#NVmagLiveReport
Du 21/06/19 au 23/06/19 – Clisson (44).
Rarement un festival aura autant su défrayer la chronique et soulever les passions. Il faut bien l’admettre, chaque année, en France comme à l’étranger, l’insatiable notoriété du nom « Hellfest » étend de plus en plus son emprise dans l’univers des manifestations culturelles. Que l’on soit supporters, détracteurs ou bien mêmes néophytes en la matière, le Hellfest sait faire parler de lui. Un temps méconnu, puis craint, maintenant considéré comme le pèlerinage incontournable des aficionados de la musique extrême et des sensations fortes, le Hellfest gagne irrémédiablement en capital sympathie. Elu plusieurs fois « Festival de l’année » par le grand public, plébiscité par-delà les frontières, allant même jusqu’à bénéficier, depuis plusieurs années, d’une météo des plus clémentes et ce malgré une implantation au sein d’un département plus connu pour son ciel pluvieux que pour son ensoleillement, tout semble sourire à cet évènement gigantesque qui, en ce premier jour d’été, souffla cette année sa quatorzième bougie.
Pourtant, il aura fallu, à Ben Barbaud (NDLR : fondateur du Hellfest) et à toute son équipe, de l’endurance et de la pugnacité avant d’en arriver à cette première marche du podium. Et si la mécanique du rouleau compresseur qu’est le Hellfest semble si bien huilée aujourd’hui, il est important de souligner que l’aventure connut bien des déboires à ses débuts. Aussi l’association Hellfest Productions ne peut qu’être légitimement fière des données ahurissantes qui caractérisent cette, tant convoitée, messe annuelle. Une surface d’activité qui se rapproche de plus en plus chaque année de celle d’une ville, avec 14 hectares pour l’espace concerts seulement, 180.000 festivaliers, 159 groupes répartis sur 6 scènes (NDLR : sans compter les concerts donnés sous la tente du désormais très attractif Metal Corner), plus de 1500 techniciens, 3500 bénévoles, etc…
Le Hellfest c’est aussi une multitude d’animations annexes, en ville, au sein des campings, sur l’espace VIP, un Extrem Market ouvert jusque tard le soir pour permettre à chacun de s’équiper en guitares, bijoux, disques et vêtement à l’effigie de son groupe préféré. Tatouages, piercings, barbiers, expositions artistiques, démonstrations de matériel musical, concours d’Air Guitars, motos, bars à muscadets, food-trucks par dizaines avec possibilité de déguster les huitres fraiches péchées sur la côte proximité le matin même, bref, il semble que chaque édition de ce vertigineux festival mette un point d’honneur à se targuer de l’apparition de nouvelles sensations à la disposition des festivaliers. Ben Barbaud le mentionnera d’ailleurs très bien durant son inévitable et très attendue conférence de presse dominicale, tout est étudié et élaboré chaque année dans le but de surprendre et ravir le public. Mission remportée, une fois de plus, haut la main.
La principale nouveauté cette année consistait en l’ajout d’un quatrième jour de spectacles avec la présence du célèbre Knotfest sur les deux scènes principales du Hellfest, le jeudi précédant l’ouverture officielle des festivités. Résultat, 10 formations musicales supplémentaires étaient proposées aux fans s’étant munis de ce pass supplémentaire. Emmenés sous les couleurs du gigantesque Slipknot, les groupes Amaranthe, Sick Of It All, Ministry, Behemoth, Powerwolf, Amon Amarth, Papa Roach et Sabaton permirent à 30.000 spectateurs, environ, de bénéficier d’un tour de chauffe des plus impressionnants afin de s’assurer d’une bonne préparation des cervicales avant le début des hostilités. Interrogé sur le sujet lors de sa conférence de presse, Ben Barbaud expliqua que le Hellfest n’avait, à ce jour, pas la vocation de devenir un festival sur quatre jours et que la présence du Knotfest, cette année, relevait aussi bien de la coïncidence que de l’amitié qui le liait aux promoteurs de show itinérant et aux groupes qui le composaient. Fait notable également, un encombrement de la ville de Clisson, et de ses alentours, massivement visible dès le mercredi après-midi.
Le Hellfest jouit depuis longtemps maintenant, d’une organisation hors-pair. L’application Hellfest, déployée sur tous les types de smartphones plusieurs mois avant le début du festival permet aux festivaliers de découvrir les artistes à l’affiche tout en éditant leur running order avec la mise en service d’alarmes anticipant le début des concerts quelques minutes avant leurs intros. L’utilisation d’un système dit « Cashless » offre la possibilité de régler pratiquement l’intégralité de ses dépenses sans utiliser de cartes de crédit ou d’espèces entre les murs du festival. Un service d’ordre rodé, appuyé de tourniquets, permet de fluidifier les mouvements de foules arrivant sur le site tout au long de la journée. La sécurité est, de toutes évidences, une priorité pour les membres de l’association Hellfest. Il apparaît évident d’ailleurs que celle-ci ne laisse la place à aucun compromis.
