CLARA LUCIANI

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#NVmagZoom#SudEst

Armée de sa voix grave, Clara Luciani revient avec une plume plus que jamais aiguisée. Après avoir dévoilé ses blessures dans son EP “Monstre D’amour”, la marseillaise panse ses maux dans son nouvel album “Sainte-Victoire”. Nous sommes allés à sa rencontre et avons pu discuter de son opus, de culture mais surtout de la femme.

Peux-tu te présenter, qui est Clara Luciani ?

C’est une question existentielle que chaque personne cherche un peu toute sa vie… Mais si je peux me présenter en quelques mots, je dirais que je m’appelle, comme tu l’as dit, Clara Luciani, que j’ai 26 ans et que je suis née à Martigues. J’ai sorti en avril, un album qui s’appelle “Sainte-Victoire”.

Tu as commencé ta carrière, en entrant dans le groupe La Femme, puis tu as formé un duo avec Maxime Sokolinski. Quel a été le déclic pour prendre ton envol ?

Pour moi, c’est vraiment une rupture amoureuse qui s’est mal passée. Elle m’a donné envie et le besoin même, d’écrire des chansons en français mais surtout seule. De toute façon, il n’y avait pas d’autre solution possible puisque ce sont des thèmes tellement intimes et tellement personnels. Je ne me voyais pas les chanter avec quelqu’un d’autre.

Tu ressentais le besoin d’en parler…

J’ai tendance à dire que c’est plus un besoin parce que, vraiment, quand j’ai eu cette rupture amoureuse, je suis restée enfermée dans ma chambre, chez mes parents. Je ne pouvais rien faire d’autre que de composer des chansons. L’écriture a été un vrai remède.

Pour tes débuts sur scène, tu étais toujours accompagnée par de nombreux artistes notamment Raphaël ou Benjamin Biolay. Quelles sont les sensations et les émotions que l’on ressent quand on monte seule sur scène, pour un projet personnel ?

Ça fait bizarre… J’ai tendance à être très stressée et angoissée. C’était très dur pour moi quand j’étais seule sur scène, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui car je suis accompagnée de musiciens. Mais c’est vrai que pendant une année, j’ai fait presque 100 concerts toute seule. J’avais une trouille pas possible parce que sur scène, je me mets à raconter ma vie et à me dévoiler sans pseudonyme, c’est un peu vertigineux.

Ce premier album, tu as choisi de l’appeler “Sainte-Victoire”. Quelle est cette victoire ?

Je l’ai appelée « Sainte-Victoire » car c’est le nom d’une montagne qui se situe à côté d’Aix-en-Provence. Cette montagne apporte un plus au paysage, ça m’a toujours beaucoup touchée, beaucoup plu. Il était important pour moi, de faire un clin d’œil au Sud de la France dont je suis originaire. Puis, il y avait en effet, ce double sens, de suggérer l’idée d’une victoire. Elle est la joie sur ce chagrin d’amour dont je parlais tout à l’heure. C’est aussi une victoire sur la vie en général, de pouvoir sortir un disque.

Tu as écrit « La Grenade ». Cette chanson affiche franchement tes convictions féministes. Est-ce un thème qui te tient à cœur ?

C’est un thème qui me tient à cœur dans la vie de tous les jours, effectivement. Je suis pour l’égalité homme-femme, c’est vraiment un combat qui est important à mes yeux. Par contre, cela n’a jamais été une volonté particulière de le mettre au centre de l’album. Je ne pensais pas que l’on le ressentirait autant mais il doit transparaître d’une certaine façon. J’avais plus envie de parler de mes expériences de femme. Mon idée principale était de faire des chansons féminines plutôt que féministes. Je voulais que l’on ressente que c’était écrit par une femme, parce qu’il se trouve que j’en suis une et que toutes mes expériences sont inspirées de ça.

Qu’est-ce que tu voulais montrer et faire ressentir à ton public avec cet album ?

C’est peut-être un peu égoïste de dire ça mais je ne me suis pas tellement souciée de ce que le public penserait des chansons. C’est quelque chose de tellement crucial pour moi d’écrire, que je l’ai fait dans une volonté de me guérir de certains démons plutôt que de penser à la façon dont le public les accueillerait. Et je pense d’ailleurs, qu’il faut réussir à s’affranchir de ça quand on écrit une chanson parce que sinon, on perd une certaine forme de spontanéité et d’authenticité.

Qu’est-ce qui t’a poussé à parler de ce thème ?

