LISA GERRARD

0
2322

« D’un autre monde », « mystique », « touchant au divin », autant de qualificatifs revenant fréquemment pour tenter de définir l’impressionnante voix de Lisa Gerrard. Si son duo Dead Can Dance avec Brendan Perry leur a conféré une place unique dans le paysage musical depuis bientôt 40 ans, elle a également conquis un nouveau public depuis son interprétation pour le film « Gladiator ». Elle nous révèle tous les détails sur ce langage universel qui a fait sa notoriété.

Le succès de Dead Can Dance dans les années 80 et 90 semble s’être surtout propagé par le bouche-à-oreille. Y a-t-il des moments clés dans la carrière du groupe qui, selon vous, ont propulsé ce dernier vers un public plus large ?

Oui, il y en a certainement. L’un des premiers était le film « Baraka » en 1992. J’avais un morceau déjà existant qui s’appelait « The Host Of Seraphim » et nous faisions un concert à Los Angeles. Mark Magidson [l’un des producteurs de « Baraka » – ndlr.] m’a contacté et m’a dit qu’il voulait utiliser ce morceau en particulier dans le film. J’en ai parlé à Brendan [Perry] qui m’a dit : « Ouais, ça a l’air intéressant ». Ensuite, Mark m’a dit : « Voudriez-vous venir au studio enregistrer un autre morceau ? », ce que j’ai fait. C’était par-dessus Auschwitz, un passage très triste de cette œuvre [« Baraka » est un film contemplatif de style documentaire sans protagonistes qui montre diverses parties du monde souvent riches d’un contenu historique accompagné d’une bande sonore musicale comme seule source audio – ndlr]. À partir de là, il m’a dit : « Comment voulez-vous que je vous paye pour ce travail que vous avez fait ? » Et j’ai pensé : « Oh, je ne peux pas demander de l’argent pour chanter sur Auschwitz, je veux dire, ce ne serait tout simplement pas approprié. » Alors j’ai dit : « Écoutez, laissez tomber, ne vous inquiétez pas, vous pouvez utiliser ce morceau [« The Host Of Seraphim »]. » Et il a dit : « Vous êtes sûre ? » Et j’ai dit : « Oui, tout à fait. » Et puis on n’y a plus pensé.

Environ 12 mois ont passé et Brendan et moi avions fait un album intitulé « Into The Labyrinth ». Il contenait un morceau qui s’appelait « Yulunga ». Mark m’a contacté et m’a dit : « J’aime vraiment ce morceau ! Quand venez-vous à LA ? », et j’ai dit : « Eh bien, en fait, nous y serons dans quelques semaines. » Et il a dit : « Pouvez-vous venir ? Peut-on se voir ? », ce que l’on a fait. Et il a dit : « J’adorerais en monter une vidéo à partir de certaines des images qui nous restent de « Baraka », et je lui ai dit : « Écoutez, ce serait merveilleux, mais à ce stade de notre processus, il nous est tout à fait impossible de nous permettre de payer pour cela. Je veux dire, nous ne pouvons pas nous engager dans cet exercice avec vous. Absolument pas. » Parce que les images qu’il utilisait de « Baraka » étaient en 70mm. Je veux dire, c’était extrêmement cher à faire. Et il a dit : « Non, non, puisque vous avez été si aimable, je vais vous faire ça pour rien. » Donc, il a monté cette belle vidéo et elle s’est retrouvée sur National Geographic, diffusée probablement 6 fois par jour pendant 12 mois, et cela a vraiment ouvert les gens sur Dead Can Dance, sur notre existence.

