KY-MANI MARLEY / DEVI REED

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Le 26/07/17 au Mas des Escaravatiers – Puget sur Argens (83).

#NVmagLiveReport

Le Mas et son cadre exceptionnel transcende toujours les artistes qui se retrouvent en connexion directe avec le public et comme à chaque fois ce concert s’annonce sous de bons auspices. Un bon public Reggae métissé socialement, ethniquement aussi bien qu’au niveau générationnel, un des points forts des concerts Reggae, une musique qui propose plusieurs portes d’entrée selon le niveau de sagesse que la vie et sa durée ont doté chacun de nous. La soirée à laquelle on a pris soin de venir tôt pour profiter du cadre, s’annonce très bien.

La première partie est assurée par Devi Reed, le chanteur du groupe The Banyans qui a sorti un album solo au printemps et qui se lance dans un registre new roots plus original et rythmé que ce qu’il avait l’habitude de faire avec son groupe. Il se présente sur scène avec un DJ et un batteur. Si c’est un artiste que j’ai pu critiquer par son manque d’originalité et d’inspiration je dois reconnaître qu’il est en recherche d’un style plus charpenté avec de nouveaux textes en français qui d’après moi relèvent le niveau d’inspiration et de sens. Avec le gros son de la sono du Mas, l’énergie passe dans un public reggae qui répond activement aux sollicitations du chanteur. L’ensemble rythmé respire la nouveauté mais ne manque pas d’énergie pour une première partie et on ne se formalise pas sur les fins de morceaux pas ou mal travaillés. Dans un autre contexte et avec un public à conquérir, Devi Reed a plus de mal mais on sent que c’est un artiste obstiné et je crois en lui pour combler ses carences. Ses 10 ans de musique avec les Banyans peuvent lui sembler longs au vu de son jeune âge mais c’est à mon avis le temps qu’il faut pour commencer à comprendre ce qu’on fait et comment on le fait, première étape pour pouvoir dans un premier temps reproduire puis étoffer. Bonne et longue route à lui et ses sympathiques complices.

Ky-Mani Marley est un des fils de Bob Marley qui s’est lancé en musique après avoir plutôt été attiré par le sport. On imagine en même temps les portes qui s’ouvrent pour faire carrière plus facilement que pour n’importe quel artiste mais aussi la difficulté à se faire un prénom sans retomber dans la stricte lignée. 20 ans après la sortie de son premier album funestement appelé « like father like son » (tel père tel fils) Ky-Mani se trouve encore englué dans le même dilemme, et ce concert au Mas, bien que réussi du point de vue du public dont je fais partie, nous le démontre encore une fois d’une manière criante. Cependant et pendant longtemps j’ai trouvé qu’il était le descendant de Bob le plus convainquant avec son style new roots assez personnel sans aller comme Damian dans la facilité des featurings Hip Hop ou du strict Roots à la papa d’un Stephen ou d’un Junior Marley.

Le band est presque pléthorique avec un duo de guitares et de claviers et deux choristes soit 9 personnes sur scène, ce qui permet de l’ampleur scénique et des arrangements travaillés en plus d’un son plein. Le concert commence, à mon sens de manière très maladroite par un medley de titres de Marley, quand on a pour but légitime de se faire un prénom, ce n’est pas une attitude très mature et qui révèle à mon sens un manque de confiance en soi assez terrible et surement lourd à porter.

Cependant le groove est tout à fait correct même si on aurait pu attendre plus d’ampleur artistique et un ensemble plus arrangé. Le public s’envole quand Ky-Mani apparaît sur scène avec sa voix éraillée assez personnelle. Les titres s’enchaînent et les mélodies comme les interprétations ou la présence sur scène sont vraiment correct sans être toutefois transcendants. Après quelques morceaux, Ky-Mani prends la parole pour s’excuser de faire une chanson très différente des autres qu’il nous présente même en disant qu’elle n’a rien à voir avec le reste ! Pourtant, cette ballade bien rythmée sur un ton folk & soul sera pour moi le meilleur titre du concert car on le sent tout à fait à l’aise dans ce registre moins syncopé et plus planant. Tiens, serait il atteint du syndrome Ziggy ? Ce dernier a fait ses meilleurs albums quand il a décidé de s’aventurer vers plus de folk et de rythm & blues, délaissant le pesant héritage familial reggae pour enfin à quarante ans passés, voler de ses propres ailes. Encore l’ombre trop présente de dieu le père …

Très rapidement et au grand dam de beaucoup de spectateurs on retombe dans la reprise de titres de Bob : Jamming, Is this love, Lion Iron Zion … bizarrement ce sont les 3 chansons (sur des dizaines) de Marley que je n’aime pas spécialement. Après le concert, les membres du public avec qui j’ai parlé se sont beaucoup plaints de ces reprises. Ayant été manager d’un groupe brésilien qui s’appuyait beaucoup sur des reprises de Bob Marley, un registre dans lequel le groupe était réellement légitime et expérimenté car ayant parcouru les USA en long et en large avec Junior Marvin, le guitariste des Wailers, avec un répertoire de reprises très bien interprétées, Je sais d’expérience qu’on se plaint des reprises de Bob Marley soit quand le groupe les joue de manière imparfaite et sans esprit ou quand il ne se les approprie pas en les intégrant dans son set. Les reprises du groupe ont cumulé ces 2 carences et le public averti attendait autre chose. Même Could you be love, n’a pas entrainé de liesse particulière, c’est dire, car avec ce titre je sais qu’on peut électriser les foules.

Alors Ky-Mani Marley est-il un artiste capable ? Définitivement OUI ! Le concert était-il réussi ? OUI. C’est la capacité de l’artiste qui me fait regretter ces imperfections qui ne sont pas issues d’un manque de talent ou d’inspiration mais d’encadrement. Que fait son manager ? Ne comprend-il pas la mécanique d’un show reggae ? Ky-Mani s’entête-t-il ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’il possède assez de talent, de prestance mais aussi un répertoire personnel conséquent pour faire un excellent show, et non se contenter d’un bon concert comme ce soir au Mas.

Le public averti et connaisseur ce soir-là était conscient du talent de Ky-Mani et venait pour écouter ses chansons. Qu’il s’appuie sur les tubes de son père quand il joue dans un festival dans lequel s’expriment tous les styles musicaux et où le public s’intéresse au reggae de loin et vient le voir sur son patronyme, pourquoi pas. Sa stratégie serait défendable pour se mettre le public dans la poche mais quand on vient l’écouter, qu’on sait à quoi s’attendre et qu’on se déplace pour cela, il peut et doit se mettre en avant et défendre ses compositions. Peut-être qu’un jour Ky-Mani lira cet article et réfléchira-s’il ne le fait pas déjà.

Toutes ces considérations sont définitivement pertinentes dans le cadre d’une analyse critique du concert que les lecteurs attendent d’un article rédigé par un pro de la musique mais il ne faut pas non plus bouder notre plaisir … entendre des vibes reggae sous les étoiles dans la fraicheur des soirs d’été ne doit jamais devenir une habitude et il faut toujours savoir garder son sens critique dans sa poche pour vivre l’instant et c’est ce que j’ai fait ce soir-là en passant une excellente soirée. Longue vie au Mas et à Talowa Production qui organise les soirées reggae là-bas autour de ses artistes, longue vie à Devi Reed et à Mr Marley.

Emmanuel Truchet

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