Le 22/05/2024 au Plongeoir / Espace Culturel Altitude 500 – Grasse (06).
Le Cri Du Caire, d’ores et déjà considéré comme une référence dans un style à nul autre pareil, nous faisait le privilège d’une prestation à couper le souffle. Le Cri du Caire, c’est la fusion sacrée d’une voix, Abdullah Miniawy, un saxophone, Peter Corser, un violoncelle, Karsten Hochapfel, et, à l’occasion, une trompette jouée de manière alternative par Erik Truffaz et Médéric Collignon.
Groupe dont le talent fit s’ouvrir les portes des Victoires du Jazz 2023, dans la catégorie
“Album Musique du Monde”, avec la sortie de leur disque éponyme, Le Cri du Caire offre une lecture sacralisée d’une rencontre entre un chant lancinant, incantatoire, plongeant dans les racines du mystique, et d’un jazz libre, décomplexé des règles établies et s’épanouissant en envolées vertigineuses. Chorégraphie dotée d’une liberté féline dans ses mouvements, d’une sensualité féminine dans son interprétation, partition baignant dans un écrin brillant, accessible et insaisissable à la fois, la spiritualité musicale qui se dégage du concert ne laisse aucun auditeur insensible.
Abdullah Miniawy, chanteur, écrivain, poète, slameur et étudiant issu de la ville oasis d’El-Fayoum, agite la scène et les réseaux sociaux par sa voix transcendante. Dans son univers, Abdullah enrichit son expérience artistique par des mélanges uniques d’électro, de jazz et de soufisme, à la fois punk, psychédélique, séculaire et avant-gardiste. Un show exceptionnel, Le cri du Caire est à la fois le cri du cœur et le cri du corps s’exprimant simultanément à l’unisson.
Tout le long de la prestation, le trio électrise jusqu’à faire étinceler l’atmosphère. Le spoken
word se lie à la poésie soufie saupoudrée de jazz derviche sur fond de cadences baroques.
Les artistes jouent en alternant prouesses techniques et espiègleries enfantines. Les rôles
s’inversent, saxophone devenant rythmique, violoncelle battant la mesure à l’instar d’une
percussion.
Le Cri du Caire contrôle ses expérimentations, surprend, inspire et respire l’originalité.
L’intensité emplit l’univers dans lequel les trois musiciens tournent les uns autour des autres. Le public est entrainé dans la ronde. Le temps perd sa dimension au profit d’une durée recalculée par les chansons langoureuses, mais aussi, parfois, par le sentiment d’urgence insufflé par le saxophone.
Plus qu’une simple musique, Le Cri du Caire raconte une histoire, celle d’une tradition
évoluant au gré d’une modernité assumée. La communication ne dépend plus du langage,
les sons parlent d’eux-mêmes. Le génie se dissimule dans l’association de la simplicité et de la dextérité. Un concert vibrant, chaleureux, doux et remuant à la fois, rencontre entre la magie d’un héritage remontant aux origines perses et la légèreté d’un jazz résolument contemporain.
Aurélie Kula
Crédit photo : Jacques Lerognon