PIERS FACCINI

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Comment présenter un artiste tel que Piers Faccini, citoyen d’un univers riche et hors du temps, sans aborder son dernier projet « I Dreamed An Island » qui présente ce que serait son île rêvée. Artiste qui parvient à mélanger plusieurs mondes, son île-imaginaire et utopique se présente comme une allégorie d’un monde paisible, harmonieux et tolérant. Musicien-écrivain, il célèbre l’ouverture et le dialogue ; sa musique, aux influences multiples, bouleverse les frontières autant physiques qu’artistiques, promeut un monde où il fait bon de naviguer entre les cultures.

 

Auteur, compositeur, interprète, peintre, réalisateur de vos clips vidéo, détenteur de votre propre label et photographe, cela fait beaucoup pour un seul homme. D’où vous est venue cette passion pour l’art ?

Tout a commencé par la peinture qui fut ma première passion, j’ai d’ailleurs fait les beaux arts à Paris. Pendant ce temps là, seul, j’ai commencé à écrire des chansons vers 14-15 ans mais ce n’était pas quelque chose que j’envisageais comme étant mon métier, je voulais être peintre. Aujourd’hui je vis cependant beaucoup plus de ma musique que de ma peinture.

Tout le reste, c’est juste parce que je suis un curieux et un gourmand, j’ai envie de goûter à toutes les disciplines. Et comme j’ai grandi en jonglant entre musique et peinture je me sens plus flexible. J’ai monté mon propre label à cause d’une réalité économique assez dure, néanmoins j’adore le travail de label. C’est utile économiquement, et intéressant car cela me permet de promouvoir des artistes tels que Yelli Yelli plus facilement. Beaucoup de gens qui ont des petits labels ont tendance à multiplier les tâches.

 

La peinture, votre premier amour, ne vous manque pas ?

Oui la peinture me manque, mais chaque chose en son temps. A chaque album je me dis que je vais prendre une pause et me replonger dans la peinture, mais finalement je refais un nouvel album. La possibilité est toujours là à chaque fois mais on verra par la suite.

 

Quelles sont vos influences ? D’où puisez-vous votre imagination ?

Mon travail est basé sur trois univers que j’ai entendus assez jeune et qui ont formé la direction que je voulais prendre en tant qu’auteur-compositeur. Tout d’abord le vieux blues du Mississippi, notamment les premiers enregistrements des années 20-30. Ensuite la découverte de la musique West-africaine, avec des artistes comme Ali Farca Touré ou Boubacar Traoré. Toute la tradition de l’auteur-compositeur, ce que l’on appelle le songwriter dans la coutume nord-américaine et canadienne. Cela peut aller d’artistes comme John Martin ou Nick Drake jusqu’à Neil Young et Leonard Cohen. Ce sont les 3 piliers de la construction de mon œuvre, de la direction artistique que j’ai voulu prendre. Après j’ai la particularité d’avoir ce mélange de musique de monde et donc ce regard qui est un petit peu différent des autres.

 

J’ai lu sur votre blog qui présente votre dernier projet « I Dreamed An Island » que vous étiez passionné par la méditerranée, d’où vous vient cette passion ?

La méditerranée représente la partie Faccini de mes origines. J’ai une passion pour les musiques africaines mais aussi pour les musiques du Maghreb et du Moyen-Orient. J’aime énormément les musiques de frontière, les endroits où l’on sent que les influences sont multiples.

 

Avec votre dernier projet « I Dreamed An Island », vous nous faîtes voyager avec vous vers l’âge d’or de la Sicile aux XII et XIIIème siècle. Véritable voyage musical entre Orient et Occident, pouvez vous nous en dire un peu plus sur cet album qui se veut cosmopolite ?

L’album « I Dreamed An Island » est une fable autour d’un rêve de la Sicile. Par rapport à sa position très privilégiée, elle représente un pont entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, ce qui a fait d’elle le berceau de la culture.

 

Vos différents projets, avec « I Dreamed An Island » en tête, rassemblent plusieurs styles musicaux, je pense au blues, au folk, au baroque, mais aussi plusieurs langues comme l’Anglais, le Salentino, le Palermitano, l’arabe, le Français… ; et beaucoup d’instruments méconnus du grand public. Pourquoi cette volonté de vouloir mélanger les univers ?

