FESTIVAL AUCARD D’HIVER

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Du 28/02 au 01/03/2025 au Soleil et au Point Haut – Saint-Pierre-des-Corps (37).

Une première édition réussie

En cette fin glacée de février, un vent brûlant soufflait sur le complexe « Soleil / Point Haut » de Saint-Pierre-des-Corps. Pour sa première édition hivernale, le festival Aucard d’Hiver transforma littéralement la rudesse du froid extérieur en une effervescence volcanique. Pari audacieux pour l’association Radio Béton, déjà forte de 40 ans d’existence avec son emblématique festival Aucard de Tours, mais largement relevé grâce à une organisation rodée et un public conquis, le tout diffusé live sur les ondes 93.6 FM, sur place, par les animateurs de la radio.

Derrière cette déclinaison hivernale se cachait l’envie de proposer un rendez-vous festif et fédérateur dans une période creuse, où l’offre culturelle se fait traditionnellement plus rare. Pourtant, pas question de céder à la morosité hivernale. Dès l’entrée, le ton est donné par le dressing code : combinaison de ski, bonnets, gants et moon boots, les festivaliers jouent le jeu et plongent dans un univers montagnard décalé. La commission décoration avait redoublé d’imagination, transformant le Point Haut en une véritable station de ski. Dans la cour, un traîneau lumineux construit par l’IME attire les curieux désireux d’immortaliser leur passage, tandis qu’à l’intérieur, l’atmosphère oscille entre village de montagne et dance floor incandescent.

Côté scènes, la direction du festival avait misé sur deux ambiances bien distinctes. La Piste Noire, grand hangar industriel, accueillait les concerts les plus massifs et percutants, tandis que l’Igloo, espace plus intimiste à la jauge limitée (NDLR : 200 personnes), proposait des sets électro pointus dans une ambiance club décalée.

La soirée d’ouverture du vendredi ne tarda pas à embraser l’atmosphère. C’est Dynamite Shakers, jeune groupe vendéen, qui ouvre le bal avec un rock garage survolté. Leur énergie brute et leur fougue juvénile captivent immédiatement l’audience. Un set court, mais intense, où guitares nerveuses et batterie frénétique imposent un rythme effréné. Jeunes, oui, mais déjà indéniablement très matures dans la composition et l’interprétation des titres.

Changement d’ambiance avec Uzi Freyja, ovni musical mêlant trap, electro et une touche de twerk revendicatif. Portée par une présence scénique électrisante, l’artiste jongle entre punchlines acérées et beats lourds. Son humour incisif et son interaction constante avec le public ajoutent une dimension ludique à sa performance, transformant la salle en un chaudron en ébullition.

Mais la véritable surprise de la soirée vient de Jacques, connu pour ses expérimentations sonores et son approche iconoclaste de la musique électronique. Fidèle à sa réputation, il propose un set aussi conceptuel qu’immersif. Sur scène, il capte les sons du quotidien – un froissement de papier, un objet qui tombe – et les intègre en direct à ses compositions électroniques. Après avoir, préalablement, incrémenté des séries de mots dans un programme conçu pour, la machine de Jacques projette des associations de trois mots qu’elle choisit aléatoirement, improvisant ainsi des phrases, à priori, absurdes, mais étrangement poétiques. Alors que les basses résonnent, une pluie de confettis neigeux s’abat sur la foule, transformant l’espace en une tempête festive.

La claque finale de ce premier soir est assénée par les irlandais de Yard. Le trio, qui oscille entre electro-noise abrasive et expérience sensorielles immersives, livre une prestation féroce. Le chanteur Emmet White, charismatique et provocateur, harangue la foule avec des textes mordants sur l’aliénation moderne et l’absurdité du quotidien. Un mur de guitares dissonantes et une rythmique martelée achèvent de plonger la Piste Noire dans une transe collective.

Pendant ce temps, l’Igloo propose une expérience plus détendue, mais tout aussi jubilatoire. Des artistes comme Olkan et la Vipère Rouge, Kaba & Hyas, KasbaH et Vitaline font monter la température avec des sets éclectiques allant de l’électro-world aux sonorités expérimentales. Ici, on danse sans retenue jusqu’au bout de la nuit, emporté par une ambiance intimiste et chaleureuse.

