Encensé par le monde du jazz pour ses interprétations magistrales et son style original puisant ses inspirations dans des ressources aussi diverses que la musique traditionnelle arménienne, le heavy metal, le classique ou la soul, Tigran Hamasyan n’a que 28 ans et sort pourtant ces jours-ci son 7ème album “Luys I Luso”. Rencontre avec un artiste authentique aussi talentueux qu’imprévisible.
Quelle direction prends-tu en ce moment dans ta musique ?
Mon album, “Mockroot”, est sorti en janvier. Depuis, nous avons tourné, la musique a évolué et certains des morceaux ont un peu changé de la version album. C’est de la musique que j’ai composée pour ce trio.
D’où vient ce nom, “Mockroot” [“Moque-racine”] ? Tu te moques des racines ?
Oh non, c’est l’opposé ! Ce sont les racines qui se moquent de nous ! C’est un mot que j’ai trouvé dans le poème d’un ami. C’est un grand poète, un peu plus vieux que moi, il vient de la même ville où j’ai grandi. Nous nous sommes rencontrés à Los Angeles. Il m’a donné un de ses livres et j’y ai trouvé ce mot en arménien que j’ai traduit littéralement parce que j’aimais le mot. Quand nos racines se moquent de nous, quand nous nous éloignons du droit chemin…
J’ai trouvé que c’était ton album le plus schizophrène car il enchaîne dos-à-dos certains de tes morceaux les plus calmes suivis des plus agressifs de ta discographie. Tu es d’accord avec cet adjectif ?
Ouais ! Cet album est personnel. La majorité de mes albums ne parlent pas de choses liées à ma vie. Sur cet album, il y a une chanson dédiée à mes grands-parents, une qui s’appelle “Lilac” sur mes souvenirs d’enfance, … Ce sont des histoires personnelles et certaines sont très lyriques ou peuvent être très agressives.
Est-ce que le trio est la formation idéale pour ta créativité ?
Pas seulement le trio. J’aime garder un équilibre entre différents projets, différents formats: trio, solo, quintet, quartet… J’ai un nouveau projet qui est sorti en septembre, ”Luys I Luso”: des arrangements de musique sacrée arménienne pour piano et chorale, c’est donc un environnement très différent mais je l’apprécie autant que de jouer en trio.
Musicalement, tu as une grande palette d’influences et de façons de jouer, penses-tu que les musiciens d’aujourd’hui doivent s’inspirer d’influences diverses pour pouvoir faire ressortir leur propre créativité ?
Je ne pense pas que “devoir” ait quoi que ce soit à voir avec la musique. Les artistes ne devraient faire que ce qu’ils adorent vraiment et ce qu’ils ressentent qu’ils sont censés faire, pas ce qu’ils “doivent” faire.
D’après toi, qu’est-ce qui permet aux grands artistes de jazz d’autant perdurer dans le temps ?
Je ne sais pas… Pour moi, la chose la plus importante pour un artiste pour survivre est de toujours développer et créer. Pour moi, c’est une règle. Et dès que tu commences à faire attention à ce que les autres disent et que tu fais attention à ta célébrité, c’est là que tu commences à chuter. J’essaie de ne pas y faire attention. J’essaie juste de créer plus de musique et de la donner aux gens.
Est-ce que le groupe Magma fait partie de tes influences, entre leur style vocal et leurs constructions rythmiques imprévisibles ?
Je connais le groupe mais je ne dirais pas que j’ai été influencé par eux, non.
Tu clôtures tes concerts avec pour rappel un morceau de dubstep joué en live pendant une quinzaine de minutes. Où places-tu ça dans ta perspective des choses car ce n’est pas du tout représentatif de ce que tu enregistres sur disque.
J’aime vraiment la puissance de cette musique et au niveau du son, j’adore vraiment. Le dubstep a des liens avec le heavy metal que j’adore aussi et je pense même qu’il a des liens avec la folk; je vois un certain type de musique folk auquel je peux le comparer. Et c’est juste quelque chose que je partage. J’aime l’écouter et j’adore cette sensation.
Christopher Mathieu
Le 21/10 à l’Eglise – Bouzouce (30)
www.tigranhamasyan.com