Et la deuxième chose était « The Ubiquitous Mr. Lovegrove » [une autre chanson de l’album « Into The Labyrinth » -ndlr.] qui était promue par les radios universitaires en Amérique et est accidentellement entrée dans les charts puis a grimpé dans les charts commerciaux en Amérique, et tout le monde en était absolument étonné. C’était juste un peu plus tard, peut-être environ six mois plus tard ou quelque chose comme ça. Tout le monde en Amérique a commencé à connaître Dead Can Dance à ce moment-là. Ce sont donc les deux jalons qui ont vraiment fait entrer notre musique dans la vie des gens, parce que tous les autres ont dû chercher sous des pierres pour nous trouver. (rires)

Après l’album « Spiritchaser » en 1996 et jusqu’à aujourd’hui, vous vous êtes de plus en plus impliquée dans des collaborations. Comment choisissez-vous généralement les projets sur lesquels vous allez travailler ?

Écoutez, je suis assez ouverte. Je veux dire, à moins que ce soit quelque chose qui représente en quelque sorte, la vente de, je ne sais pas, de chars militaires, ou la cruauté envers les animaux et les enfants, je n’ai pas trop de règles strictes. Je suis vraiment curieuse de voir ce qui va se passer plus qu’autre chose. Je trouve passionnant de travailler avec les gens. Et je ne juge pas toujours la musique elle-même, parce que quand quelqu’un fait de la musique, il vient d’une partie sacrée très profonde de ce tout. Peu importe que ce soit de la musique commerciale ou non, je ne crois pas que quiconque puisse s’exposer à ce travail sans, en quelque sorte, renoncer à son cynisme matériel. Donc, quand on commence à débloquer cela avec la voix – je veux dire, je peux apporter d’autres instruments avec mes yangqins et aussi des claviers avec des cordes et ainsi de suite, mais généralement les gens viennent me voir parce qu’ils veulent que je chante – je trouve que quand je fais ça, il y a quelque chose d’intégral dans le travail qui appartient uniquement à cet individu qui l’a composé qui n’avait pas été débloqué.

Est-ce qu’ils ont généralement l’instrumental déjà composé, et vous construisez dessus, ou le font-ils autour de votre thème mélodique ?

Ça dépend ! Cela peut être les deux. Parfois, je reçois un drone ambiant, et parfois je reçois un morceau de musique complet, selon qui envoie le morceau…

Vous créez les lignes de chants mais composez-vous aussi les instrumentaux ?

Oui. Dans mon propre travail, oui, bien sûr. Sinon, ce ne serait pas le mien. (rires)

Lorsque vous jouez en live, est-ce que le type de salle ou sa taille modifie votre façon de chanter ?

Non, parce que quand les lumières s’éteignent, on peut être n’importe où. On est dans sa propre zone. Donc, que ce soit le Rising Sun Hotel à Richmond, ou que ce soit, un O2 [chaîne de gigantesques salles de concert à travers l’Europe – ndlr.] ou des arènes avec Hans [Zimmer], ce n’est vraiment pas si différent, pour être honnête.

Du mieux que vous pouvez, pouvez-vous décrire ce qui se passe quand vous chantez ? Parce qu’il semble que vous accédiez à d’autres mondes parallèles ou quelque chose du genre…

Quand je chante, c’est une expression émotionnelle. Je n’accède pas à d’autres mondes. Je m’exprime émotionnellement à travers le son et je raconte une histoire. Mais ce n’est pas une histoire pratique, c’est une histoire abstraite qui mène à un endroit qui – je sais que cela semble un peu alambiqué mais je crois que c’est vrai – je crois que cela nous mène à un endroit où les gens ont une langue qui leur appartient, qui n’a rien à voir avec la langue pratique dans laquelle on leur a appris à parler. Mais c’est une langue avec laquelle nous sommes nés, avec des sons. Tout le monde dans le monde entier a un langage émotionnel ou des sons émotionnels qu’il émet. Et je les ai développés dans un langage complet.

Considéreriez-vous qu’il s’agit d’une forme de « channeling » ? [Dans le spiritisme, procédé de transcommunication qui permet à une entité ou divinité de s’exprimer avec sa propre voix en passant par un humain comme médium -ndlr.]

