Le phénomène Angèle a déboulé sur la scène francophone fin 2017 avec son premier single “La loi de Murphy”. Depuis, la chanteuse belge a enchaîné les succès : deux albums au sommet des ventes, des tournées à guichet fermé, des rôles au cinéma et même un documentaire Netflix sur sa vie. A seulement 26 ans, Angèle s’est imposée comme une artiste incontournable et surfe sur sa notoriété grandissante.
Tu sais que Nouvelle Vague est un magazine du Sud-Est de la France, est-ce que tu connais notre région ?
Je ne connaissais pas bien mais c’est une région que j’ai découverte ces dernières années grâce à mon travail. Je suis beaucoup venue à Cannes, pour le festival et pour les NRJ Music Awards. J’ai fait aussi pas mal de tournages, des concerts et même la fête de la musique à Nice.
Comment tu te sens après la sortie de ton dernier album ?
Très bien, je suis hyper contente. Je me sens soulagée car une fois l’album sorti, je ne peux plus rien y toucher.
Tu fais attention aux retours que tu peux lire sur l’album ?
Non, ce n’est pas une bonne idée. Je ne le fais pas parce que ça voudrait dire que j’attends quelque chose des retours, alors que le vrai retour qui m’importe c’est celui du public quand je suis sur scène. Mais le reste, il ne vaut mieux pas regarder parce que sinon on est dépendant et ça peut être dangereux.
Cet album a été coréalisé avec Tristan Salvati, comment s’est passée cette collaboration ?
Tristan Salvati est un ami. C’est vraiment la seule personne qui, à part moi, peut mettre en musique ce que j’ai dans la tête. Pendant la création, je compose et j’écris de mon côté. Et ensuite je me retrouve avec Tristan en studio, on se pose toutes les questions, on réfléchit, on regarde comment on peut agencer les choses, comment rendre l’album exactement comme on le souhaite.
Tu composes la musique et les paroles en même temps ?
Oui, en général ça se fait en même temps. C’est un peu comme quand on parle à quelqu’un, on ne réfléchit pas vraiment aux mots qu’on va utiliser. On sait ce qu’on veut dire et ensuite ça vient naturellement. Quand j’écris je fonce et c’est seulement après que je vais revenir sur les textes et que je vais un peu les enjoliver, s’il manque des rimes par exemple. Mais c’est assez naturel et ça se fait toujours en même temps que la musique.
Quels instruments utilises- tu utilises pour composer ?
J’utilise principalement un piano droit classique ainsi qu’un Wurlitzer qui a un son vintage que j’aime beaucoup et qui se rapproche de ce que je voulais pour l’album. C’est aussi le piano électrique sur lequel je jouais quand j’étais en école de jazz. Ils n’avaient pas beaucoup de moyens alors on n’avait pas de pianos mais des Wurli. Sauf qu’aujourd’hui ils coûtent un pont !
Est-ce difficile de transposer la musique que tu crées en studio sur scène ?
Je pense que c’est plus simple avec cet album que le premier. On a fait des sonorités plus pop et dansantes, je pense notamment à «Libre» qui va être vraiment cool à faire sur scène. Je pense qu’on va bien s’amuser.
Est-ce que ça a été différent pour toi d’écrire des paroles pour ce second album, quand tu sais que chaque mot va désormais être scruté, analysé ? Est-ce qu’on y pense quand on compose ?
Pour la création je n’y ai pas pensé, parce que j’étais vraiment dans une bulle, et heureusement que je ne me suis pas projetée. Par contre, ça a été plus difficile quand il a été question de produire l’album. Autant l’écriture s’est faite naturellement, la composition aussi, mais au moment où j’ai su que je voulais faire un album à partir de mes compositions, beaucoup de questions se sont posées : lesquelles choisir ? Que va raconter l’album ..?
Dans « Bruxelles je t’aime », tu parles de ton amour pour cette ville, mais aussi de l’unité de la Belgique, pourquoi t’as eu envie de parler de ce sujet ?
Je ne pouvais pas écrire une chanson sur Bruxelles sans aborder le problème des langues. Moi je viens du sud de Bruxelles, Linkebeek, qui est une des trois seules communes de Belgique bilingue. J’ai donc toujours entendu du français et du néerlandais. J’avais aussi envie de parler de l’absurdité de cette histoire : ne sommes-nous pas déjà assez petits pour avoir envie de se séparer ? Aujourd’hui, la question est moins d’actualité, certains sujets comme la pandémie ont pris le dessus. Mais il reste une confrontation, une tension entre Francophones et Flamands dans les générations plus âgées. Alors que les jeunes, eux, ont envie de se mélanger.
