COSMIC TRIP

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Il existe à Draguignan, un endroit hors du temps et de l’espace, une caverne d’ali baba, Cosmic Trip. Temple du vinyle et autres raretés, vous serez aussi très bien accueilli par son gérant Thierry ARNAUD. Rencontre avec une bible vivante …

Bonjour Thierry, peux-tu nous parler de toi ?

Je suis disquaire, un métier en voie de disparition. C’est un véritable sacerdoce, toute ma vie tourne autour des disques (Disquaire, DJ, Chroniqueur), ce qui explique d’ailleurs pourquoi je ne tourne pas très rond ! Je touche à tous les styles, tous les supports. Ma spécialité c’est évidemment le disque d’occasion et de collection. Dénicher la perle rare oubliée, et la remettre en circulation, c’est le graal ultime, mais je fais aussi le disque neuf, en vinyle de préférence. Je me sens plus comme un passeur de sons, que comme un commerçant. La passion est primordiale, c’est de toute façon, le moteur indispensable, sinon mieux vaut faire autre chose. Heureusement, pour faire tout cela je suis bien entouré avec DJ Cosmic, Dr Cosmic et Tonton Cosmic qui me filent un coup de main !

Comment es-tu tombé dans la musique ?

A 15 ans en 1977 à la mort d’Elvis, j’ai entendu « Heartbreak Hotel ». Comme une évidence. J’ai compris que ça ne me quitterait plus. Il y a eu un avant et un après. A partir de ce moment-là, je me suis jeté dans la marmite musicale, je me suis goinfré, comme Obélix. Et depuis je suis comme les Blues Brothers : en mission pour le seigneur ! Un seigneur sans église, qui a la voix d’Elvis, la main gauche d’Hendrix et la droite de Keith Richards, où bien l’inverse, qui joue de la basse comme Lemmy, de la batterie comme Keith Moon, du piano comme Jerry Lee, groove comme James Brown, compose comme Dylan,…Et sort sa bite en concert comme Iggy…. de drôles de paroissiens en fait !

Depuis combien de temps Cosmic Trip existe ?

Cosmic Trip existe depuis 23 ans et 9 mois. (Et presque 20 ans de présence dans Nouvelle Vague !) Quand j’ai ouvert, j’étais un des rare, voire le seul en France, à oser tenter l’aventure dans une ville de cette taille. Depuis, des dizaines, plutôt une centaine d’ailleurs, ont tirés le rideau, mais Cosmic Trip est toujours là, et ça c’est un exploit. J’ai arpenté les routes de France en long, en large et en travers pendant presque 20 ans pour déballer sur des foires aux disques, et je me suis forcément adapté, mais sans vendre mon âme, forcément cosmique, aux sirènes du web qui dévore vicieusement petit à petit tous les petits indépendants. Cosmic Trip vaut mieux que ça. Pas question de servir la soupe aux géants de l’internet. Je me refuse à être le  Prisonnier du numérique… je ne suis pas une adresse IP, je suis un homme libre ! Ha…Ha… ha… !

Es-tu toi-même musicien ?

J’ai été batteur dans un groupe au siècle dernier. On s’est bien marré, mais comme j’ai pour habitude de faire les choses à fond, quand j’ai compris que je ne ferai rien d’intéressant, j’ai préféré abdiquer. De toute façon je cassais le matos à la fin de chaque concert, donc je n’avais plus de quoi continuer !

Quel regard portes-tu sur l’industrie musicale et sur les disquaires indépendants comme toi ?

L’industrie musicale c’est d’un côté, quelques majors cannibales, qui sont à la botte d’Amazon et des sociétés de streaming qui sont d’ailleurs en autres responsables de la mort des disquaires. Elles ne signent plus rien à part s’arracher les gros coups, et se remplissent les poches avec le fond de catalogue. Et d’un autre coté c’est les labels indépendants qui essayent de s’en sortir en surfant sur le retour du vinyle, et en revenant vers le réseau de disquaires indépendants, faute de rentabilité sur le net, mais c’est peut-être un peu tard, il n’en reste plus des masses. Tout le maillage a été détruit depuis 30 ans par les grandes surfaces spécialisées et autres et par internet. Alors effectivement avec ce retour du vinyle, même si pour certain comme moi il n’a jamais disparu, cela permet aux disquaires résistants de se maintenir ouverts, mais pour combien de temps ?… La concurrence d’un internet sans foi ni loi est redoutable. Et il ne faut pas se voiler la face, aujourd’hui la majorité des gens écoutent en streaming ou téléchargent et se contrefoutent du support.