 Du « channeling » ? Je ne sais pas, des gens ont dit ça. J’entends des gens dire des choses comme : « Oh, tu sais, je t’ai vu « channeler » » et « Je t’ai vu ceci, je t’ai vu cela… » Je ne suis pas vraiment sûre… Je sais que lorsque j’entends la musique, quelque chose se passe et quelque chose se débloque. Et si je « channelais », ça viendrait d’où ? Et je trouve ça un peu effrayant. Pourquoi voudrais-je, en quelque sorte… Je ne sais pas… Ça fait un peu genre « Tu « channelles » quoi, au juste ? » Vous voyez ce que je veux dire ? Je veux dire, je pense que cette démarche de travail est très pure, qu’elle est très innocente, c’est pourquoi les gens ne s’en sentent pas menacés, et j’ai vécu beaucoup de catharsis avec cela, beaucoup de larmes de gens qui, je crois, viennent d’une prise de conscience qu’il y a une communication en cours avec une langue qu’ils ont déjà. Je sens qu’il y a une intégrité à ce travail, une innocence et une pureté. Il ne dit pas quoi penser, il ne dit pas quoi ressentir. C’est comme une petite clé déverrouillant un… essentiel. Alors toutes les choses du monde s’évanouissent quand nous chantons, pas seulement moi. Quand nous chantons et si nous produisons nos sons, il y a comme une résonance de quelque chose avec laquelle nous nous connectons. C’est cela auquel nous, les êtres humains, nous connectons à travers ce son résonnant. Et d’une certaine manière, il a une intimité propre. Il y a quelque chose de très intime là-dedans.

Y a-t-il une forme d’universalité que vous essayez délibérément d’atteindre ou est-ce quelque chose qui vient naturellement ?

Non… ça vient naturellement. Vraiment. Cela vient vraiment naturellement. Quand j’étais enfant, je chantais dans ma langue. Enfin, pas *ma* langue, mais *notre* langue dans laquelle on ne nous a pas appris à parler. Donc, pour aussi longtemps que je sache, ça a toujours été là. Et personne ne s’est opposé à… Enfin, j’ai eu des gens qui m’ont demandé « pourquoi ? », vous savez, mais c’est que je ne peux pas ne pas faire ça. Il ne m’est pas possible de ne pas le faire. Je veux dire, je pourrais arrêter de chanter, mais si j’entends de la musique, c’est automatique.

Avez-vous entendu parler de ce type, Marc Liblin, qui rêvait dans une autre langue depuis son enfance jusqu’à ce qu’il se rende compte, 25 ans plus tard, que c’était une langue ancienne d’une île du Pacifique. Il y est allé et ils ont été étonnés de voir qu’il la parlait. Vous n’avez jamais entendu parler de ça ?

Non, je n’en ai jamais entendu parler, mais je n’en doute pas du tout. Je pense que toutes ces langues existent en quelque sorte à l’intérieur de nous. Je crois que c’est autre chose. Je ne pense pas que ce soit notre langage abstrait, mais je peux voir comment… Je veux dire, si on s’assoupit… Disons que, par exemple, parfois j’écoute la radio en arabe, parce que je veux entendre de la musique arabe, ou peut-être la radio coréenne ou quelque chose comme ça – j’aime écouter différentes radios pour pouvoir entendre différentes musiques – et je sais que je ne comprends pas ce qu’ils disent, mais quand je ne me concentre pas sur ce qu’ils disent, d’une manière ou d’une autre, j’y arrive. Sans savoir ce qu’ils disent, d’une certaine manière, il y a un lien que je comprends presque.

Cette langue que vous parlez, a-t-elle un nom ?

Eh bien, certaines personnes appellent cela la glossolalie, ce que je ne pense pas que ce soit…

Comment est-ce que vous, vous l’appelez ?

Eh bien, j’appelle ça une forme de chanson pleine d’âme, vous savez, de chant… Je n’ai pas de nom, en fait… Vous savez, c’est la seule chose qui… Une fois que je commence à appliquer des mesures pratiques à ces choses, j’ai peur de faire fuir les Grâces. Parce que la raison pour laquelle elle existe est en vertu du fait qu’elle existe en dehors du concret.

