#NVmagLive Report
Le 20/07/23 – place de l’Avenir & Carrières du Bon Temps – Junas (30)
18h, c’est le groupe de Noé Clerc qui joue sous les feuillus de la place de l’Avenir. Le trio, formé en 2018, est lauréat Jazz Migration. L’accordéoniste est accompagné d’une paire rythmique jeune mais de haut vol. Clément Daldosso à la contrebasse joue dans le quartet de Giovanni Mirabassi, Elie Martin-Charrière tient les baguettes derrière Robinson Khoury ou Julien Alour. On sent poindre (accordéon oblige) un brin de musette mais ils s’en échappent vite pour jouer un jazz moderne. Une musique de voyage qui nous emmène jusqu’en Arménie pour un très belle adaptation d’une chanson folklorique.
21h, aux Carrières du Bon Temps, le festival invite Daniel Humair dans une formation presque inédite. Le tromboniste suisse Samuel Blaser rejoint l’équipe habituelle du batteur, Vincent Lê Quang aux saxophones et Stéphane Kerecki à la contrebasse. Les vitraux du temple du village de Junas ont été -il y a dix ans- dessinés, créés par le batteur qui est aussi, comme chacun le sait, peintre. Comme nous l’a confié Daniel Humair quelques moments avant le concert, ils n’ont pas de setlist prête, ils jouent à l’inspiration, au feeling ! Mais bien sûr cela commence par un roulement des baguettes sur le tom basse avant l’entrée du soprano de Lê Quang. Nous aurons les trois parties de « Amalgame », un thème co-écrit avec le pianiste Joachim Kühn que Humair admire depuis longtemps. Quelques beaux dialogues basse-batterie, puis le trombone s’infiltre, s’impose. Comme ils ne manquent pas d’humour, ils reprennent le fameux « Les Oignons » de Sidney Bechet mais dans une version à 7 temps, malicieusement rebaptisés “Les échalotes”. Un tube de Sinatra sera aussi revivifié un peu plus tard avec un surprenant duo cymbales-trombone. Samuel Blaser est à la fête, il est chargé ensuite de jouer le fameux solo de « High Society » écrit en 1901 pour la clarinette de Alphonse Picou. Ils finissent par « Drum thing 2 », très beau thème où Monsieur Humair, 85 ans, nous montre qu’il a encore une énergie et une envie de jouer inextinguibles.
Il est presque 23h quand le trio « Jokers » prend place sur la scène plongée dans le noir, éclairée seulement des trois figures géométriques placées derrière eux (triangle : Vincent Peirani, accordéon ; hexagone : Federico Casagrande, guitare ; carré : Ziv Ravitz, batterie). Jokers, c’est un peu de rock qui s’instille dans le jazz de Junas mais pas seulement, les influences de l’accordéoniste sont multiples, il fait peu cas des carcans de toutes sortes. Pour preuve c’est par le mélancolique « Twilight » qu’il débute avec un jeu de guitare presque soyeux. Il ne le reste pas longtemps, « Salsa Fake » suit. Fausse salsa mais vrai morceau de bravoure avec une batterie qui s’emballe. Le set continue, alternant les ambiances, les rythmes. Federico Casagrande pousse le volume et la distorsion, les sons fusent de sa guitare puis Peirani embouche un accordina pour une berceuse. Après un long set, ils finissent par non pas un mais deux rappels très enlevés. Une version de « Dream Brother » de Jeff Buckley qui commence calmement, suivie par une autre reprise, « River » de Bishop Briggs, presque hallucinée qui finit dans des fracas de son. L’accordéoniste revient seul avec son accordéon pour un moment d’intimité avec le public. Magique presque tendre.
Jacques Lerognon