WOODKID

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Il fascine les uns autant qu’il agace les autres. Avec son album grandiloquent, « The Golden Age », Yoann Lemoine, aka Woodkid, est incontestablement la révélation 2013. Avant tout réalisateur de clips, le trentenaire lyonnais ne se destinait pourtant pas à la musique.

 

C’est l’histoire d’un mec réalisateur de clips pour les autres. Un hipster qui cachait derrière barbe et casquette et une voix à la Léonard Cohen. Qui préférait offrir son talent plutôt que de l’exploiter à des fins personnelles. Son apprentissage du piano au conservatoire, il le gardait bien au chaud, privilégiant ses acquis plus récents dans le domaine de l’image. Illustrant en vidéo les musiques de Katy Perry, Taylor Swift, Nolwenn Leroy ou encore Moby, Drake et Yelle. L’objectif n’avait rien de philanthrope : il s’agissait de gagner assez d’argent pour pouvoir financer ses propres créations. Très onéreuses. Et ce, sans avoir à se rapprocher des grandes maisons de disque auxquelles il refuse de faire confiance. Naturellement, Yoann Lemoine n’a jamais abandonné ses premières amours. Son esthétique participe pleinement au projet Woodkid. « Je travaille selon un procédé artistique qui s’appelle en anglais « translation », c’est-à-dire des conversions. Cela consiste à traduire des émotions ou des sons en images et des images en sons. ». Ainsi les percussions sont-elles associées aux monstres de l’enfance. La fumée noire aux cuivres.

 

Buzz toujours, tu m’intéresses

Avant l’album « The Golden Age », sorti en mars dernier, il y eut un EP ett une chanson : « Iron. » Un véritable ovni auquel personne ne s’était attendu, en 2011. Le clip fait rapidement le tour d’internet. Pas une page Facebook, pas un compte Twitter n’y échappe. La classe du clip en noir et blanc ne laisse pas grand monde indifférent. Le défilé martial qu’il met en scène hante les internautes chaque jour plus nombreux à le visionner. Vint ensuite « Run Boy Run ». Intelligemment utilisé pour accompagner Usain Bolt sur la première marche du podium au Jeux Olympiques. Hasard des dates, certes, mais hasard heureux. L’artiste protéiforme n’en devient que plus connu à travers le monde. Propulsé en tête des chart-lists, il prend malgré tout le temps d’élaborer un projet complet. D’étoffer son personnage deux ans durant. « Woodkid, c’est le récit d’un enfant qui s’échappe de son environnement familial pour se créer son identité d’adulte. Un « enfant de bois » qui devient plus dur et se transforme en pierre. »

 

Communication bien huilée

Son succès, l’artiste le doit à une communication bien léchée. Au point que certains croient atteindre l’overdose. Lassés par un marketing aussi ingénieux qu’envahissant. Par des images qui engluent la mémoire. Un « Woodkid bashing » se développe sur la toile. Les détracteurs parlent d’un artiste en bois, voué à répéter inlassablement la même recette. Sans jamais innover après « Iron ». La presse en a-t-elle fait trop sur lui ? Peut-être bien. Car Woodkid incarne le succès à la française, à l’instar de Phoenix. Il alimente le chauvinisme. Contrairement à bien d’autres de ses contemporains, il sait s’exporter. Faire oublier sa nationalité. Alors oui, les élites l’adorent et le font savoir. Lui faisant paradoxalement perdre de sa crédibilité à force de parler de son génie. Yoann a également su s’entourer des bonnes personnes. Collaborer avec ses amis tels que les membres de The Shoes.« J’aime travailler avec des gens que je connais et dont je respecte le travail. »

 

