Le 19/05/2023 au Carré – Sainte-Maxime (83).
Le Carré Sainte Maxime présentait ce vendredi 19 mai 2023 le rappeur Youssoupha pour son spectacle gospel symphonique experience, accompagné pour l’occasion par l’orchestre national de Cannes et un chœur gospel. Malgré les années qui passent, les centaines de concerts qui défilent sous mes yeux et habitent mon âme, je peux toujours être terrassé émotionnellement par certaines surprises, cette soirée magique en fait partie. Habituellement, je ne goûte que très peu les concerts d’artistes de musique actuelle accompagnés par des orchestres classiques qui ont souvent pour effet de guinder l’artiste. De plus, j’ai moi-même accueilli l’orchestre national de Cannes dans mon lycée pour un concert inspiré de West Side Story. J’étais sorti très déçu de ce concert, car la discipline de l’orchestre classique avait écrasé le jazz foisonnant de George Gershwin, l’appauvrissant au lieu de l’avoir magnifié. La différence, c’est qu’ici les musiciens classiques ont été coachés lors des répétitions par le violoncelliste Olivier Koundouno, arrangeur et musicien attitré de Youssoupha, le chœur gospel également et cette fois ci la magie a opéré.
Dès l’introduction, les cordes nous entraînent dans une intro soul qui monte en intensité jusqu’à ce que le rappeur se présente. Cette fois-là, ses rimes ont pris tout leur sens et je me suis rendu compte que je n’avais jamais su les écouter comme je l’ai fait ce soir-là. Quelques instants, j’ai eu honte de mon incapacité, de ma faiblesse, de ma légèreté crasse indigne de mon amour profond pour la musique et la poésie, celle que Youssoupha conjugue à tous les temps avec la force et l’engagement d’un écorché vif pourtant empli de recul et de sagesse. Et puis alors que j’étais encore effaré, j’ai entendu Mesko, un talentueux et percutant slamer Togolais avec lequel je m’étais rendu au concert qui entonnait à gorge ouverte les phrases de celui qu’il considère comme un de ses maîtres. Ce duo avec l’écho qu’il formait avec ma propre perception m’a emporté. Où ? Je ne peux le dire, mais je sais que je n’en suis toujours pas vraiment revenu. On reconnaît les concerts exceptionnels au fait qu’on y reste plongé plusieurs jours. Quand le calme reprend ses droits sur mon environnement direct, mon esprit repart invariablement vers ces sensations intériorisées, précises et entêtantes qui n’ont rien de fugaces ou de diffuses, ces notes, ces syllabes ou ces vers qui continuent à m’habiter des jours durant. Encore aujourd’hui en écrivant ce texte, l’émotion m’envahit et je m’y abandonne en savourant l’instant. Si vous pensez que je sur joue ou exagère, courez visionner “Entourage (live @ Hip Hop Symphonique sur Youtube, peut être vous non plus vous n’en reviendrez pas. Je ne peux que remercier le Carré Sainte Maxime de nous avoir fait ce cadeau, des fois la vie nous offre des parenthèses sidérantes de bienfait si intenses qu’une fois qu’on les a vécues, on a juste peur de manquer l’occasion de vivre la prochaine, angoissés de faire au dernier moment un mauvais choix d’emploi du temps.
Emmanuel Truchet