Ainsi donc, c’est sous un soleil resplendissant qu’allait s’ouvrir, sous les meilleurs augures, la scène de ce théâtre enflammé aux allures post-chaotiques en ce vendredi 21 juin. Trois jours embellis par une programmation des plus séduisantes. Des têtes d’affiche aux renommées sulfureuses et… Et pourtant, c’est dès l’aube que la nouvelle, qui allait entretenir les débats les plus sulfureux tout au long du weekend, tomba, simultanément, sous toutes les tentes. Un léger tintement, provoqué par l’application Hellfest, qui allait faire couler beaucoup d’encre… Manowar, dont la prestation annoncée, en avant-première, à l’issue de l’édition précédente, par le bassiste du groupe, Joey DeMaio en personne, annulait leur concert pour des raisons indépendantes de la volonté du Hellfest. A partir de cet instant, les rumeurs allèrent bon train. Et c’est bien de rumeurs dont il s’agit puisque Ben Barbaud, lui-même, se refusera, avec toute la courtoisie que le public lui connaît, à tout commentaire lors de son échange avec les médias l’interrogeant sur le sujet. La fête devait elle en être gâchée pour autant ? C’eût été mal connaître la réactivité légendaire d’une équipe programmatrice de concerts aussi bien préparée que celle du Hellfest. Quelques heures plus tard, l’information rassurante et exaltante tombait, les suédois de Sabaton, qui avaient joué en dernier, la veille, lors du Knotfest, et qui étaient restés pour, justement, applaudir Manowar sur scène, se proposaient d’honorer le créneau rendu disponible suite à la défection du groupe mythique américain. Un geste qui leur valu un gain de respect extraordinaire de la part des festivaliers, spécialement lorsque ceux-ci découvrirent que c’est avec la voix brisée que le chanteur fit son entrée sur scène. Tenir une heure trente dans ces conditions relevait de la performance et c’est avec le support vocal de ses musiciens que Joakim Broden assura le show.
Dès le jeudi, comme à son habitude, le festival invitait plusieurs groupes de 14h30 à 1h du matin au Metal Corner, avec cette année à l’affiche Display of Power, les niçois déjantés Joe la Mouk, Destiny, Primal Age, Visible, Void, Infinityum, Wild, Hard Mind, Argue…De quoi mettre la bière à la bouche des festivaliers.Pour le reste du Vendredi, tout se déroula sans accroc et si l’affiche de ce 21 juin étaient caractérisée par l’éclectisme des styles de musique métal représentés, le tour de force des programmateurs fut la présence continue de groupes français sur la Mainstage 2 toute la journée. Fallen Lillies (NDLR : groupe récompensé par le privilège d’ouvrir le Hellfest après avoir remporté le « Tremplin Voice Of Hell »), Klone, Blackrain, Lofofora, No One Is Innocent, Dagoba, Ultra Vomit, Mass Hysteria et enfin Gojira, autant de performances géniales, autant de show magnifiques, la présence de nouveaux écrans géants phagocytant littéralement les scènes donnaient aux concerts des allures de grands spectacles. A noter également les très remarquées prestations de Trollfest, Impaled Nazarene et King Diamond sur la scène Temple (NDLR : scène généralement réservée au black metal et à ses dérivés), les réalisations ultra millimétrées de Sonata Artica, Godsmack, Demons & Wizards, Dream Theater et Dropckick Murphys sur la Mainstage 1. Sous la chaleur de la scène Altar (NDLR : espace de prédilection pour le death metal), les performances de Kvelertak et Carcass, tandis que la Warzone et la Valley se partageaient les très richement représentées scènes punk/hardcore du stoner. On pouvait y retrouver des formations telles que Stinky, Valley Of The Sun, The Dwarves et leur show ultra énergétique, My Sleeping Karma, Me First And The Gimme Gimmes, Graveyard, Hank Von Hell (NDLR : ancien membre de Turbonegro), les légendaires Fu Manchu et les canadiens de Sum 41.
