement, et dans la foulée nous sommes dans l’écriture des Strange qui sort la même année, donc la il y a un changement de line up, il y a les frères Muller, Nicolas à la guitare et Laurent à la batterie, et la c’est vraiment une période grâce aux Victoires de la musique où on est à l’apogée du groupe.
2005, “De jour comme de nuit”, probablement mon album préféré d’Astonvilla.
Je pense que moi aussi. Il y a des petits nouveaux qui arrivent, comme Greg Baudrier à la batterie, Manu Baroux à la guitare. C’est un album enregistré par Daniel Presley, qui a fait entre autres Dionysos, Cali, et on enregistre aussi en Angleterre. Nous aimons bien enregistrer en Angleterre comme le premier album. Il y a un son massif et à la fois on explore encore des choses et c’est tout l’intérêt de faire des albums, de se réinventer. A chaque album tu veux faire ce que tu n’as pas fait sur le précédent.
Il y a ensuite un gros silence entre 2005 et 2014 pour revenir avec “Joy Machine”, mais c’est aussi parce que tu as monté ton propre label.
Nous avons monté notre propre label parce que c’est compliqué de sortir des maisons de disques, contractuellement parlant. Avant “Joy Machine”, il y a un live électrique, qui nous permet d’alimenter notre discographie. Nous avons fait le chemin inverse avec Astonvilla, nous commençons avec des grosses majors et nous finissons par être indépendants. Nous avons fait “Joy Machine” vraiment “home made”, seuls aux commandes. Et comme il s’est écoulé du temps entre “De jour comme de nuit” et “Joy Machine”, j’ai envie que la voix soit bien mise devant, je chante différemment. J’ai perdu des octaves, je n’ai plus envie d’hurler comme au début. C’est un album où il y a beaucoup de poésie. Je m’approche du parlé-chanté, spoken word, comme sur “Manhattan” et il y a des titres qui sont énormes comme “Roule vite”, que nous jouons toujours sur scène aujourd’hui. C’est un album qui ne rencontre pas le succès, qui déstabilise un peu nos fans mais c’est pas grave car c’est aussi ça être un artiste. Tu fais ce qui te plaît quitte à décevoir les gens.
Le dernier album “Superspectives”. Pour démarrer j’aimerais que tu me parles de cette pochette très colorée, on y trouve plein de choses.
Magnifique pochette, je pense que c’est la plus belle pochette de notre discographie. Je n’avais pas envie de mettre nos tronches. J’avais envie de quelque chose qui fasse œuvre d’art et influencé par un peintre hollandais du XV ème siècle, Jérôme Bosch, qui a fait un triptyque qui s’appelle « Le jardin des délices » qu’on peut aller voir au musée du Prado à Madrid. Pour la pochette, nous avons fait appel à Yann Orhan, qui est un grand photographe, concepteur de pochettes. C’est la première invitation à écouter l’album.
On retrouve dans cet album le “spoken word” dont on parlait tout à l’heure, plus même que sur les précédents albums.
C’est devenu naturel aujourd’hui, je n’avais plus envie de chanter comme avant, je n’avais plus envie de parler de poésie sociale, alors j’ai zoomé sur quelque chose de plus universel, le parle d’une histoire d’amour qui prend l’eau, c’est un album qui s’adresse à une femme, c’est un album qui est un manifeste de résistance, on ne veut pas que cette histoire prenne l’eau, on ne veut pas que ca se termine, mais on sait que c’est la fin.
Musicalement c’est très varié, c’est pop, rock, électro, entre autre dans “Beat génération”. Il y a toujours cette envie de toucher à tout et ne pas être simplement un groupe de rock.
Oui, c’est toujours cette envie d’essayer des choses que l’on a pas essayé précédemment. Et après 10 ans de pause entre “Joy Machine” et “Superspectives”, je suis dans un état d’esprit où je reviens complètement neuf. Je me dis qu’il faut oublier tous les réflexes d’écriture et de composition, repartir à zéro comme si nous étions un jeune groupe.
Dans le titre “Superspectives” j’aime beaucoup la phrase “Je cours sur place pour ne pas tomber”, une sorte de feinte pour ne pas arriver à cette fin d’histoire ?
Exactement. C’est un peu absurde mais on montre à l’autre qu’on se débat dans ce monde chaotique et on se ment un peu à soi même finalement. Il faut tenir le coup, alors oui on court sur place pour ne pas tomber.
“Splendore evolution” parle de l’image qu’on véhicule et du vieillissement.
C’était une façon de répondre à “Raisonne” où ça commence par “Je suis tellement jeune et belle…”. Aussi à “Splendore evolution” par “Je suis vieille, moche et tout se casse la gueule”, et l’invisibilité qui est le sujet de cette chanson. En tant que personne handicapée, je me sens invisible parfois.
C’est le tout début de la tournée, tu penses qu’elle va vous emmener jusque où ?
Nous sommes vraiment au tout début. Je pense que nous allons au moins jouer jusque fin 2025.
Est ce que le prochain album viendra avant 10 ans ?
(Rires) Oui, en plus j’ai co fondé un label avec un mec génial sur la Rochelle. J’ai quitté Marseille où j’ai vécu pendant 20 ans, mais il me fallait encore la mer. C’est un label qui a des moyens, on a la perspective de signer plein d’autres artistes, faire d’autres disques, des albums solo, des collaborations … Il y aura plus à attendre la fin d’une tournée pour sortir un prochain album.
Franck Inizan
Photo : Yann Orhan.