SISKA

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ZOOM - Siska

Après 15 années d’aventures avec le groupe Watcha Clan, la marseillaise Siska se lance dans un projet solo. Avec son 2ème album « Mauvaise graine », elle ose se mettre à nu et s’assume comme une femme libre.

Tu te livres de manière très intime dans ton nouvel album. Comment se sent-on lorsque l’œuvre sort de soi pour aller à la rencontre du public ?

C’est un moment particulier, mais, pour moi, une fois que les choses sont faites, je les laisse faire leur vie, un peu comme pour les enfants. Même s’il y a quand même un peu de stress, je travaille sur moi, pour arriver à me détacher. Je suis un électron libre, une artiste indépendante, je ne me sens pas appartenir à un courant en particulier. Je suis souvent là où l’on ne m’attend pas, je fais les choses librement, parce que j’ai besoin de les faire. J’y mets tout mon amour, beaucoup de travail et d’intégrité et après, advienne que pourra !

Pourquoi as tu choisi de t’exprimer en français sur cet album ?

J’ai toujours eu du mal à me sentir légitime, en français, même si c’est ma langue maternelle. Mes parents ne sont pas français, donc j’ai l’impression de ne pas avoir vraiment de repères culturels, même si on écoutait du Moustaki, du Brel, du Ferré. Au début de mon aventure solo, j’ai partagé un plateau avec l’artiste Magali Fournier, qui est devenue une amie par la suite. Elle m’a dit : « j’ai des textes pour toi ! ». Je les ai lus et je les ai trouvés absolument magnifiques, avec plusieurs grilles de lecture, beaucoup d’humour décalé. A ce moment-là, vers 2015, je n’ai pas réussi à les mettre en musique. C’est pendant le confinement que tout s’est débloqué, ce moment de pause m’a permis de faire un voyage introspectif. J’ai réussi à digérer ses textes qui faisaient tant écho en moi et les faire miens. Je me suis rendu compte que, si je n’avais jamais chanté en français, c’est que je n’étais jamais tombée sur des textes qui me reflètent aussi bien. Je les ai retravaillés et Magali a été assez ouverte pour me laisser faire. 

Le clip de la chanson « Dans ta peau » est absolument magnifique dans le fond comme dans la forme, comment as-tu vécu le fait qu’il ait été censuré sur Youtube ?

Ce clip, réalisé en 16mm, par Jade de Brito, m’émeut beaucoup et ça a été dur pour moi. Pas au moment même, mais par rapport à ce que c’est venu toucher en moi, cette censure. J’ai toujours été très pudique, je pensais que c’était lié à ma culture, mais j’ai compris que c’est la société qui nous calibre. Je travaille là-dessus, pour moi et pour mes enfants, pour qu’ils aient un rapport plus facile à la sensualité, à l’amour, à leur corps. J’essaie de tirer du positif de cette expérience et de garder cette bienveillance de départ qui dit juste que chacun doit se sentir libre d’être ce qu’il est dans sa propre sensualité. J’aime la manière de filmer de Jade, qui capture sans préjugés tous ces couples qui s’enlacent et qui s’aiment. C’est d’autant plus fort que ces personnes sont des vrais couples dans la vie. (NDLR : le clip est disponible sur Viméo)

Donc la pochette de ton album participe aussi de ce travail d’acceptation de soi ?

Au départ, je ne devais pas du tout me retrouver dénudée. Avec Julie Laugier, qui est la photographe, mais qui est aussi une très bonne amie, nous avons beaucoup réfléchi aux tenues, à l’ambiance. L’idée de cette image est venue d’elle et je lui ai fait confiance. Le rapport au corps peut être compliqué, on ne sait pas vraiment pourquoi on est pudique. Pour moi, je me suis dit que cela venait de mes origines : mon père est Berbère et ma mère est Ashkénaze d’Europe de l’est et ce sont des cultures qui sont pudiques. Je viens des quartiers nord de Marseille, où je me suis toujours mise en jogging, pour ne pas me faire embêter. Avec le Watcha Clan, je n’ai jamais eu envie de me sexualiser, même si ma voix et ma manière de bouger pouvaient être sensuelles. Aujourd’hui, avec le temps qui a passé, j’ai un rapport à mon corps qui est différent et je pense que la pochette est venue au bon moment, en alignement avec mon évolution. 