Il ne fallait pas s’attendre à pouvoir se reposer lors du deuxième jour du festival. Le samedi était placé sous le signe de l’exubérance avec les têtes d’affiches Kiss, Def Leppard, ZZ Top et Within Temptation. Et en accompagnement, des formations non moins connues de par les festivaliers, Koritni, Skindred, Cypecore, Wolfheart, Richie Kotzen, Fever 333, sans conteste l’une des grosses surprises de cette édition 2019, Eisbrecher et leur metal industriel allemand extrêmement accrocheur, un show surpuissant avec, en dédicace au groupe suédois de rap métal, Clawfinger, une reprise partielle de la chanson Nigger, les toulousains de Punish Yourself et leur concert très coloré, les punks hyper actifs de Böhse Onkelz, Mad Sin et leur psychobilly, Moonspell et leur metal lusitanien, Combichrist dans une apparition magistrale, The Ocean, les indétrônables Wampas. La splendeur du death mélodique scandinave était représentée, cette année, par Dark Tranquility avec un set en tout point parfait, les japonais du groupe Envy donnèrent à un public massivement présent, un vrai retour dans le temps avec une prestation qui n’était pas sans rappeler celle de leur tout premier passage au Fury Fest, au Mans, en 2005, Craddle Of Filth nous gratifia d’un concert mémorable avec, entre autre, une véritablement visible cohésion scénique retrouvée au sein du groupe britannique, le super groupe Bloodbath (NDLR : alliance de membres des groupes Opeth, Katatonia et Paradise Lost) excella une fois de plus. Sans oublier le concert mémorable des suédois Cult Of Luna du côté de la Valley. Enfin, les trois groupes clôturant cette journée, Architects, The Sisters Of Mercy et Le Bal Des Enragés, remplirent à la perfection leur mission : conclure ce samedi en laissant les festivaliers repartir vers leurs tentes, des lumières plein les yeux…
Chaque année, c’est le Dimanche matin que l’on dresse les premiers vrais bilans physiques du festival. La fatigue est là, la chaleur n’aide pas. On compte, ici un abus d’alcool, là un excès de crowdsurfing, un peu plus loin une victime d’overdose de wall of death… Mais le métalleux, comme le fan de musique extrême aime être identifié, est un concentré de ressources. Et dès les premières notes jouées, la clameur retentit ! Dernière ligne droite, pas de place pour la baisse de rythme. Habitué, pour ne pas dire abonné, aux ouvertures matinales du Hellfest, Municipal Waste donna le la sur la Mainstage 2, en trente minutes, l’énergie est réinsufflée à toutes les colonnes vertébrales présentes sur le site à midi et quart. Revocation enchaine avec un métal très rapide, très technique. La présence de Trivium cette année encore ne laissait aucun doute quant au lien sentimental existant entre le groupe et le public du Hellfest. Très bons shows des américains de Clutch et de Stone Temple Pilots, lesquels étaient venus tout spécialement nous présenter leur nouveau chanteur, successeur du très regretté Scott Weiland. Revenu nous faire partager sa bonne humeur et son amour pour le Hellfest, Phil Anselmo et ses compatriotes The Illegals, donnèrent un concert très apprécié par leurs fans. Jouant simultanément, Lamb Of God et Emperor offrirent un choix cornélien quant à la route à prendre. Tout au long de la journée, Death Angel, Testament et Anthrax, représentant emblématiques du style trash metal, maintinrent les festivaliers dans l’attente de ce qui se devait être un des évènements majeurs de cette édition 2019. Car il fallait être là, cette année, pour rendre hommage au groupe Slayer qui effectuait sa dernière tournée en France. Un concert magnifique, intense, brutal, rythmé, enflammé, appuyé par une utilisation soutenue des écrans géants projetant les images du groupe surplombant la foule. Un show parfait et tout particulièrement émouvant, l’ovation faîte à Tom Araya par la foule venue se tasser devant la Mainstage 2 fit monter les larmes aux yeux du leader du groupe légendaire lors de ses derniers mots prononcés avant sa sortie de scène « Vous me manquerez… ». Il fallait un groupe épique pour poser la dernière pierre de ce Hellfest mémorable, un groupe qui, par sa simple présence, pouvait résumer l’intégralité de ces trois jours de pure magie. Tool. A lui seul, le nom de ce groupe éveille tous les phantasmes, du mystère accompagnant cette formation californienne, au style inclassable de sa musique, en passant par le charisme quasi christique de son frontman Maynard James Keenan (NDLR : chanteur également des groupes A Perfect Circle et Puscifer), Tool était le groupe attendu depuis plus de dix ans sur les terres françaises. Et l’attente fut amplement récompensée. Un final parfaitement magnifié, une ambiance hypnotique, des images psychédéliques, issues de l’univers du groupe, projetées sur écrans géants durant tout le show, un choix de morceaux interprétés des plus judicieux. La perfection.
Puis vint le moment tant redouté, du dernier tombé de rideau. Redouté mais porteur de la promesse d’une renaissance. La dernière note jouée laisse, à chaque fois, inévitablement, le festivalier s’enfoncer dans cette mélancolie, dans ce Hellfest Blues qui perdure un peu plus chaque année. Dieu merci, la communauté de ce festival à nul autre pareil vit et reste active entre deux éditions. Le métalleux n’hiberne pas. Et même si, cette année, aucun pass ne fut proposé en prévente comme cela était devenu l’habitude les années précédentes, il était évident, à la lecture des visages se dirigeant vers la sortie à la lumière des flammes s’élevant des buchers géants, que le Hellfest 2020 se préparait à être, une nouvelle fois, une brûlante réussite.
Aurélie Kula