Depuis ses débuts en 2005 avec « The Cheap Show », Anaïs occupe une place à part dans le monde de la chanson française. Toujours décalée, brouillant en permanence les frontières entre la musique et la comédie, la chanteuse revient aujourd’hui plus révoltée que jamais. Anaïs sort les griffes pour Nouvelle Vague.
Pourquoi avoir intitulé cet album « HellNo Kitty » ?
C’est une manière de dire qu’on n’en a marre d’être pris pour des chatons. C’est contre la mondialisation aussi car ce petit chaton japonais, j’peux plus le blairer. Il représente tellement tout ce qu’on veut nous faire avaler mais dans la douceur. Sous son côté gnangnan, il fait passer les couleuvres du pire capitalisme que l’on puisse imaginer puisque tous les parents sont forcés d’acheter ce petit chat.
Pourquoi cet hommage à Joni Mitchell en tout début d’album ?
Parce que mon album est un peu folk engagé et que Joni Mitchell a écrit l’une des chansons les plus connues sur Woodstock sans y être allée. C’est à la fois un hommage et un contrepied. Et il y a vraiment un souffle des années 60, un côté woodstockien sur cet album. Joni Mitchell, c’est la chanteuse qui avait la voix la plus libre de son époque.
Avez-vous l’impression d’avoir évolué depuis « The Cheap Show » ?
Oui. Déjà, je joue un peu mieux de la guitare, ce qui était crucial (rires). Aussi, depuis mon avant-dernier disque, je réalise moi-même mes albums. Pour « HellNo Kitty », j’ai quitté à la fois mon gros tourneur et Universal pour repartir en indé et cette fois-ci, je suis carrément productrice. Je ne sais pas si j’ai évolué mais je continue à me mettre en danger. Par exemple, sur cet album, il y a des textes pas mal engagés.
En effet, vous y allez assez fort sur « DRH »…
Je ne trouve pas. Je connais des DRH qui sont d’accord, et même certains qui se sont barrés à cause de ça. La chanson les prend en boucs émissaires tout en l’assumant car je dis bien qu’ils font partie d’un système. Sauf qu’ils sont à un endroit charnière du système et que eux pourraient ne pas appliquer certaines choses, que les personnes en-dessous sont obligées de subir. Les DRH sont des maillons importants de la chaîne. Si tout le monde dit tout le temps « moi je ne peux rien faire, j’applique », on ne fait plus jamais rien. Mais dans l’album, je tape sur tout le monde.
Comme sur l’industrie musicale avec « L’Auto-Tune »…
Exactement. Les effets de mode sont très dangereux. Certaines modes sont très intéressantes et certaines ne le sont pas du tout. Je ne trouve pas que l’Auto-Tune valorise l’être humain. On n’entend plus la voix de l’humain mais une grosse machine.
En reprenant malicieusement des passages de Cher et Daft Punk à l’intérieur de ce même morceau, est-ce que vous ne vous situez pas un peu entre le stand-up et la chanson ?
Mon album « The Cheap Show », j’avais dit que c’était un « one-woman-song » donc on n’est pas loin de ça. Mais ça ne m’intéresserait pas de faire du stand-up. J’aime les comiques de personnages, je suis plutôt là-dedans car il y a un vent de schizophrénie dans ma comédie. Mais j’aime tellement chanter que je ne vois pas pourquoi que je me priverais du plaisir de faire les deux. C’est-à-dire être en mode personnage tout en chantant. Et comme il n’y a pas beaucoup de gens qui le font, autant que je le fasse (rires).
Pourtant, il semble y avoir une autre facette à cet album, plus mélancolique, comme sur « Une heure c’est rien ». C’est quelque chose que vous assumez aussi ?
Oui complètement. « Une heure c’est rien », c’était une chanson que j’avais offerte à Camélia Jordana. Ça ne s’est jamais fait pour des histoires de maisons de disques mais elle aimait bien la chanson. Et moi aussi je l’aime beaucoup car je me suis rendue compte que ça me permettait d’écrire autrement, et tout ce qui me surprend me plait. De plus, ça collait très bien avec cet univers folk. Et comme l’album est assez râleur et fatiguant, c’est pas mal d’avoir des trucs un peu doux aussi.