Massive Attack groupe originaire de Bristol en Grande-Bretagne est né à la fin des années 80. Rencontre de trois jeunes copains DJ et musiciens qui s’avérera déterminante pour la suite d’une carrière musicale des plus respectables. Avec cinq albums hautement créatifs à leur actif et étalés sur une vingtaine d’années, ils sont considérés comme une des formations les plus talentueuses de notre ère et ce n’est pas leur nouvel EP “Ritual Spirit” sorti ces jours-ci qui le démentira.
Pour en arriver là, un long travail a été nécessaire, celui qui après 5 albums d’une créativité sans failles, leur a valu toute la reconnaissance de la profession. Tout a commencé à la fin des années 80, où une rencontre fortuite et chanceuse leur a permis de canaliser et mettre en exergue un talent, qui jusqu’alors, n’avait pas réellement l’ambition de se réaliser. Conscient du potentiel de ses trois jeunes formés de Robert Del Naja dit 3D, Grant Marshall dit Daddy G et Andrew Vowles dit Mushroom, Cameron Mc Vay qui est aussi le compagnon et manager de Neneh Cherry, leur donne la possibilité d’enregistrer leur premier album en 1991, celui qui porte déjà en lui tout leur génie créatif.
“Blue Lines” en mélangeant soul, jazz, hip-hop, pour en faire ce qu’on nommait alors du trip-hop, fit d’emblée trembler la stratosphère musicale, grâce notamment à des sonorités nouvelles ainsi qu’à un travail sur les samples qui n’avait jamais été aussi poussé. “Unfinished Sympathy”, demeure un titre à la dimension extraordinaire, porté par la voix angélique et divine d’une Shara Nelson au sommet de son art. Nous pouvons affirmer à ce moment-là que la formation bristolienne a définitivement mis de côté le sound system auquel elle fut associée auparavant, le fameux “The Wild Bunch”.
Malgré un succès mondial et une reconnaissance déjà conséquents, Massive Attack décide alors de renouer avec l’indépendance de ses débuts amateurs, sans véritablement avoir d’idées précises sur la suite et la tournure des évènements. En 1994, Nellee Hooper qui est aussi leur ami, prend le relai au niveau de la production musicale pour l’album “Protection”. La force évidente à la première écoute de ce nouvel opus est une qualité mélodique et des arrangements qui laisse pantois et admiratif. Shara Nelson étant descendue du train en marche, c’est Tracey Thorn la chanteuse du groupe “Eveything But The Girl” qui devient leur muse vocale. A partir de cette période-là, il parait évident d’affirmer que Massive Attack est une formation à géométrie variable, tant ses membres s’interchangent naturellement d’un disque à l’autre.
En 1998 et suite à ces deux premiers essais qui s’avèrent être de remarquables réussites, le groupe décide d’un changement de direction musicale, mettre sur la touche l’aspect “soulful” de ses compositions. “Mezzanine” est un album difficile à tous les niveaux. Les trois membres originels sont de manière récurrente en désaccord et le ton “glacial” du disque n’est certainement pas le fruit du hasard. Prenant totalement le contrepied des deux prédécesseurs, “Mezzanine” qui fut souvent composé de façon individuelle par ses géniteurs, sonne le glas de toute chaleur sonore empreinte à la musique noire. En effet, les textures froides et métalliques l’emportent sur le reste, tel du post-punk ou de la cold-wave, à la manière de The Cure période “Pornography”. Cette noirceur implacable semblant si austère et claustrophobique donne lieu pourtant à un nouveau chef-d’œuvre.
Quelque temps plus tard et avant la sortie de leur quatrième album, Mushroom décide de jeter l’éponge et quitter le groupe. Des dissensions émergent lorsqu’il réalise que les musiques noires desquelles il est profondément amoureux, n’intéressent plus réellement ses deux amis et collaborateurs. 3D se retrouve quasiment seul aux manettes de l’opus qui suivra en 2002. “100th Window” aura un retentissement moins important du fait d’une ressemblance assez incontestable et confondante avec “Mezzanine”, mais en moins pertinent. Lassé des soucis juridiques liés aux emprunts sur les samples, 3D fait donc table rase du passé pour ce qui deviendra un album certes moins révolutionnaire en terme d’innovations mais tout autant apprécié par les fans.
En 2006 sort une compilation réunissant les plus beaux titres des quinze années écoulées. Maintes fois repoussé, “Heligoland” voit enfin le jour en 2010 et est d’une certaine manière un vrai retour aux sources. Daddy G renouant avec le groupe, le contexte musical donne lieu à une diversité et une homogénéité des compositions qui avaient disparu depuis “Protection” en 1994. En s’adjoignant les services d’une vocaliste telle que Martina Topley Bird, le concept initial de Massive Attack reprend le flambeau. Album où les mélodies imprévisibles et l’esthétique nuancée et riche d’une recherche profonde et minutieuse, fascine à nouveau et même les détracteurs les plus féroces. Unanimement plébiscité, les éloges pleuvent et la reconnaissance renaît. Massive Attack est décidemment jamais là où on l’attend et parvient toujours à surprendre grâce aussi à une intelligence créatrice hors du commun.
Adrian Thaws, plus couramment appelé Tricky ne s’y trompa pas, lorsqu’alors ami de 3D dans une jeunesse quelque peu tourmentée, incorpora le groupe de façon laconique, le temps de comprendre et d’assimiler rapidement qu’il était là au milieu d’un des plus impressionnants phénomènes que la musique engendra. Massive Attack comprit aussi très vite que les collaborations qui orneraient toute son œuvre, seraient déterminantes quant à sa personnalité sonore. Que ce fut Tricky, Shara Nelson, Sinead O’Connor, le producteur et arrangeur Craig Armstrong, Horace Andy, Liz Fraser ou encore Damon Albarn, tous apportèrent leur pierre à l’édifice prestigieux de la formation bristolienne. Les tournées et concerts de Massive Attack sont aussi des moments magiques et uniques. Caractérisé par une énergie immense et non contenue, l’envoûtement qu’ils prodiguent tend systématiquement à une sorte d’orgasme auditif et visuel.
Après 6 années dans l’ombre de l’actualité musicale, un nouvel EP voit enfin le jour. “Ritual Spirit” conserve l’aspect froid et parfois industriel des ces trois précédents albums. De nouveaux invités tels que Roots Manuva ou Young Fathers permettent de disséminer à nouveau une petite touche soul délaissée depuis bien longtemps. Quoiqu’il advienne désormais, Massive Attack est et demeurera un groupe à l’importance majeure, et aux compositions à la veine aussi confidentielle qu’universelle.
Frédérick Jourdon
Le 19/07 sur la Place Masséna / Jardin Albert 1er – Nice (06)