(RCA/Sony)
The Beatles, Bob Dylan, Billy Bragg, Kinks et autres Oasis font encore des émules et ce n’est pas pour nous déplaire. Ainsi, Jake Bugg, jeune britannique doué pour les compositions de haut vol revient avec un nouvel album d’excellente facture. Originaire de Nottingham, il a commencé la guitare à l’âge de 12 ans. Un an plus tard, il composait ses propres chansons. Depuis son premier album éponyme “Jake Bugg” (2012) enregistré à 18 ans, le troubadour n’a eu de cesse de recycler à sa façon le meilleur du pop/rock et du pop/folk lettré des 60’s. On trouve dans ces nouvelles chansons les thèmes de ses précédents opus, les reflets d’une vie où s’entrechoquent les rêves d’une Angleterre des 60’s, les inégalités sociales, le capitalisme qui écrase les classes laborieuses et la réalité embrumée et pesante d’une jeunesse britannique en manque de repères. Pour se forger les siens, Jake Bugg a trouvé refuge dans cette culture britpop des 70’s, 80’s et 90’s. Voilà un excellent songwriter qui a trempé sa plume dans l’encrier des maîtres du genre les Paul Weller, Noel Gallagher, Bob Dylan et autres Beatles dont les constructions harmoniques semblent parfois très proches.
Enregistré au Metrophonic Studio de Londres, “A Modern Day Distraction” est certainement son album le plus cohérent sur le plan stylistique, un équilibre parfait de toutes ses influences canalisées à travers le prisme du rock vintage 60’s. “Zombieland”, “All Kinds of People” et “Waiting for the World” sont des titres au gros son rock, des titres énergiques et fédérateurs où les guitares pleines de reverb rugissent à travers l’ampli à lampes. “Keep on Moving” témoigne d’un bel équilibre entre influences Beatles et David Bowie porté par l’intensité punk de ses contemporains Arctic Monkeys et Miles Kane. Jake Bugg a cette faculté de nous faire adhérer à des titres aux constructions et aux ambiances aussi différentes qu’opposées. On trouve des titres inventifs comme “Breakout” à l’énergie folk et aux guitares hispanisantes, des fanfaronnade brit pop à la Oasis “Never Said Goodbye”, “Instant Satisfaction”, “Still Got Time”, mais aussi des folk song saisissantes “Beyond the Horizon”, “I Wrote the Book” ou “All That I Needed Was You” ballade accrocheuse dans lignée du “Alone Again” de Gilbert O’Sullivan. Cette capacité à faire couler les mots sur la musique, à faire cohabiter des rythmiques rock dur, des basses rebondissantes, des guitares acoustiques à des refrains aériens accrocheurs. Lui possède ce sens inné de la mélodie, ces petites notes qui s’ajustent les unes aux autres et qui vous trottent dans la tête des nuits entières. Le manque est si fort que pour s’en délivrer, il faut mettre et remettre l’album en boucle.
Jean-Christophe Mary