IBRAHIM MAALOUF

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>>>Véritable star de la musique actuelle Ibrahim Maalouf est un artiste atypique. Trompettiste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre et chef d’entreprise, il a toujours refusé l’étiquette jazz que l’on voulait lui attribuer, c’est pourtant une influence indéniable de ses compositions tout autant que les musiques orientales. Musicien aussi charismatique que prolifique, il publie en 2019, son onzième album, qui ne manque pas de sens, “S3NS”.

Beyrouth-Paris

Né à Beyrouth en 1980 de parents musiciens, Ibrahim Maalouf rejoint rapidement la France avec sa famille pour fuir la guerre civile qui sévit dans son pays. Il intègre très tôt le conservatoire pour le classique mais apprend aussi auprès de son père trompettiste lui-même. Un papa inventeur de la trompette microtonale dotée d’un quatrième piston permettant de jouer les ¼ de tons spécifiques des harmonies de la musique arabe. L’instrument, qui ne le quittera plus, participe de beaucoup à sa sonorité. Il joue en public dès l’âge de neuf ans, il peaufine sa formation et multiplie les nominations dans les plus prestigieux concours. “Au début, je n’aimais pas la trompette” dit-il souvent, pourtant, il en est devenu l’un des plus fameux virtuoses.

La trilogie “Dia”

Puis après avoir créé son propre label Mi’ster, il publie “Diasporas”, en 2007, le premier album d’une trilogie, (d’une psychothérapie dira-t-il plus tard), mais Ibrahim ne le sait pas encore! Vincent Delerm signe les photos du livret. Très ancré dans les sonorités orientales, sa marque de fabrique. Le disque est encore un peu bricolé, des collages, des bruits de la rue, des impros et déjà de belles compositions. Il joue de la trompette bien sûr mais aussi du bendir et des percussions électro. On y entend les instruments de là-bas, du buzuq, du ney, du oud, ainsi que le violoncelle de Vincent Ségal et quelques violons, voix et chœurs. Pour faire le lien entre deux mondes, il reprend, à sa façon, «Night In Tunisia» de Dizzy Gillespie, intitulé ici “Missin’ Ya”. 

Deux ans plus tard, nouveau “dia” avec “Diacronism”. La production s’est étoffée. L’album est double. Le guitariste Eric Löher est de toutes les plages, Maalouf signe les douze compositions et reçoit l’appui de collaborateurs prestigieux, Jack Terrasson au piano, Matthieu Chedid, à la guitare, la basse et au chant et Bijan Chemirani avec son saz. 

Sa renommée commence à croître, il fait de nombreuses scènes mais il attend encore deux nouvelles années, ou presque, pour présenter son «Diagnostic». Il y joue de presque tous les instruments, piano, marimba, batterie même s’il est aidé par d’autre musiciens aux violons, guitares, au sax, à l’harmonica ou l’accordéon. Le piano tient une très grande place, c’est lui qui évoque toute les mélodies. Tout en étant dans la continuité des deux premiers, cet album ouvre de nouvelles voix, le bayou-arabic “Never Serious” ou le slam d’Oxmo Puccino dans “Douce”. En bonus, la douzième plage, les 10 minutes de “Beirut”, composé en 1993 alors qu’il retournait dans sa ville natale, le piano est confié à Frank Woeste et la guitare à Nenad Gajin. La mélodie sensuelle et nostalgique comme un exutoire aux tragédies de ce monde, finit en un rock rageur, inspiré par sa découverte de Led Zeppelin. Ce morceau ne quittera plus son répertoire de scène et ceux qui l’ont entendu en live garde un souvenir inoubliable de l’émotion qui se dégage de ce «Beirut». 

A l’été 2012, lors de son premier passage sur la scène du Nice Jazz Festival, il disait qu’il ne savait pas pourquoi on l’invitait dans les festivals de jazz car il ne pensait pas en faire, le concert qu’il donna, hormis les remarquables chorus hard rock de François Delporte, prouva que sa place était bel et bien là… Aussi !