Le samedi soir, malgré le gel extérieur, l’enthousiasme ne faiblit pas. Samba de la Muerte ouvre la deuxième manche avec une énergie solaire. Le trio normand distille un savant mélange de pop, d’électro et de rythmes afro-caribéens. Les mélodies envoûtantes et les percussions organiques invitent au lâcher-prise, et rapidement, la salle se laisse emporter dans un tourbillon dansant.

L’un des moments les plus attendus est la performance de Walter Astral, duo lunaire et psychédélique qui semble tout droit sorti d’un rêve éveillé. Leur univers mystique, porté par des synthétiseurs éthérés et des rythmiques hypnotiques, plonge l’audience dans un voyage sensoriel inédit. Leurs costumes surréalistes et la mise en scène soignée renforcent cette impression d’assister à un rituel cosmique hors du temps.

Puis vient Flohio, étoile montante du rap britannique. Avec un flow pulsé et une présence magnétique, elle enchaîne les morceaux percutants sur des productions futuristes, oscillant entre grime et hip-hop expérimental. Chaque titre est une explosion d’énergie brute, galvanisant un public totalement acquis à sa cause.

La furie continue avec Enola Gay, groupe irlandais qui déverse un torrent de noise-punk décapant. Leur son brut, à la croisée de l’hardcore et de l’industriel, s’abat sur la salle comme une déflagration. Le chanteur, Fionn Relly, possédé, hurle ses textes avec une intensité viscérale tandis que les guitares hurlantes et la batterie martelée ne laissent aucun répit.(NDLR : Joe Mc Veigh à la guitare, Adam Cooper à la basse et Andy Mullan à la batterie). Grosse sensation du week-end.

Pour clôturer ce marathon sonore, la légende de la techno Daniel Avery prend les commandes. Avec un set hypnotique et minimaliste, il fait monter la tension progressivement jusqu’à plonger la salle dans une transe collective. Les basses profondes et les textures vaporeuses enveloppent l’espace, offrant une conclusion magistrale à cette première édition d’Aucard d’Hiver.

Côté organisation, tout glisse comme sur des skis bien cirés. Les bénévoles, omniprésents et souriants, assurent un accueil irréprochable. La restauration, entièrement faite maison, régale les papilles avec des hot-dogs, des huîtres et du fromage fondu à des prix accessibles. Même au bar ou aux toilettes, aucune file d’attente ne vient gâcher l’expérience. Et pour parfaire l’immersion, un petit train touristique assuré par la compagnie Trans Kairos relie les deux sites du festival, ajoutant une touche décalée et pratique.

Côté Soleil, où se trouve le spectacle d’Art de rue de la compagnie du grand Colossal (Théâtre du futur, surréaliste et populaire) et autres performances, l’ambiance bat son plein et assure des préliminaires échaudés aux concerts du Point Haut.

Alors que le rideau tombe sur cette première édition, une chose est sûre : Aucard d’Hiver a réussi son challenge en réchauffant les cœurs et les corps. L’annonce des dates estivales d’Aucard de Tours, du 10 au 14 juin au Parc de la Gloriette, suscite déjà l’impatience des festivaliers. Une première édition qui augure un avenir radieux pour ce nouveau rendez-vous hivernal en Touraine.

Aurélie Kula

 © Maxime Hillairaud

www.aucard-tours.com

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Aurélie Kula
Aurélie rejoint l'équipe de Nouvelle Vague en 2013, en tant que rédactrice. Après plusieurs contributions, elle intègre le bureau du journal au sein duquel elle effectuera les missions liées à sa nouvelle fonction de secrétaire de rédaction pendant plusieurs années, ce qui l'amènera à couvrir beaucoup de concerts et de festivals, comptes rendus et interviews d'artistes de renoms et internationaux. Aurélie est en charge du "Son du jour" sur la page Facebook de Nouvelle Vague, publié tous les jours à 13h. Amatrice de jazz, IDM, dream pop, néo classique et de punk rock (en gros FIP), elle est aussi une grande collectionneuse de vinyles. Ses autres passions sont, à ce jour, la photographie, la littérature, la basse, les arts martiaux et le yoga. A présent, elle travaille en tant qu'assistante de production pour l'influenceur Nota Bene, youtuber spécialisé dans la vulgarisation de l'Histoire et le Gaming.

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