Née en Lituanie en 1985 du temps de l’URSS, GiedRé Barauskaité vit en France depuis l’âge de sept ans. Ne vous fiez pas à ses airs de fille sage car derrière ce visage d’ange blond, se cache une plume au vitriol, qu’elle porte sans complaisance dans les plaies de notre société. Si ses mélodies ressemblent à de douces comptines, ses paroles évoquent des sujets plus grinçants les uns que les autres, tour à tour grivois, scatologiques ou morbides.
Considérez-vous vos chansons comme trash ?
Je ne vois pas trop en quoi elles sont trash. C’est la vérité qui est trash, mes chansons n’en sont que le reflet. Je n’ai pas du tout l’impression de faire quelque chose de subversif. C’est plus subversif de chanter des chansons d’amour dans un monde comme le nôtre. Ne jamais affronter les choses, toujours un peu détourner le regard et tout envelopper de métaphores, ça empêche une réflexion directe et immédiate. Pour pouvoir parler des choses, il faut déjà commencer par les voir comme elles sont. Ce n’est pas vraiment être pessimiste, c’est être réaliste.
Pourquoi ce décalage entre des paroles très crues et des mélodies plutôt légères ?
Musicalement, j’écoute des choses très différentes mais j’ai toujours beaucoup aimé les mélodies plutôt douces. Les gens sont très habitués à ce que la forme reflète le fond mais ce n’est pas forcément le cas. On a l’impression que pour exprimer une certaine violence, il faudrait forcément faire du death metal. Mais moi le death metal, ça me fait mal à la tête. Du coup, je n’en ai pas fait (rires).
Le fait d’être née en Union soviétique a-t-il eu une influence sur vos textes ?
Oui, sans doute. Pour moi, c’était normal de faire la queue pendant quatre heures pour acheter du beurre. Et voir quand je suis arrivée en France à sept ans, que la vie n’était pas forcément comme ça, je pense qu’inconsciemment, ça a dû jouer. La liberté, c’est l’une des quêtes que je poursuis. Pour être libre, il faut lutter au quotidien et aussi en tant qu’artiste. Il faut toujours être fidèle à cette exigence parce qu’on a très tôt fait de s’autocensurer pour convenir à une bien-pensance et ça, c’est très dangereux.
Vous considérez-vous comme une artiste engagée ?
Non. J’ai l’impression que me définir comme ça, ça reviendrait à dire que j’ai compris quelque chose que les autres n’ont pas compris et que du coup, j’essayerais de les rallier à ma cause. Mais je ne pense pas avoir compris beaucoup plus que les autres gens. Nous sommes tous dans la même merde (rires).
Pourtant, il semble clair que votre objectif va bien au-delà de faire rire…
Oui, c’est sûr. Pour moi, l’humour n’est pas un but, c’est plus un moyen. C’est une forme d’expression qui m’a toujours été très familière parce qu’elle permet une grande pudeur de la part de celui qui parle mais aussi de celui qui écoute. Les gens, je ne sais pas pourquoi ils rigolent. Peut-être parce qu’ils trouvent ça drôle mais peut-être aussi parce que ça les gêne. Parfois, on rit même quand on est triste. Ce que j’aime bien c’est que le rire appartient à chacun. Moi, je n’ai que la conséquence physique. Je vois rire les gens mais je ne sais pas pourquoi. L’humour permet aussi de décomplexer et de désacraliser beaucoup de sujets.
Quelles sont vos limites ?
Quand je n’ai plus de place sur ma feuille (rires). Plus sérieusement, ma limite, c’est la méchanceté.
Dans la vie de tous les jours, êtes-vous comme dans vos chansons ?
Ça, c’est la question que l’on me pose tout le temps. C’est plutôt marrant que l’on me pose cette question à moi et jamais aux artistes qui chantent sur la tolérance et le partage alors qu’ils sont exilés fiscaux. Dans la vie, je suis plutôt discrète. Je suis pareille en moins bien. En moins maquillée, avec plus de cernes. C’est la version low-cost (rires).
Mathieu Presseq
Le 06/12 au Théâtre Lino Ventura – Nice (06).