MÉLISSA LAVEAUX

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#NVmagZoom

Que dire de la musique rythmée et énergique de Mélissa Laveaux, des paroles sensibles, du son blues, jazz, folk acoustique et des chants traditionnels ? On pourrait penser qu’elle émet une certaine lumière, un éclat, qu’elle dégage une force tranquille. Elle emploie plusieurs sonorités et divers concepts qui expriment un parcours riche, une personnalité inspirée, militante et passionnée. Son premier album est produit avec le label français « No Format », qui la suit depuis 2008. L’artiste a vécu au Canada et à Paris, elle a voyagé pour rechercher à travers l’histoire des personnages clés. Et voici maintenant un nouvel album en créole « Radyo Siwèl », qui présente et raconte dans un certain contexte : une immersion dans le temps de l’occupation américaine sur le sol haïtien (1915-1934), que l’on voit notamment dans le clip « Angeli-ko ». Un hommage aux bann siwèl qui sont ces orchestres de rue et que l’artiste retrace.

Tu as commencé en 2008 en France à faire des compositions et produire ton premier album, comment s’est passé cette expérience dans la capitale ?

Il y a une maison de disque qui m’avait repéré au Canada en 2007, grâce à Myspace notamment, et j’ai déménagé à Paris un an avant que l’album « Camphor et Copper » sorte pour enregistrer des sessions. L’année suivante ça a un peu démarré, l’album a eu un accueil chaleureux et m’a donné une bonne réputation, ce qui m’a permis aussi de voyager énormément, de rencontrer pas mal de monde, et ensuite d’enchaîner avec « Dying Is A Wild Night ». C’est un album sur lequel on a tourné pendant quatre ans.

Tu parles de l’expérience musicale non comme une évolution, mais comme un cheminement. As-tu des projets de voyage, de nouvelles rencontres qui vont pouvoir t’inspirer dans tes futures compositions ?

Pour l’instant je fais la tournée actuelle. J’ai passé du temps, environ un mois en Italie pour avancer sur le projet de pièce de théâtre. Ça m’a permis de faire un peu plus de recherche, c’est un spectacle musical qui va débuter demain (la générale c’est demain, et la répète aujourd’hui !). Je voyage en général en fonction des personnages, c’est-à-dire des personnes qui ont été oubliées et qui m’intéressent. L’histoire n’est pas toujours la plus connue, ni toujours celle qui intéresse le plus. Par exemple, l’histoire de l’occupation américaine à Haïti qui n’a pas été très discutée au sein du XXème et du XXIème siècle. En Italie, je suis partie découvrir Edmonia Lewis et l’histoire de cette femme qui se retrouve à Rome, devient une sculptrice, une des premières femmes noires. Le voyage m’intéresse mais c’est en premier lieu l’idée de découvrir les personnes qui ont été effacées de l’histoire.

Mis à part le côté hyper médiatisé de certains artistes, qu’est-ce qui, selon toi, peut marquer les esprits ?

C’est complètement aléatoire, c’est la plastique ou bien l’histoire sensationnelle. Ce qui est marrant c’est qu’il y a plein d’histoires extraordinaires, mais on choisit par rapport à ce qui convient, de parler de certaines et pas d’autres. Moi ce qui m’intéresse, c’est de révéler ce qui a été omis. Pourquoi est-ce que ça a été oublié ? Si on n’en a pas parlé c’est parce que ça faisait affront à la narrative voulue. Ça m’intéresse parce que ça parle aux gens, ne sont pas des choses forcément tabous mais qui n’ont pas été exposées.

Même si ton style change depuis ton premier album, tu gardes des références ésotériques, un peu mystérieuse et initiatiques, de l’enfer, de la mort comme avec un titre de ton premier album « I want to be evil ». Est-ce que ça fait partie d’une philosophie de vie ?

« I want to be evil » est une reprise que j’ai choisie à cause d’un personnage, à la fois l’actrice, la militante et la première femme noire à jouer : Eartha Kitt,qui avait interprété « Catwoman ». Cela n’a pas à voir avec des intérêts mythologiques. Je pense que c’est difficile de mélanger les intérêts sur les différents albums. Ceci dit, il y a tout de même énormément de chansons qui font référence à la mythologie dans « Camphor & Copper ». Mais ce n’est pas comme une philosophie de vie, c’est plutôt un intérêt pour les gens qui savent raconter de belles histoires et pour tout ce qui nous amène à expliquer la vie, par justement des fables, des contes ou des mythes. C’est intéressant de voir la manière dont on a créé des dieux, ou la manière dont on les accepte. Mais j’ai du mal à mélanger les albums entre eux, notamment avec « Radyo Siwèl » qui est un album de reprises de chansons haïtiennes traditionnelles. C’est une époque particulière. Je remarque qu’à cette époque-là, ce qui faisait vraiment peur aux américains c’était le vaudou haïtien, et c’est marrant que ça revienne parce que c’est-ce qui a permis aux américains de résister à l’ancien français par exemple.

Ton nom de famille fait penser à la célèbre prêtresse vaudou Marie Laveau en Louisiane…

C’est le nom de naissance de ma grand-mère. Mais il faut différencier la culture vaudou en Louisiane et à Haïti car ces deux cultures ont évolué différemment, même si Marie Laveau avait des origines haïtiennes. Mais je n’ai pas la chance de pouvoir retracer ma généalogie à cause de l’esclavage.

Quel lien as-tu envie de développer avec le public, notamment avec ton projet de spectacles ?

Je pense que c’est intéressant de développer une proximité avec le public, comme par exemple dans mes conférences médiathèques. La moitié du concert est vraiment juste une discussion, un échange par rapport à l’histoire derrière les chansons et aussi par rapport à mon histoire personnelle. A l’avenir, je pense que mon public me fait assez confiance pour les mener à différentes expériences notamment avec le spectacle. C’est à moitié théâtre à moitié concert, les gens ont l’habitude que je raconte énormément de blagues et d’un coup je me retrouve un peu figée sur un script, un scénario. Donc je pense que les gens me font assez confiance et qu’ils vont aimer, tant que je produis quelque chose de qualité je l’espère. Pour l’instant j’aimerais continuer dans un aspect un peu plus visuel dans mon écriture, qui se retrouve dans l’art visuel avec les projets d’aujourd’hui. Je suis en collaboration avec Kapwani Kiwanga, qui est plasticienne et qui est aussi une très bonne amie, pour développer une création artistique en lien avec les textes de mes chansons. C’est plus vers ce dont je me dirige.

Laëtitia Bastari

En concert le 04/10/18 dans le cadre du Festival International de la Guitare au Jam – Montpellier (34) et le 08/12/18 à Paloma – Nîmes (30).

www.facebook.com/melissalaveauxoff

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