Quand vous la chantez, les mots existent, donc possède-t-elle une forme grammaticale ?

Il existe différentes langues pour différents morceaux de musique. Il y a des mots que je chante qui apparaissent dans toute la musique que je chante pour une raison quelconque, je ne sais pas vraiment pourquoi ils apparaissent.

Ont-ils un sens particulier pour vous, ces mots ?

Non, ils n’ont pas de signification pratique spécifique, ils ont une signification émotionnelle abstraite.

Il n’y a donc aucun moyen de traduire littéralement ces mots en anglais ?

Non… Non, non, non… Ce serait aller à l’encontre du but.

Diriez-vous que vous avez un lien avec le divin ?

J’ai une relation très étroite avec Dieu. Je crois. Je considère Dieu. Je considère un créateur. Je considère une merveilleuse énergie d’amour et d’énergie universelle. Je considère cela. Mon travail n’est pas religieux. Les gens ont dit que c’était spirituel. Je ne crois pas qu’il soit spirituel. Je crois qu’il est très humain et se connecte au tissu humain. J’écoute parfois de la musique en la trouvant grandiose, mais grandiose n’est pas spirituel. Pas dans ma compréhension. Le spirituel, pour moi, est une relation silencieuse de sanctuaire sacré avec qui et où nous sommes dans un sens existentiel, nous connectant avec la nature et nous connectant à l’univers, nous connectant avec Dieu dans la prière, ou simplement en nous unissant aux animalismes et à la création elle-même. C’est donc quelque chose de séparé du chant.

Pensez-vous avoir maintenant appris des secrets de l’au-delà que vous pouvez partager ?

Des secrets de l’au-delà que je peux partager ? Hmm… (pause)

Je vais peut-être chercher un peu loin…

Non, non, j’ai des secrets de l’au-delà. Mais je ne sais pas s’ils sont absolument… Je veux dire, je me souviens quand mon père était mourant et qu’il attendait que ma mère vienne. Il n’avait pas été lucide du tout depuis très longtemps, et ma mère est allée acheter des fleurs, elle était restée à ses côtés pendant près de deux ans. Et ce jour-là, il s’est tourné vers moi très clairement et m’a dit : « Où est ta mère ? » Je n’arrivais pas à y croire. Et j’ai dit : « Elle sera là très bientôt. » Il m’a dit (elle prend un ton solennel) : « Tu ne comprends pas, ma fille. Je dois y aller. Ils attendent que je vienne maintenant. Et je les fais attendre. » Il était si lucide. « Et je ne peux pas partir avant d’avoir dit au revoir à ta mère. » Je n’avais aucun moyen de la contacter. Et j’ai réfléchi et dit : « Tout ira bien. Elle ne sera plus très longue. » Parce qu’il devenait assez stressé. Et puis finalement, il a attendu et attendu, et c’était comme s’il attendait de partir. Il savait qu’il allait à cet autre endroit et il y avait là des gens qui l’attendaient. Finalement, ma mère est arrivée et il est mort quelques minutes plus tard, car il a pu lui dire au revoir. Alors il a lâché prise.

J’ai l’impression que les animaux font ça. Vous ne pensez pas ?

Ouais ! Ils le font. Ils attendent. J’avais un chien qui m’a attendu, Clancy. Il a attendu. Il est mort le lendemain de mon arrivée à la maison, mais il a attendu. Il voulait dire au revoir. Mais vous savez, ils sont toujours là, parce que quand je sors de la voiture, parfois, quand je reviens d’un long voyage, je ne les vois pas, mais j’ai ce genre de truc dans le coin de l’œil où je peux en quelque sorte voir l’animal, j’ai des flashs des chiens qui viennent à ma rencontre, vous voyez ? Et c’est bizarre ! Et de mes chats aussi, j’en ai parfois des petits flashs dans la maison. Comme s’ils étaient toujours là !

