Booker T. Jones fût un jeune prodige de la musique dans les années 60. Multi instrumentiste de talent, il se concentre ensuite sur l’orgue et le piano et fût la tête de pont de Booker T & The MG’s, le mythique groupe instrumental de la Stax qui a accompagné tous les artistes maison comme Otis Redding sur plus de 600 albums en tout. Booker T. sur scène reprend un grand nombre de titres mythiques de son répertoire ou de la banque de tubes du blues afro-américain. Pour moi, il manquait un peu d’esprit soul et d’énergie. J’attendais avec impatience la résurrection des lignes de basse de Donald « Duck » Dunn, l’immense bassiste du groupe The MG’s (c’est le bassiste barbu des Blues Brothers). Le bassiste actuel les « défendais » moins bien que leur créateur et le cœur de la soul music, cette basse hyper rythmée, musicale et rapide, très présente et essentielle dans ce style musical qui constitue la matrice de 98% de ce que j’écoute aujourd’hui. Il n’empêche que j’ai passé un très bon moment mais je m’attendais à un retour en arrière sur les années pendant lesquelles la soul music m’a passionné et fasciné quand j’ai découvert dans les années 80, l’album « Soul Man » de Sam & Dave, sur lequel officiaient déjà Duck Dunn, Steeve Cropper et Boorker T. Jones. Très honnêtement ce fût un tournant dans ma vie et le départ d’un long voyage dans la musique et dans ma vie personnelle duquel je ne suis jamais revenu. Tout cela pour mettre en évidence le niveau d’attente qui était mien ! Evidemment rien n’aurait pu ressusciter la passion qui fût mienne et j’attendais l’impossible de Booker T., le concert fut quand même très bon ! En tout cas, je ne manque pas l’occasion de vous rappeler de revoir au moins deux ou trois fois par an le film « The Blues Brothers » en V.O. car c’est la dose minimum nécessaire à l’entretien d’une mémoire musical éveillée et une délicieuse occasion de revoir tout ce beau monde jouer de la musique ensemble.
Quand le concert d’Imelda May commence, je ne sais à quoi m’attendre car je ne connais absolument pas cette artiste ! Dès les premières notes je décèle une couleur années 50 avec des rythmes « Rock a Billy » et un physique de playmate de calendrier vintage pour camionneurs. L’interprétation très anglaise des musiciens, leur look et la voix d’Imelda, tout sonne juste et donne corps à l’ensemble. Cette Irlandaise propose une musique énergique et vivante, très basique donc proche de l’essentiel et vraiment communicative. Même son identité irlandaise transparait dans les arrangements et la couleur musicale du groupe. Un concert hyper énergique et un grand talent pour la scène. Je passe un bon moment.
Sorti du concert d’Imelda May, je ne peux m’empêcher de penser que la nature est vraiment injuste et qu’elle est en partie responsable des inégalités que j’exècre. Comment ne pas s’interroger quand on voit une fille magnifique, super chanteuse qui semble être en parfaite intelligence avec son environnement sur cette scène sans penser que la nature est si injuste pour ceux qui ne sont ni beaux, ni bons chanteurs, ni doués en musique et qui s’emmerdent copieusement dans un travail pour lequel ils n’ont aucun talent! (NDR : vous allez finir par croire que je parle de moi).
Mes pensées occupant l’intermède du changement de scène sur ce registre, que devais-je penser quand Joss Stone se présente sur scène accompagnée par de magnifiques musiciens soul ? Elle est belle, jeune, blonde, resplendissante, possède une voix de chanteuse noire d’expérience, une aisance sur scène si grande qu’elle perturbe les repères façonnés par l’histoire de chacun des mouvements musicaux auxquels elle emprunte… Sûrement énormément de travail mais aussi le fruit d’une injustice divine et criante… Comment une seule personne peut-elle monopoliser le talent qui aurait suffi à 50 personnes normales et peut-être 5 ou 7 musiciens talentueux ? Un répertoire soul maîtrisé à la perfection entre énergie, complicité avec le public, sensibilité, performance vocale et une présence sur scène éblouissante de facilité, de fluidité et de naturel. Elle peut vraiment nous faire tourner la tête et perturber nos repères musicaux. Un grand concert, une grande artiste et un groupe aussi compétent que touchant et consciencieux. Ma madeleine ? Les 2 choristes, homme et femme et la justesse et la musicalité de leurs phrasés vocaux. Je sors du concert dans un état second que seule la musique engendre chez moi : galvanisé, hébété et vidé à la fois. Un bonheur qui m’accompagnera encore de longues heures le lendemain quand je raconte à toutes les personnes mélomanes que je croise l’immense Joss Stone sur scène. A retourner voir d’urgence et à chaque fois que possible !