Il y a une histoire assez particulière derrière la volonté de faire cet album. J’ai d’ailleurs créé un blog qui est le nom du CD, « IdreamedAnIsland.com ». J’ai essayé d’élargir le thème de mon projet, partager les histoires, partager la création et l’inspiration de l’album, raconter tout simplement plus que ce que je pourrais faire en écrivant des chansons. Cela a été un outil assez utile car j’en parle à chaque fois que je fais une interview, cela me permet de partager mon projet aux curieux qui souhaitent en découvrir plus. Sur scène, je vais pouvoir chanter en anglais et tout de suite après une tarentelle Napolitaine. Malik Zihad, musicien Algérien qui joue de la mandole et du guembri, va chanter un chant kabyle sur le même rythme que la Tarentelle. En concert on voit comme ce mariage est beau et très naturel. C’est important pour moi, ce regard sur le monde, ce regard extérieur, cette certaine prise de position par rapport à ce qu’il se passe aujourd’hui.

 

Nous pouvons dire que ce projet tend à prôner l’harmonie entre les êtres dans un contexte où la société actuelle a peur de l’inconnu. Avez-vous pensé à une dimension politique quand vous étiez en train de préparer ce projet ?

Je voulais célébrer et affirmer le fait que l’idée d’une culture nationale est presque une invention. La culture est toujours métisse, elle est faite de rencontres, de dialogues et d’harmonie. Souvent ces dialogues sont des conversations et des rencontres de voix d’Outre-Mer. Sur cet album, par rapport à ce qu’on peut entendre dans les médias aujourd’hui, j’ai voulu affirmer une notion du métissage, de mixité et de multiculturalisme, célébrer l’idée que la cohabitation culturelle, sociale et politique est une chose sur laquelle notre culture a toujours été basée.

 

Je pense notamment à « Bring Down The Wall » mais aussi à son clip. S’inscrit-elle comme une chanson de contestation, une chanson pour casser le mur dans lequel on nous enferme ?

Aujourd’hui, il y a de plus en plus de murs qui sont construits dans le monde, plus de murs que dans n’importe quel moment dans l’histoire. Même si on ne rentre pas dans la polémique de ce que représentent les frontières, il y a tout de même une triste réalité, celle de la peur de l’inconnu, qui est un mur aussi. L’ouverture vers l’autre, mais aussi le dialogue, c’est casser les murs ; un musicien et un écrivain, cela fait partie de son rôle de célébrer cette ouverture et ce dialogue, sinon il n’aura rien à dire, il ne peut rester qu’en silence.

 

Comment pourriez-vous définir votre île imaginaire en quelques mots ?

Cette île imaginaire est une utopie, elle représente l’idée qu’il existerait un endroit où les personnes pourraient cohabiter, vivre, chanter, jouer et prier s’ils ont envie de prier les uns avec les autres, sans barrière et sans mur. C’est très utopique comme souhait, mais quand on joue de la musique on joue sur ce principe là : c’est donc simplement élargir quelque chose qui se passe très naturellement quand je vais jouer avec un musicien africain, un musicien italien, un musicien anglais, à une échelle plus importante, à l’échelle du monde. Je me suis inspiré de la Sicile du 12ème siècle car il y avait une vraie cohabitation pendant la période des Rois Normands, entre les peuples et les religions… On a ça encore aujourd’hui, et il faut qu’on l’affirme. Quand on regarde l’histoire, on se rend compte qu’on bascule de l’obscurité à la lumière. Les hommes politiques veulent se servir d’une certaine inquiétude, d’une prise de pouvoir construite sur la peur de l’autre et la division : un discours très dangereux qui enclenche la montée d’un certain fascisme. Je vis en France, je ne peux pas voter ici mais les français doivent faire attention cette année. Par la chanson, et par le fait que j’espère toucher les gens ; par la musique, par l’émotion, je cherche à montrer un certain symbolisme, porter un certain message.

 

Quel serait votre rêve dans le futur ? Quelque chose qui vous a toujours tenu à cœur mais que vous n’avez jamais pu faire ?

Probablement réaliser un film, j’ai d’ailleurs déjà quelques idées de court-métrages sur lesquels je pourrais composer mes musiques.

 

Si l’on vous donnait le choix de pouvoir revenir dans le passé, quelle époque choisiriez-vous ?

Palerme au 12ème siècle, j’aime l’idée de vivre dans une cour où l’on entendait des discours philosophiques en latin, en grec, en hébreux, en arabe, où l’on entendait des chants chrétiens pendant qu’au loin s’élevait le chant du mésouine avec tout ce mélange d’instruments. Cela devait être un moment assez extraordinaire. On n’ose même pas imaginer à quel point la méditerranée pouvait être belle à ce moment là.

Julien Hattiger

Le 04/02/17 au Théâtre Denis – Hyères (83), le 03/02/17 à Paloma – Nîmes (30) et le 17/03/17 à l’Espace Leonard De Vinci – Mandelieu (06).

www.idreamedanisland.com

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Crédit photo : Olivier Metzger

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