Les défunts continuent à vivre dans la mémoire des vivants…

Oui, mais ils sont juste dans un autre plan en dehors du corps physique. J’ai beaucoup d’histoires à ce sujet. J’ai perdu un cheval et j’ai beaucoup pleuré. Je ne pouvais pas travailler tellement j’étais malade de chagrin. Et cette nuit-là, j’étais allongée dans mon lit et je l’ai senti respirer contre mon oreille, je pense qu’il essayait de me réconforter. Il y a donc définitivement un domaine spirituel dans ma compréhension, de ma propre expérience.

Vous n’avez pas de tuyaux sur l’au-delà grâce à vos fréquentes connexions ?

Non, je n’ai pas de conseils, j’en ai peur. Je suis vraiment désolée. (rires) Je sais, tout le monde pense que j’en aurais… mais je n’en ai pas.

C’est parce qu’il semble que vous puissiez accéder à certaines choses auxquelles la plupart des gens ne peuvent pas.

Je pense que nous le pouvons tous, je pense que c’est juste que nous n’y sommes pas autorisés, et notre confiance est faible.

Pas autorisés ?

Oui, on ne nous le permet pas vraiment et nous souffrons de timidité. Je travaille avec des chanteurs et j’ai travaillé avec des chanteurs dans le passé, et si je suis dans un groupe et que je commence à les amener à débloquer la voix de leur âme, vous voyez, leur voix abstraite, au début, quand je dis « Qui aimerait commencer ? », aucune main ne se lève, et puis, au bout d’une demi-heure environ, on ne peut plus les arrêter et on est obligé de dire à certains : « Ça te dérange si Jane a droit à un tour ? » Parce qu’ils sont tous juste… une fois que ça s’ouvre. Et il y a des larmes, et c’est cathartique, et ils le font, ils commencent à pleurer, et c’est comme si ce son venait du plus profond du ventre émotionnel. Je pense que c’est vraiment sain pour nous de faire ce genre de chant.

Je vais essayer dès ce soir.

Mais oui ! Faites-le ! C’est à l’intérieur !

Que pensez-vous des artistes électroniques qui ont samplé des extraits de votre voix au fil des ans ? [Sa voix a été samplée par des artistes aussi divers que The Future Sound Of London, The Chemical Brothers, Fergie, Venetian Snares ou Porcupine Tree parmi de nombreux autres – ndlr.]

J’adore ça ! Et ça m’excite tellement. Je suis vraiment triste quand Brendan dit non, parce que j’ai vraiment l’impression – et je le dis très sincèrement – qu’une fois que nous avons fait le travail, nous ne le possédons plus vraiment. Et ça m’excite toujours quand je vois ce que les autres peuvent faire avec ces choses. Parce que c’est de l’art ! Comment l’art peut-il avoir tort ? C’est juste l’art lui-même. C’est un absolu. Il ne peut avoir ni raison, ni tort. C’est de l’art. Il existe en dehors de ce genre de critiques et c’est une critique en soi. Il vit alors isolé. Donc, je ne vois pas vraiment comment on peut dire non. Sur quelle base… peut-on dire non ? Mais parfois, Brendan a un problème avec ça.

Vous avez apprécié cette musique dans la façon dont ils l’ont utilisée ?

Ouais, absolument ! J’adore ! Je trouve que c’est fantastique. C’est fascinant.

Peut-on s’attendre à un nouvel album ou une tournée de Dead Can Dance ?

Définitivement pas. Je pense que Dead Can Dance est terminé maintenant. C’est vraiment fini maintenant. Je pense que ça y est. Nous avons fait notre saison. Et, vous savez, les derniers concerts, on répétait sans cesse les mêmes morceaux. Et à moins que nous ne fassions quelque chose de nouveau… et c’est devenu incroyablement difficile pour Brendan.

Mais tu as bien un nouvel album… [« Dionysus » est sorti en 2018 – ndlr.]