Qu’entends tu par le terme : mauvaise graine ?

Chacun de nous doit travailler sur soi, c’est le chemin de la vie. Je pensais avoir fait ma part de boulot et être devenue meilleure, plus bienveillante, avoir compris que les petits bonheurs font les grands bonheurs, que la vie n’est pas figée mais qu’elle est comme une vague. Puis, le confinement est passé par là, on ne trouvait plus la liberté au dehors donc il a fallu aller la chercher en dedans. J’ai effectué un voyage intérieur, comme certainement beaucoup d’entre nous. C’est à cet endroit là que je l’ai retrouvée cette mauvaise graine, intacte. Quand j’étais gamine, j’étais la mauvaise graine du quartier du Merlan ! J’étais hypersensible, remplie de colère et de révolte notamment envers l’ultra-consumérisme de notre société. A cette époque, je ne parlais pas, n’extériorisais pas et c’est quand j’ai commencé à faire de la musique que j’ai réussi à canaliser toutes ces énergies. La mauvaise graine c’est celle qui ne se contrôle pas, qui se fout du regard des autres, qui s’énerve fort, qui n’est pas socialement calibrée. Je pensais qu’elle avait disparu, mais elle est toujours là. Donc au lieu de lutter contre elle, aujourd’hui je fais avec elle.

J’ai vu que tu avais fait des études de mathématiques appliquées, un grand écart avec la musique, alors ?

Pour moi, ce n’est pas vraiment un grand écart. Je suis Docteur en économétrie, j’adorais faire de la recherche et parallèlement je faisais de la musique. La musique est un processus : quand je crée, je suis dans mon laboratoire de recherches et d’analyses! Je cherche des sons, des atmosphères, à sortir mes émotions, à lâcher prise. Dans les harmonies aussi, il y a une certaine logique. C’est peut être étrange, mais je trouve que les mathématiques et la musique ne sont pas si loin. C’est lorsqu’il a fallu aller travailler pour quelqu’un, que le chemin de la musique a pris le pas.

Comment a commencé ton histoire avec le Watcha Clan ?

Lorsque je faisais mes études, je vivais dans une communauté avec des musiciens. Nous avons organisé la première édition d’un festival musical et nous avions notamment invité un groupe de Briançon : Les Guenilles. J’ai rencontré leur chanteur et il n’est jamais reparti de Marseille ! C’est avec lui que nous avons créé le Watcha Clan, avec son petit frère aux claviers. Nous avons eu envie de faire notre musique. Ils avaient une expérience beaucoup plus importante que la mienne, au niveau des concerts, des labels indépendants et surtout une intégrité que je n’aurais trouvée nulle part ailleurs.

Pourquoi être passée de l’aventure collective au projet solo ?

Avec le Watcha Clan, ça a été 15 années merveilleuses de tournées dans le monde entier. On faisait plus de 100 dates par an. On était tous en train de saturer face à toute cette pression. Quand ma fille a fêté ses un an, j’étais en concert à Berlin. J’ai compris que je loupais quelque chose. J’ai arrêté tout d’abord pour faire le point, puis car je sentais que j’avais d’autres choses à exprimer. Je chantais des discours sur la mixité, en hébreu et en arabe. Je prenais des textes très spirituels et je les mettais sur de la Drum n’ Bass. J’ai voulu passer à autre chose, dire des choses plus personnelles. Clément, le membre fondateur et producteur du groupe, continue de m’accompagner, ça reste quand même un histoire de famille ! 

Cécilia Poggio

www.siska-sound.com

 

 

 

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