Le 29/06/2024 sur la Place Arnulf – Peillon (06).
C’est le jeune quintet Monsieur Mâlâ qui ouvre cette deuxième soirée peillonnaise. Les cinq musiciens nous proposent un jazz urbain où les sonorités du synthé analogique de Nicholas Vella se mêlent à celle de la mandoline électrique de Robin Antunes et du sax ténor de Balthazar Naturel. Ils sont propulsés par une rythmique puissante au groove imparable, Swaéli Mbabbé à la basse 5-cordes et Yoann Danier à la batterie. On découvre la musique de leur premier album éponyme. Groupe sans leader, ils prennent chacun leur tour la parole pour nous entraîner dans leur monde, nous faire bouger, danser, chanter même. Impossible de rester assis à l’écoute de leur jazz. De “Little Ones” écrit pour leurs propres enfants mais dédiés à tous les enfants malheureux dans le monde à “J’ose” une compo du batteur.
Robin Antunes délaisse sa mandoline pour un violon, il nous mène dans les rues de Tripoli, les harmonies se font plus méditerranéennes. Vers la fin de leur set, Balthazar Naturel pose son sax pour emboucher un drôle d’instrument noir, long avec une boule tout au bout. C’est un cor anglais (en fait ce n’est pas un cor mais plutôt un hautbois et il n’a rien d’anglais. Mystère !). Et le morceau qu’ils jouent se nomme ” Cor Anglais in E minor (Op. 3)”. On pense qu’ils ont fini mais non, trompette en main, Ludovic Louis, au programme de la soirée du 30/06, rejoint ses amis sur scène pour un petit morceau final. Magie des festivals à taille humaine…
Changement de plateau et surtout changement total de style. Au programme de cette seconde partie, le septet de Pierre Bertrand dans un hommage à Joe Henderson, légendaire saxophoniste américain décédé en 2001. Pierre Bertrand a privilégié la période hard-bop du répertoire pour nous concocter ce concert. Un groupe monté spécialement pour le PJF même s’ils ont joué la veille à Paris. À la trompette, Diego Urcola. Le musicien argentin fut sideman d’Henderson et il a conservé les partitions d’époque. Au trombone, un compagnon de route de Magma, Denis Leloup. Éric Legnini est aux claviers, Thomas Bramerie à la contrebasse et Franck Agulhon aux baguettes. Fidèle à ses habitudes de chef d’orchestre, Pierre Bertrand dirige ses compères, d’un index discret ou d’un léger mouvement vers le haut de son saxophone. Il n’oublie pas non plus parsemer le set d’anecdotes, comme celle de sa rencontre avec le ténor étasunien dans les allées de la Grande Parade du Jazz à Cimiez.
À la question “qu’est-ce que vous faites”, Pierre Bertrand répond, “j’apprends le saxophone” et Joe Henderson de répondre, “tiens, moi aussi”. On ne détaillera pas la setlist. Morceaux connus ou moins connus se succèdent sur une frappe à la fois magistrale et sobre de Franck Agulhon. Master of the beat!. Le premier solo de Thomas Bramerie est impressionnant de beauté et d’élégance. Tout en swing, Éric Legnini nous offre de belles parties de piano. Un peu plus effacé, Denis Leloup fait néanmoins quelques belles envolées au trombone en solo mais aussi, associé à la trompette d’Urcala, dans des jaillissements de cuivre. Un peu avant les rappels (et il y en aura…) le musicien argentin nous rappelle une des phrases favorites de Joe Henderson qui disait “What was good, is good”. Cela sera la conclusion de cette chronique.
Jacques Lerognon