Homo, mais pas trop

En 2012, les tabloïds lui prêtent même une relation amoureuse avec sa grande amie Lana del Rey. Aussitôt évoquée, aussitôt démentie. Et pour cause : il est homo et ne l’a jamais caché. Sa chanson « I Love You » est très clairement adressée à un homme. En concert, il ironise au moment de démarrer ce morceau : «Y a-t-il des filles dans la salle ? Et des garçons ? Bon, alors, les garçons : I Love You». Woodkid ne se revendique pas pour autant militant pour la cause gay. « Je ne suis pas quelqu’un de très politique, je fais plutôt l’éloge de la modération. Je suis ni un pédé réac ni une folle. » Le statut d’idole de la communauté LGBT ? Trop peu pour lui. Il le laisse à Lady Gaga et Katy Perry. Se contentera, lui, de se questionner sur son identité. Et d’intégrer tout cela à son projet.

 

Education religieuse

Si l’enfance de Yoann était rythmée par la religion (messe tous les dimanches, école catholique), il la rejette à l’adolescence, à la découverte de son orientation sexuelle . « Il y avait une forme d’absurdité dans cette croyance. Et puis, j’y suis revenu progressivement de manière plus personnelle, plus mystique ». Restent donc la recherche d’une symbolique, les métaphores, une prétention à atteindre le Sublime. « Stabat mater » en est probablement le meilleur exemple. Le thème religieux habite Woodkid jusqu’à son apparence physique. D’aucuns le comparent… à un rabbin ! Amusant quand on sait que sa mère est d’origine juive polonaise. Qu’il s’est particulièrement intéressé à l’imagerie de l’Europe de l’est dans son travail.

 

Les autres influences

Yoann a, par ailleurs, deux passions peu avouables. Les jeux vidéo, et les bandes originales de film. Il se dit notamment fan du morceau « Pruit Igoe » de Philip Glass. Et du compositeur américain plus généralement. Ces influences-là seront le terreau de sa musique. Car le projet Woodkid, c’est avant tout l’association de diverses lubies. Comment justifier autrement cette fascination pour des sons guerriers ? Les personnages issus de la chevalerie ? Woodkid, c’est une épopée de la vie, utilisant tous les codes du genre. Trop normal, trop banal, Yoann a toujours aimé raconter des histoires. Il admet avec amusement avoir longtemps été mytho. Parce qu’il est si facile de faire gober n’importe quoi aux gens. Aujourd’hui, il a trouvé la clé pour épater la galerie… sans avoir à mentir !

 

« Laisser une trace »

A ceux qui lui reprochent d’avoir composé un album boursouflé, indigeste, il répond aimer « faire des choses démesurées. » Tant pis s’il paraît prétentieux ou rigide. Il assume. Déclare n’avoir jamais prétendu être très rock’n roll. Alors pourquoi en faire autant ? Pour compenser sa petite taille et sa timidité ? Pourquoi pas. Par égotisme ? Plus vraisemblablement. « J’ai toujours eu l’impression que j’allais mourir jeune et qu’il fallait que je laisse une trace puissante et le plus rapidement possible ». Rappelons que pour adhérer au club des 27, il est déjà trop tard. Il faudra trouver une autre porte pour entrer dans la légende.

 

Et après ?

C’est un fait, Yoann aime étonner. En juillet, il lâche ainsi une petite bombe médiatique : les cinq années à venir seront dédiées non à la musique, mais au cinéma. Finis les clips de quelques minutes, il veut désormais se lancer dans le long métrage. Lui qui refuse la facilité veut de nouveau se mettre en péril. Et détresser sa couronne le laurier. Tout est déjà planifié : sa carrière de chanteur devrait arriver à son terme en 2015. Vous l’aurez donc compris, 2014 est la dernière année pour profiter de Woodkid et de sa tournée en France et à l’étranger (il sera présent au cultissime Coachella Festival, notamment). Et s’il fait partie des nominés pour les victoires de la musique 2014, il ne pourra visiblement pas défendre son projet en live, concert à Montpellier oblige. Woodkid a beau être très fort, il ne possède pas encore le don d’ubiquité.

 

Alice Rousselot

En concert le 14/02 au Zenith Sud – Montpellier (34)

www.woodkid.com

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