LES VOIX DE L’AUTRE

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Le 10 et 11/06/23 à l’Abbaye du Thoronet (83).

Cette deuxième édition du Festival Les Voix de l’Autre débute par une déambulation dans l’Abbaye. Tout d’abord dans l’abbatiale, majestueuse, accompagnée de quelques notes du oud de Malik Ziad, deux chanteuses, deux chanteurs vont tour à tour psalmodier quelques notes qui résonnent, se réverbèrent sur les murs, les piliers, les voûtes. Enchantement ! Puis, nous nous dirigeons vers le dortoir des moines pour une séquence avec Moma Bboutchebak, Adama Koulibaly et Malik Ziad. Chant arabo-andalou, suffi, gnawa et les chants Donso (ceux des chasseurs du Mali). Voix qu’ils accompagnent avec oud, guembri et diverses percussions. En peu plus tard, la chanteuse napolitaine Rachele Andrioli et Piers Faccini (le directeur artistique) rejoignent le groupe pour un voyage en musique sur les deux rives de la Méditerranée.

18h30, l’orage approche mais nous sommes à l’abri sous les voûtes centenaires de l’église pour le concert que les amateurs de jazz (et les autres) attendent, le duo entre le trompettiste Erik Truffaz & le violoncelliste Vincent Ségal. Seul dans le chœur, le violoncelliste apprivoise la résonance du lieu, l’archet frotte ou tapote les cordes que les doigts pizzicattent ensuite. Puis du narthex s’élève le son de la trompette tout en délicatesse. Éclairés seulement par les (faibles) lumières naturelles, les deux jazzmen vont improviser pendant une heure. Une virtuosité transpercée par l’émotion qui sourd de chacune de leur note. Le dialogue se fait à trois car les murs semblent répondre aux instrumentistes comme ils l’ont fait pendant des siècles avec les psalmodies des cisterciens. Une longue standing ovation conclut ce moment magique. C’est l’orage qui nous accueille pour le concert du soir, le maître marocain Adil Amini, accompagné de trois percussionnistes-chanteurs, va nous initier à la musique goana (ou gwana). Une musique puissante, lancinante et colorée, fortement empreinte de mysticisme.

Dimanche, nouvelle déambulation, le temps ne permet pas de la faire dans les jardins, direction, le cloître où Rachele Andrioli et Piers Faccini nous attendent pour quelques chansons, tarentelles, tammurriata, tirées du folklore des Pouilles ou de la vieille Angleterre. Une guitare National Steel, un tambourin, deux voix. Puis retour au dortoir Rachele, Mona mêlent leurs voix à celle de Adama et Piers et tirent un trait d’union entre les langues, les cultures de la Mare Nostrum. Nous ne tardons pas à reprendre place dans l’abbatiale où, à 18h30, le chœur Mikrokosmos investit le lieu pour près d’une heure et demie. Vingt chanteuses et chanteurs vêtus d’une élégante toge noire, se répartissent dans la nef, les allées. Murmures, chants, psalmodies, déclamations dans divers langages allant du français au finnois en passant par le latin. On pense entendre du Meredith Monk, du Philip Glass et même du Magma mais les compositeurs sont Eric Banks à Manuel Ruiz del Corral ou Veljo Tormis et Grede Pedersen. « La nuit dévoilée », véritable spectacle où le mouvement des corps et aussi important que ceux des cordes vocales. Un ballet sonore savamment orchestré par Loïc Pierre. En rappel, installé au fond du narthex, le chœur semble faire écho au tonnerre que l’on entend un peu assourdi par l’épaisseur des pierres. Alors que les choristes regagnent les loges, les spectateurs eux, restent dans l’enceinte de l’abbatiale, comme pour profiter un peu encore de ces moments de grâce.

Jacques Lerognon

lesvoixdelautre.fr

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