Selon Flea, faire de la musique, c’est simple : «Il suffit d’imaginer une Mona Lisa et de lui peindre des moustaches ». D’apparence, les Red Hot Chili Peppers n’ont rien à voir avec Marcel Duchamp, qui a vraiment fait des moustaches à la Joconde ; Pourtant, faire partie des R.H.C.P, c’est avant tout être libre. Ne pas être retenu par quoi que ce soit, se distinguer, ne pas se ranger dans une catégorie. Ce qu’ils font depuis 30 ans, et une fois de plus sur leur nouvel album.
Old Time Rock’n’Roll
Les Red Hot Chili Peppers font partie de ceux qui ont marqué l’histoire de la musique en rassemblant les communautés. Elvis était le premier blanc à chanter de la musique de « noir », puis les Stones avec le blues, et The Police avec leur « Raggatta de blanc ». En mêlant le rock, le funk et le rap, les Red Hot Chili Peppers ont amené les blancs à écouter une musique jusque-là presque exclusivement réservée à la communauté afro-américaine. Mais bien plus que le style de musique, ce qui définit le mieux le groupe, c’est sa mentalité, son style de vie dans la plus pure tradition rock’n’roll. C’est-à-dire faire absolument tout ce qu’ils veulent, non pas parce que c’est « rock », juste parce qu’ils en ont envie. Ce style de vie affecte leur manière de voir les choses, de parler, d’agir, de créer. Quiconque appliquerait de manière consciente des clichés du rock’n’roll ne pourrait certainement pas devenir un Red Hot Chili Peppers.
1983 l’année érotique
Si le groupe a explosé en 89-90, il s’est formé presque dix ans plus tôt. Dix ans de galère musicale et financière. En 1983 à Los Angeles, quatre potes jouent (mal) dans un bar de striptease sous le doux nom de Tony Flow and the Miraculously Majestic Masters of Mayhem. Anthony Kiedis au chant, Hillel Slovak à la guitare, Michael Balzary (Flea) à la basse et Jeremy Irons à la batterie. Ils ont pris du LSD et n’ont qu’une chanson, mais surtout, dans un bar de striptease, les yeux lubriques du public passent plus de temps sur les formes oblongues des femmes nues que sur les riffs du groupe. Ebranlés, lors du rappel, les quatre musiciens décident de se présenter dans leur plus simple appareil, avec seulement une chaussette pour cacher leur sexe. Succès Immédiat. Rapidement, l’hystérie fait le tour d’L.A et EMI Group leur propose un contrat. Début d’une succession de galères.
Parental Advisory
Apres d’âpres négociations et de nombreuses altercations, Jeremy Irons et Hillel Slovak quittent le groupe. Deux albums sont enregistrés dans la foulée, ne connaissent pas le succès et désespèrent les deux membres restant. Le groupe originel se reforme pour le troisième. Le seul, enregistré avec les quatre membres fondateurs, et le premier à rentrer au Billboard Top 200 (148e). L’alchimie est à nouveau là, l’humour aussi, la drogue aussi, la provoc ’aussi. L’album est le premier de l’histoire à être estampillé du désormais très célèbre « Parental Advisory Explicit Lyrics ». Ils l’obtiennent grâce au titre « Special Secret Song Inside », d’abord appelé « Party In Your Pussy ». D’où la censure. A la fin de la tournée, le guitariste Hillel Slovak est retrouvé mort suite à une overdose d’héroïne le 25 juin 1988. Ce qui pousse son ami Jeremy irons à quitter le groupe.
Guitar Hero
John Frusciante. Rien que l’évocation de ce nom peut faire frissonner une bonne partie des fans. Il faut dire qu’il a tout pour faire partie du panthéon des rock stars. A commencer par le talent. Après la mort d’Hillel Slovak, le groupe organise un casting pour trouver un nouveau guitariste. L’un d’eux a 18 ans. Il est fan des Red Hot depuis leurs débuts. Ils l’engagent alors qu’il tente de passer des essaies pour Frank Zappa. Lorsque John Frusciante rejoint le groupe, le plus dur, ce n’est pas de jouer comme un Red Hot, c’est de vivre comme un Red Hot. Avec cette nouvelle formation, le groupe connait le succès très rapidement. 12 millions d’exemplaires de « Blood Sugar Sex Magik », et une popularité planétaire inattendue. ! « Trop haut, trop loin, trop vite, trop tôt » pour John qui se rend compte, un jour, qu’il ne veut plus jouer dans des stades et des festivals devant 30 000 personnes. Il s’impose un exil dans sa maison sur les collines d’Hollywood et plonge dans les drogues. Il ne reviendra qu’en 1998, après une désintox qui lui sauvera la vie mais lui coutera toutes ses dents. Il quitte définitivement le groupe en 2009.