Oui, mais c’était vraiment l’album de Brendan. Ce n’était pas comme un album que Brendan et moi avons écrit ensemble comme les plus vieux, vous savez. Il avait besoin de suivre une autre voie et je respecte cela, en tant qu’artiste, mais ça a en quelque sorte commencé à s’éloigner progressivement du genre de connexion que nous avions ensemble. Mais c’est une chose naturelle, c’est une chose organique et on ne peut pas lutter contre cela. C’est comme ça. C’est le processus. Cela fait partie de l’évolution du travail.

La façon dont vous travailliez alors avec lui était-elle différente de la façon dont vous travaillez depuis avec d’autres collaborateurs ?

Oui. Tout d’abord, nous avons vécu dans la même maison, peut-être pendant un an. Nous n’avons rien fait d’autre que de la musique. Je veux dire, de temps en temps on allait au pub, vous savez, manger dehors, mais au fond, c’était juste la musique… Et il faut se rappeler qu’au début, on vivait avec des revenus très bas, donc l’occasion de sortir et de socialiser et des choses comme ça étaient très limitées parce que nous n’avions pas les fonds, mais c’était vraiment le meilleur moment pour développer notre travail.

Vous viviez à Melbourne ?

A cette époque, nous vivions à Melbourne, puis nous avons vécu à Londres pendant cinq ans, sur The Isle Of Dogs, comme on l’appelait. « L’Île Des Chiens. » (en français) (rires). Ce n’était pas très joli mais ça a servi notre objectif.

Avez-vous des collaborations à venir ?

(Sur un ton facétieux) J’ai plein de collaborations… Je suis toujours en collaboration… (plus sérieuse) Enfin, je travaille toujours avec Hans, bien sûr, par intervalles, sur différents projets… Et Zbigniew Preisner, j’ai quelque chose qui sort bientôt avec lui, le compositeur polonais. Vous connaissez Zbigniew Preisner ? Il a travaillé avec Francis Ford Coppola…

Oui, je crois que vous avez fait deux albums avec lui.

Oui, j’ai fait deux albums avec lui.

Donc il y en a un troisième qui arrive ?

Oui ! Je collabore également avec Simon Bowley qui est un homme qui est mon ingénieur et qui fait ma production vocale… Qui d’autre ?… Oh, vous connaissez Daniel Johns ? Vous savez, qui faisait Silverchair…

Silverchair ?! Ça me replonge dans le passé ! [Silverchair était un trio de grunge rock australien d’adolescents fortement inspirés par Nirvana qui eut un succès hors normes dans son pays d’origine et un succès commercial international très honorable du milieu à la fin des années 90. Ils se sont officiellement arrêtés en 2011. – ndlr.]

C’est un ami très proche à moi, donc nous prévoyons de faire des choses ensemble. C’est à peu près tout mais vous savez, il y a toujours des choses en plus qui arrivent… Oh, j’allais travailler avec Philip Glass. Je ne sais pas ce qui va se passer avec ça…

Ce serait fantastique…

Oui. Alors on verra comment ça tourne…

Êtes-vous ouverte aux artistes émergents actuels qui puissent entrer en contact avec vous ?

C’est le plus important. Le plus ! Je travaille avec beaucoup de gens dont personne n’a jamais entendu parler.

Je suis sûr que les gens sont intimidés.

Non, non, non, laissez-les entrer en contact ! Ils peuvent aller sur lisagerrard.com et entrer en contact avec moi. Et en fait, je fais aussi beaucoup pour des compagnies de danse.

Pour conclure, artistiquement parlant, quels sont les buts que vous n’avez pas encore réalisés ?

(Marque une pause et réfléchit avant de répondre) Mon but, vraiment, est de rester ouverte à tout ce qui se présente à moi, de le traiter avec révérence et respect, et d’y contribuer de la meilleure façon possible. C’est à peu près tout, au fond.

Christopher Mathieu

facebook.com/LisaGerrardOfficial

Photo : Zbyszek Warzyński