Déjà, le fait que je n’arrive pas à écrire des choses que je ne vis pas. Je ne suis pas capable d’inventer des personnages et des histoires. J’ai très vite été obligée de parler de moi et donc, le fait d’être une femme. J’ai été décomplexée et attirée par le sujet parce que j’ai beaucoup lu Annie Ernaux. En plaçant sa vie au centre de son œuvre, elle aussi, place sa féminité. Cette écrivaine parle beaucoup de ses sensations et de ses expériences très décomplexées. Elle m’a donné envie.

Pourquoi vivons-nous une « Drôle d’époque », comme tu le cites dans une de tes chansons ?

A vrai dire, ce n’est pas très juste comme titre, j’aurais peut-être dû l’appeler « Drôle de monde ». Finalement, je ne crois pas que ça soit une question d’époque. C’est l’être humain qui est fichu bizarrement. Il est à la fois un être très lumineux, très obscure mais aussi très contradictoire. C’est difficile d’être une femme dans tout ça et de répondre aux critères que l’on nous impose. Au-delà, le sort des femmes a toujours été très compliqué. Il n’y a vraiment pas longtemps que l’on a le droit de voter, de prendre la pilule, d’avorter… Le temps d’avant n’était pas forcément mieux pour les femmes. J’espère que celui d’après sera meilleur.

Comment tu te définirais, en tant que femme, dans cette drôle d’époque ou plutôt dans ce drôle de monde ?

J’essaye d’être libre et sincère. C’est peut-être les deux choses qui me tiennent le plus à cœur en tant que femme et au-delà de ça, en tant qu’être humain. Avoir choisi cette vie-là, pouvoir faire ma musique, c’est déjà m’être approchée d’une forme de liberté que j’ai toujours désirée connaître. La sincérité parce que, j’aime les choses avec le moins d’artifices possible, autant dans la musique que dans les relations humaines…

Cet album ou la musique en général ont-ils permis de libérer la grande timide en toi ?

C’est vrai, je ne suis pas très sûre de moi. Mais il faut savoir s’accepter comme on est. Finalement, je suis dans un métier qui autorise très peu cette timidité. Il est un peu de coutume de dire que c’est un métier où l’on doit faire rêver les gens. Du coup, nous devons incarner quelque chose de très solide et c’est aussi plus « sexy » de n’avoir aucune faille… Moi, je n’ai pas envie de mentir donc oui, je suis timide, je ne suis pas sûre de moi et avant de monter sur scène, je suis terrorisée. Par moment, il m’arrive de trembler, d’avoir les larmes aux yeux… Bon, d’un autre côté, je me dis que c’est cette fragilité qui m’a menée à écrire des chansons. Donc, je vis avec et je la dompte (rire).

Et c’est après que tu es libérée…

Sur scène, oui. Au bout de quelques chansons, je commence à me sentir un petit peu mieux mais ça, c’est grâce au public. C’est hyper important pour moi. Quand je les vois passer un bon moment ou encore mieux, quand ils chantent les paroles. Tout de suite, je me dis : « Ah ok, en fait, ça va bien se passer, les gens sont bienveillants… » C’est vrai, quand je n’ai pas ce contact-là, j’ai du mal à m’installer. Ils me rassurent.

Ton public peut-il attendre un nouveau projet ?

Bien-sûr, j’essaye d’écrire de nouvelles chansons dans le but de faire un nouvel album. Je n’ai pas encore d’idée précise de date. Mais voilà, je suis de retour au boulot pour un nouveau disque bientôt.

Avec de nouvelles collaborations ?

J’ai des nouvelles idées en tête, que je rêverais de faire. J’ai toujours voulu faire des duos avec Françoise Hardy, par exemple. Pour le moment rien n’est prévu. Ce sont juste des rêves.

Notre magazine s’appelle “Nouvelle Vague”, qu’est-ce que cela t’évoque ?

(Rires). J’adore le cinéma de Nouvelle Vague. J’ai forcément en tête les images d’Anna Karina, sublime, dans « Une Femme est une femme ». Ça m’évoque aussi Nouvelle Vague, le premier groupe que j’ai intégré. Avec qui, j’ai joué des concerts en Espagne, en Inde et c’était vraiment super. J’en ai eu que des beaux souvenirs. Nouvelle Vague, ça m’évoque que des belles choses.

« Mon idée principale était de faire des chansons féminines plutôt que féministes. Je voulais que l’on ressente que c’était écrit par une femme, parce qu’il se trouve que j’en suis une et que toutes mes expériences sont inspirées de ça. »

Océane Da Silva

Le 26/10/18 au Théâtre des Salins – Martigues (13), le 02/02/19 au Théatre Municipal Des Cordeliers – Annonay (07) et le 5/04/19 à la Garance – Cavaillon (84).

www.difymusic.com/clara-luciani

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