Les artistes belges arrivent facilement à parler de votre pays. J’ai l’impression qu’en France ce serait différent, voire mal vu, est ce que t’es d’accord avec ça ?
Si on compare à la France c’est la grandeur. Les artistes vont plutôt parler de leur région, comme Jul avec Marseille ou Orelsan avec Caen. Ce serait peut être trop général pour un artiste français de parler du pays dans son entièreté. C’est aussi parce qu’un pays comme la France a plein d’enjeux. Culturellement notamment. Dans l’histoire, nous les belges, sommes des anciens Français, mais on n’en porte pas le poids de l’histoire. En Belgique, on est beaucoup moins attaché à la langue française et à son patrimoine. Je pense par exemple que l’écriture inclusive ne fera jamais autant de bruit en Belgique qu’en France.
Traiter un sujet politique, c’est quelque chose que tu aurais pu faire dans ton premier album ?
Je ne vois pas ça comme une chanson politique. J’écris ça sur le coin d’une table, je ne pense pas au message politique, je dis juste ce que je ressens. Et sur le premier album j’étais encore plus naïve, c’est ce qui m’a permis d’écrire «Balance ton quoi». Si j’avais su en écrivant cette chanson l’ampleur que ça a pris, et les enjeux, j’aurais été pétrifiée.
Tu es fière d’avoir écrit «Balance ton quoi» ?
Ah oui, hyper contente. Mais aussi d’avoir été naïve car ça m’a permis d’en parler d’une manière très légère, avec beaucoup d’humour, or c’était le meilleur axe à ce moment-là pour parler de féminisme.
Avec ce morceau tu es devenue une icône, un porte-drapeau du féminisme, est ce que tu assumes ça, tu le revendiques ?
Je ne suis pas contre parce que c’est assez flatteur, mais je ne suis pas la seule, on se bat à plusieurs. Et si je suis une icône, ce n’est certainement pas à moi de le décider. Ce qui est sûr c’est que je continuerai toujours à travers ma musique à faire passer les messages les plus importants pour moi. Et le combat pour l’égalité est un combat qui a encore complètement sa place.
En parlant d’égalité, la grande majorité de nos dernières couvertures sont des artistes féminines. Ce n’était pas une volonté de notre part, mais les artistes émergents de la musique pop sont aujourd’hui principalement des femmes. Es-tu d’accord avec ce constat ?
Ce que je trouve intéressant c’est que ce n’était pas volontaire. Et c’est une très bonne chose. Il y a des artistes femmes qui méritent de faire la couverture et c’est intéressant de ne plus considérer cela comme un geste de mettre une femme en avant, car ça devrait être la norme. Je pense que la pop depuis quelques années est aussi portée par des voix féminines et féministes. C’est pour ça que je disais que je ne pouvais pas être la seule à porter ce drapeau. Quand on parle de Clara Luciani, Pomme et Juliette Armanet, à nous quatre, on a chacune notre façon d’aborder le féminisme. On pourrait penser à d’autres femmes comme Aya Nakamura, Yseult, Hoshi. On est nombreuses à porter ce féminisme et pouvoir en parler.
Est-ce que tu as l’impression de faire partie de la même scène que les artistes que tu as citées ? Vous vous fréquentez ?
Oui on se connait très bien, je suis d’ailleurs particulièrement amie avec Pomme et Clara Luciani. Ce que je trouve intéressant c’est que quand on est une femme on est souvent comparée et on se compare nous même. Or j’ai le sentiment qu’il faut éviter ça et être dans le soutien. C’est déjà assez difficile d’être une femme dans la musique, il faut parfois redoubler d’efforts pour être prise au sérieux, on peut être sujette à du harcèlement et du sexisme assez vite et ce serait un poids en plus d’être dans la concurrence alors qu’on fait le même métier et qu’on peut vraiment se comprendre. Je les vois comme des alliées.
Tu vas interpréter Falbala dans le prochain Astérix, les Belges ne vont pas t’en vouloir que tu participes à cette œuvre majeure de la BD française ?
Non, au contraire. C’est très agréable quand on est belge de voir que des artistes de chez nous sont soutenus et suivis en France. Et les belges adorent Astérix et Obélix !
Nicolas Santucci
Le 10/05/2022 au Dôme – Marseille (13), le 11/05/2022 au Palais Nikaïa – Nice (06), le 23/06/2022, dans le cadre de l’Aluna Festival – Ruoms (07), le 20/07/2022, dans le cadre du Festival de Nîmes (30), le 25/10/2022 à l’Aréna du Pays d’Aix (13), le 26/10/2022 au Zénith Omega – Toulon (83) et le 27/10/2022 à la Sud de France Aréna – Montpellier (34).