« Tes profs te disent : fume pas de l’herbe ou tu seras junkie. Tu fumes et tu ne le deviens pas. Alors tu essayes l’héroïne. » Flea
Blood Sugar Sex Magic
Le premier grand succès du groupe. En 1991, un peu à la manière des Stones dans la villa Nellcote de Villefranche sur Mer pour Exile on Main Street, les quatre membres historiques des Red Hot sont dans un Manoir de Los Angeles pour « un album ahurissant, novateur, révolutionnaire, beau, incroyable et artistiquement élevé », selon Anthony Kiedis lui-même. Chad Smith (sosie officieux de Will Ferrel) vient d’être engagé. Il « bouffe de la batterie pour son petit dej’ », Flea s’excite (magnifiquement) sur sa basse funky, John Frusciante vient d’arriver et a des « érections inspiratrices » et Anthony Kiedis écrit les paroles à l’écart. Pour terminer le tout, une groupie: « Elle passait chez moi, chez Flea et enfin chez John. C’était sympa, après une journée entière de travail sur l’album, de recevoir la visite de cette fille affectueuse, pour qui coucher avec trois hommes différents dans la même soirée n’était pas plus perturbant que ça. Elle n’avait pas l’air de manquer de confiance en elle ou d’être complètement nympho ! »
« J’ai votre batteur, j’ai trouvé votre batteur ! Ce mec bouffe de la batterie pour son petit-déjeuner ! »
Californication musclée
John Frusciante revient en 1998 avec « Californication », leur plus grand succès à ce jour. 15 millions d’exemplaires. Le groupe enchainent ensuite les albums et les shows (Place rouge à Moscou) qui les hissent au rang de légende du rock. Et de la pop. Car pour durer, il faut se réinventer. Et souvent, adoucir ses morceaux est un bon moyen d’y arriver. « By The Way » en 2001 puis « Stadium Arcadium » en 2006 sont donc plus pop. Et, bien que les albums se vendent, ce statut de superstar n’est pas du goût de tout le monde. Ça fait un moment que les Red Hot ont choisi le modèle U2 : du rock de stade, grand public, Grand Journal, un album tous les trois ans et une tournée mondiale pour une machine bien huilée. Pas du goût des fans de la première heure, et surtout, surtout pas celui de John Frusciante qui quitte le groupe, définitivement cette fois, en 2009. Depuis, les Red Hot Chili Peppers ont du mal à se réinventer après le départ de leur mythique guitariste. La preuve : l’échec commercial (et artistique) de leur dernier album en date « I’m With You » en 2011.
The Getaway
Revenu des pires excès, la cinquantaine passée, les Red Hot Chili Peppers ont encore faim et reparte pour une tournée mondiale, défendre le dernier : The « Getaway ». Leur 11e opus, n’a, en effet, plus rien à voir, ou presque, avec le funk rock binaire des débuts, mais le groupe semble avoir tiré des leçons du flop d’ « I’m With You. ». Et exhale une forme d’apaisement, un groove presque tranquille. “Dark Necessities”, le premier single, en est la parfaite illustration. Une montée guitare (désormais tenue par Josh Klinghoffer)-piano toute en douceur, soudain interrompue par la basse ronflante de Flea. En fait, le groupe joue sur le duo rock-pop qui agace depuis longtemps les détracteurs nostalgique mais le nouveau producteur Danger-Mouse (Adele, Gnarls Barkley, The Black Keys, Norah Jones et jack white) insuffle une réelle nouveauté. Electronique d’abord, mélodique aussi (surprenant solo de piano sur « Dark Necessities », et jeu plus personnel de Josh Klinghoffer qui a enfin compris qu’il n’était vraiment pas utile de copier Frusciante).
Paul Ganassali
Le 13/10 à l’Arena – Montpellier (34)
www.redhotchilipeppers.com