Que penses-tu de l’opération du Disquaire Day ?

Au départ le Disquaire Day est une excellente initiative, déjà parce que c’est le seul moment où les disquaires indépendants sont mis en évidence. Pour une fois qu’une manifestation internationale est réservée aux commerces de proximités et ne concerne pas internet, on ne peut que soutenir. De son côté le CALIF qui organise et coordonne l’événement au niveau national fait un boulot extra. Malheureusement certaines maisons de disques, notamment les majors (encore elles) commencent à profiter de la situation, en augmentant les prix, donc en nous prenant nous, mais aussi le client pour des guignols, ou en créant le faux collector du jour qui va se retrouver par la suite sur internet. Par l’appât du gain alléché les gros qui en sont exclus font tout pour y participer aussi. Si on rajoute que certains disquaires peu scrupuleux, enfreignant l’éthique pour quelques euros, nuisent ensuite à toute la profession. Il va falloir rester vigilant et se battre pour que ce jour-là reste véritablement un jour culturellement exceptionnel et non récupéré par les marchands de soupe.

Comment vois-tu la musique en générale et son évolution depuis les années 60/70 ?

Soyons clair, il y a aujourd’hui une multitude de choses intéressantes, et je suis le premier à suivre l’actualité et a m’en régaler les esgourdes. Mais il faut aussi être lucide, le 20° siècle fut celui de la musique populaire, comme le 18°/19° furent ceux du classique. En un siècle tout a été inventé du ragtime à la techno, mélangé et recyclé, pour certain comme le blues plusieurs fois même, et c’est comme un café repassé plusieurs fois…. A force ça n’a plus de goût. Nos générations ont eu cette chance de profiter de cet âge d’or qui nous a procuré les plus grandes légendes de la musique populaire qui resteront dans l’histoire. Le futur aura autre chose, mais plus de créateurs géniaux. Dans les 50’s, les 60’s le rock était au centre de l’évolution de la société, il l’influait même, comme le punk ou le rap plus tard. Aujourd’hui « le bon son » est de partout, mais son influence sociologique et son importance historique est quasi nulle. L’histoire s’écrit désormais ailleurs. La révolution numérique a tué le rêve musical, et sans rêve il n’y a plus d’espoir de changer la société. Nous sommes encore pour quelques années les témoins de l’apogée d’une culture musicale créatrice de mythes, ce qui ne se reproduira pas. Alors profitons-en. Aujourd’hui il y a, demain il y aura encore des faiseurs, des recycleurs, des mélangeurs, et tous si doués qu’ils puissent être, ils écriront leur histoire, mais plus celle du monde.

Soutiens-tu la scène locale et comment ?

Il y a vingt ans, pour la sortie d’un CD par un groupe local ou régional, j’organisais un petit apéro à la boutique, et j’y conviais la presse. Aujourd’hui tout le monde enregistre, souvent très bien même, mais ça ne crée plus l’événement, et plus grand monde ne lit la presse. Pour un groupe local, le meilleur moyen de vendre son disque aujourd’hui c’est grâce aux concerts, et plus le disquaire. Ce qui ne m’empêche pas de suivre et défendre le rock d’ici. Ma dernière chronique était pour le Cowboys From Outter Space de Marseille, et je prends toujours en dépôt les cd de groupes locaux sans faire de bénéfices.

Céline Dehédin
www.cosmictrip.fr

 

1 COMMENTAIRE

  1. Cosmic trip est le disquaire culte de la région PACA. Une référence notoire pour les discophiles. Longue vie a Thierry!

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