La période Jazz

La vie de notre trompettiste ne se résume pas à une suite de disque et de concerts. Il poursuit son enseignement au conservatoire régional d’Aubervilliers. Un jour, un soir peut-être, on lui propose d’illustrer en direct le film muet de 1927, “La proie du vent” de René Clair. Caler le rythme de la musique sur celle du film, débusquer les brèches pour les mettre en valeur. Cette expérience donnera l’album “Wind”. Le plus jazz de toute la production “maaloufienne”, paru en 2012, enregistré à New York avec Larry Grenadier (basse), Clarence Penn (batterie), Mark Turner (saxophone), et du pianiste Frank Woeste, dans des conditions live, à la façon de Miles Davis quand il fit la B.O. du film de Louis Malle “Ascenseur pour l’échafaud”. Le fantôme de Miles hante littéralement ce disque. Frank Woeste que l’on va entendre longtemps encore avec Maalouf, y est magistral derrière son clavier mais aussi aux arrangements qu’il co-signe. Jazz classique, élégant, un grand quintet pour un immense album. 

On garde nos «Illusions» avec le nouvel opus de 2013. Le jazz est toujours là. Mais le rock, le funk s’infiltre gaiement dans les mélodies. Pas moins de quatre trompettes, Maalouf a pris de l’assurance et de la notoriété, il compose cet album presque directement pour la scène. Des titres quasiment au format pop, couplets-refrain. Il souhaitait faire un album festif et plein d’énergie positive, et il l’a parfaitement réussi. 

Sa musique prend du volume, ses concerts deviennent des shows à la mise en scène calculée. Une troisième Victoire de la musique arrive sur son étagère à trophées. Il multiplie les apparitions chez ses amis et collègues du jazz, de la pop ou de la variétés (Sting, Juliette Gréco, Trilok Gurtu, Grand Corps Malade, …). La liste prend de l’ampleur d’année en année, sa renommée est internationale.

La gloire

En 2014 il signe la musique du film Yves Saint Laurent et un album avec Oxmo Puccino “Au Pays d’Alice”. Le rap fait son entrée dans son univers musical, l’Afrique, l’Amérique, l’Orient, le jazz, le classique. Maalouf ne reste pas figé sur ses succès, il se remet en question et publie simultanément l’année d’après deux albums en hommage aux femmes. “Red & Black Light» avec Eric Legnini (claviers), François Delporte (guitare) et Stéphane Galland (batterie). Sa trompette sonne avec toujours autant d’énergie et de sensualité. 

L’autre, «Kalthoum», son nom l’indique, est dédié à la diva égyptienne, Oum Kalthoum, dont les chansons ont bercé son enfance. On retrouve le quintet de “Wind” et la magie opère dès les premières mesures. Ouverture, introduction et quatre mouvements, 50 minutes d’un voyage, presque improvisé, vers le delta du Nil. Assez naturellement le suivant sera une création autour des titres chantés par Dalida. En big band avec une pléthore d’invités prestigieux, un petit plaisir malicieux pour les fans (ou pas) de la chanteuse. 

Il s’essaye ensuite, avec un certain brio, à la symphonie en 2018. “Levantine Symphony N°1”, un concerto pop pour trompette, chœur d’enfants (100) et groupe de jazz. Certains pourront rester dubitatif, d’autres apprécier l’audace. Métissage est surement le mot qui qualifie le mieux la musique d’Ibrahim Maalouf, il le prouve encore avec de “S3NS” qui vient de paraître, il ajoute quelques couleurs à sa palette, celles de Cuba et des musiques latines. Le jazz s’en va encore un peu mais le groove est toujours là et c’est bien l’essentiel.

Et maintenant

Maalouf disait, lors du point de presse d’avant concert, en juillet 2017, qu’il jouait de la trompette depuis l’âge de huit ans et demi et que, d’ici trois ans, (soit 2020) il arrêterait l’instrument. Gageons qu’il a encore beaucoup de choses à raconter avec (ou sans) ses quatre pistons dorés !

Jacques Lerognon

Le 01/12/19 au Dôme – Marseille (13) et le 08/12/19 au Zénith Sud – Montpellier (34).

www.ibrahimmaalouf.com

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