LES TRANSES CÉVENOLES 

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Les 20 et 21/07/2024 à Sumène (30).

Très attendues en Cévennes – où la diffusion culturelle se fait un peu trop rare – les Transes Cévenoles attirent chaque année une foule hétéroclite, fruit du mélange de locaux et de curieux vacanciers, mais aussi de montpelliérains qui viennent en nombre (et entres autres) profiter de l’ambiance si douce de l’événement.

Il est important avant tout de poser le décor. Sumène, village gardois, s’atteint en prenant une route enlacée dans une vallée verdoyante où coule un Rieutord timide. Accessible depuis Ganges – porte d’accès sud aux Cévennes à cinquante minutes de Montpellier – le village est au pied des montagnes Cévenoles et sur la route de villages et de paysages tous plus sauvages et bucoliques les uns que les autres. 

Tout de pierres pavé, le village est historiquement terre d’accueil de l’événement organisé depuis 1998 par l’association les Elvis Platinés. Au fil des années, il grandit ses actions sur le territoire à l’année et son rendez-vous estival, de concert, jusqu’à devenir l’un des événements les plus importants de l’été en Cévennes méridionales, et en gonflant sa programmation initialement musicale d’arts de rue et autres pratiques théâtrales ou circassiennes.

Entièrement gratuit jusqu’à la période covidée, le festival se réinvente aujourd’hui en une double proposition : des spectacles et concerts gratuits en journée et une série de trois concerts (doucement) payants en soirée, le temps d’un week-end. Le public, très familial dans sa version diurne, se mue petit à petit en une version plus ramassée en âge et enthousiaste dans le déhanché. Beau jeu de jambes pour évoquer l’un de moments phares de la programmation nocturne passée : la performance du collectif marseillais Maraboutage. Si les phocéens se sont depuis longtemps huilé le bassin pour accompagner les danses enflammées des performeurs scéniques, le public transe cévenole a, lui, découvert crescendo sa propension à la danse chaloupée, pour finir en une frénésie générale, allant même jusqu’à inonder la scène pour montrer au reste du monde son néo twerk. Un beau moment. Il faut dire que la foule avait été échauffée en cette première soirée par les riffs électro raï du spécialiste Sofiane Saïdi, seul et solide derrière ses claviers et machines. 

La seconde fut marquée par l’excellentissime trio tourangeau Meule. On a beau les revoir, on est toujours (plus) emportés par la transe rythmique unique du projet. Cosmique, la musique de Meule est en réalité d’une intelligence d’écriture très singulière et profondément travaillée. Doublement battus, les rythmes rock tirant sur la noise ou le kraut sont délicieusement teintés de riffs de guitare chiadés, le tout adouci par une voix qui semble voler au-dessus de cette expérimentation instrumentale organisée. Un délice d’hypnose musicale, qui laissa la place à la découverte du projet Ajaté, projet à 18 mains orchestré par le musicien japonais John Imaeda, qui tisse un lien pour lui évident entre la musique ancestrale japonaise jouée lors des “Matsuri” (fêtes de village), et les riffs de l’afrobeat de l’ouest africain. Les instruments uniques inventés par le groupe portent avec force des rythmiques profondes, habillées de voix féminines et masculines puissantes et de percussions enflammées qui montent toutes ensemble au fur et à mesure du concert. Le côté très traditionnel des premiers morceaux laisse petit à petit la place à une excitation générale, dont le public ne veut plus sortir, en témoigne la lourde salve de rappels qu’il émet.

On pourrait dire que les Transes Cévenoles ont très bien porté leur nom, cette année, mais ce serait omettre de parler de l’autre nature de ce rendez-vous : la simplicité. De l’équipe au public, la sensation que vous laisse ce doublet culturel onirique est un bien-être rare, à l’image de ce que ses terres d’accueil ont de si délectable.

Lucie Ponthieux Bertram

lestranses.org

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